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Nov 18 128 tweets 17 min read Read on X
Bonjour à tous ! L’audience ne va pas tarder à reprendre au procès des viols de #Mazan On entre dans les dernières semaines du procès : les accusés doivent tous revenir. Et les journalistes sont de retour, pour cette dernière ligne droite. LT à suivre pour @franceinfo Image
On entend cet après-midi les deux fils de Dominique et Gisèle #Pelicot : David et Florian. Ils témoignent pour la première fois. Et on entendra de nouveau Caroline Darian, la fille du couple.
Gisèle Pelicot entre dans le tribunal d’Avignon devant une nuée de caméras.
Ses fils et sa fille arrivent ensuite👇🏼
La salle d'audience est pleine à craquer, il n'y a pas un millimètre de banc disponible entre la trentaine de journalistes, les accusés et leurs avocats.
David Pelicot s'avance à la barre, en passant par la travée principale. "J'ai 50 ans, je suis le fils aîné de Gisèle et Dominique Pelicot. J'exerce la profession de promoteur des ventes", déclare-t-il en préambule.
"Tout d'abord, je voudrais mettre à l'honneur et remercier l'ensemble des effectifs de police, qui ont fait un remarquable travail d'investigation sur cette horrible affaire familiale qui est évidemment la nôtre", poursuit David Pelicot.
"Si maman aujourd'hui est avec nous dans cette salle, c'est en partie grâce à eux", souligne-t-il.
"Depuis le 2 novembre 2020, notre vie de famille a été anéantie. Nous avons vécu un énorme tsunami : chaque personne de cette famille savait avec qui il se trouvait et où il se trouvait", indique David Pelicot.
"Il est environ 20h15, je suis dans la cuisine avec les enfants. Le téléphone de ma femme sonne. C'est maman. Elle me dit qu'il faut que je m'isole puisque ce qu'elle a à m'annoncer est très grave. J'imagine le pire : une maladie, un accident", se souvient-il.
"Notre conversation ne va durer que cinq minutes. Elle m'apprend ce qu'il y a de plus horrible : cet homme, dans ce box, a livré ma mère à des inconnus pour la violer. A ce moment-là, le sol se déroule sous mes pieds", poursuit David Pelicot d'une voix tremblante.
"Quand je raccroche, il me vient l'envie de vomir, chose que je fais", dit-il.
"Mes enfants montent au premier étage dans leur chambre. Je dis à Céline (son épouse) la teneur de la conversation. Elle est stupéfaite, abasourdie, et ne comprend vraiment pas ce que je suis en train de lui expliquer", relate-t-il.
"La nuit qui suit est épouvantable : je me demande dans quel état moral se trouve ma mère, je me pose la question de savoir si elle est en sécurité. Le lendemain matin, je retrouve mon frère, nous nous tombons dans les bras, nous prenons le train pour Avignon", ajoute-t-il.
"On retrouve ma soeur Caroline. Nous nous tombons dans les bras, nous pleurons tout le long du trajet. On ne comprend pas ce qu'il se passe", décrit le quinquagénaire.
Le commissaire les reçoit. "Il nous explique qu'ils ont découvert dans des milliers de photos, nous voyons notre mère abusée par des inconnus. Personnellement, j'essaye de me donner une certaine contenance, mais nous avançons une fois de plus dans l'horreur", dit-il.
"La première chose qui me vient à l'esprit, c'est de savoir s'il n'y a pas des photos de nos enfants. L'officier de police judiciaire dit : 'pour l'instant, nous n'avons rien trouvé'", rapporte David Pelicot.
Il rentre au domicile parental à Mazan, avec sa fratrie. "Nous décidons de faire tout disparaître de ce qui nous lie à cet homme. Nous avons allégé cette maison en deux jours", précise-t-il.
"Aujourd'hui, nous n'avons plus aucune photos d'albums de famille. Nous avons fait disparaître ses vêtements et ses tableaux : ce monsieur avait une passion pour la peinture", ajoute-t-il.
"Sous la colère, ma soeur Caroline a fracassé un tableau et à l'intérieur, elle a découvert un mot : 'l'emprise'", souligne-t-il.
La fratrie remonte à Paris. "On décide que notre maman séjournerait un temps chez l'un, chez l'autre, chez moi. Nous nous disons au-revoir sur le quai de la gare", rapporte-t-il.
"J'ai une image très forte qui restera de maman : il lui restait une valise et son chien. Sa vie se résume à une valise et son chien", relate le fils de la victime.
"J'arrive chez moi, et là, j'ai eu comme un déchocage. J'ai éclaté en sanglots dans les bras de Céline (son épouse) en lui expliquant que depuis ces deux derniers jours, mon père n'existait plus. Je devais faire le deuil", raconte David Pelicot.
Dès lors, Gisèle Pelicot sort longuement se promener. Ces sorties pouvaient durer "plus d'une heure". "Je lui disais : 'maman, quand tu sors comme ça, qu'est-ce que tu fais ?'", rapporte-t-il.
"David, je me promène et je parle à ce monsieur. Je lui demande pourquoi il m'a fait ça. Est-ce que j'ai mérité cela ?", lui répond la septuagénaire. "J'ai appris bien plus tard que pendant ces promenades, elle criait sa colère", précise David Pelicot.
"Je voudrais entamer le sujet de cet homme. J'ai perdu un homme qui, comme ma mère, m'a donné une bonne éducation, des valeurs, une colonne vertébrale et certainement démontré que dans la vie, quand il y a des moments difficiles, on peut continuer de vivre et rebondir", dit-il.
"Ce que j'ai perdu avec cet homme, c'est beaucoup de complicité, du partage : nous avions la passion pour le sport, principalement pour le football. Il supportait l'OM. Moi, je supportais toujours le Paris Saint-Germain", se remémore l'homme de 50 ans.
"Avec son petits-fils Nathan, nous avons été ensemble au Parc des Princes. J'ai eu la joie de vivre une finale de Roland-Garros. Nous partagions également l'amour du cinéma, notamment pour les polars", ajoute-t-il.
"Je ne sais pas qui peut se vanter, un jour, d'avoir été au cinéma, partager un film extraordinaire : 'Les Lyonnais'. Tout ça n'existe plus", lâche-t-il.
"J'ai le sentiment que toute mon enfance a disparu. Elle a été comme effacée", conclut-il.
Le président lui demande s'il a le sentiment d'avoir été manipulé par son père. "Je n'ai jamais ressenti une forme de manipulation, quelle qu'elle soit", rétorque-t-il.
"Le seul visage qu'il nous donnait est celle d'un bon père de famille", précise-t-il.
"Votre soeur, Caroline, a indiqué qu'elle suspectait votre père d'être allé plus loin que les captations d'images la concernant", observe le président. "Je la crois", répond David Pelicot, du tac au tac.
"Par rapport aux faits de captations d'images, est-ce qu'avec le recul, vous avez pu réfléchir à ce qui a pu se passer, comment cela a pu se passer ?", l'interroge Roger Arata.
"Quand j'ai découvert que ma femme, enceinte de mes jumelles, était sur Coco, où il y a je ne sais combien de clichés d'elle...", répond David Pelicot, avant de se tourner brusquement vers son père, à gauche, dans le box.
"Mais comment as-tu pu faire une chose pareille ?!", lance-t-il en haussant le ton. Il regarde Dominique Pelicot droit dans les yeux.
"Pourquoi ? Dans quel but ?", s'interroge-t-il en regardant de nouveau vers la cour. "Je ne peux pas répondre à cette question", ajoute-t-il.
"Ce monsieur a gravi l'échelle de fantasmes non réalisés à travers une violence qu'il a, en réalité, toujours eu en lui. C'est ce que j'avance aujourd'hui à cette barre", analyse David Pelicot.
"Ce que j'attends de ce procès, c'est que les décisions que vous serez amenés à prendre seront à la hauteur de nos souffrances", déclare-t-il.
"Que ces hommes, qui sont derrière mon dos, et cet homme, qui est dans ce box, soient punis pour les horreurs et les atrocités qu'ils ont commis sur ma mère", insiste-t-il.
David Pelicot se tourne à nouveau vers on père. "Je m'adresse à toi. Si tu as encore un peu d'humanité, tu m'entends ? Dis la vérité sur les agissements que tu as eu sur ma soeur, qui souffre tous les jours et qui souffrira toute sa vie !", dit-il fermement, en haussant le ton.
"Je pense que tu ne diras jamais la vérité ! Oh tu peux te donner une posture : mais j'ai pas terminé", poursuit-il sur le même ton, alors que son père tente de répondre.
"Je ne passerai qu'une fois et je n'ai pas de temps à perdre. Sur mon fils, s'il te reste encore une once d'humanité, dis nous ce que tu as fait !", insiste le quinquagénaire.
"Rien ! Sur aucun des enfants et petits-enfants ! Rien !", hurle Dominique Pelicot depuis son box.
"Détends toi, détends toi ! C'est moi qui parle ! Ca fait deux mois qu'il se donne une espèce de posture...", s'agace David Pelicot.
"Je voudrais avoir une pensée pour ma soeur, lui dire qu'on sera toujours là pour elle : tu le sais", poursuit-il calmement, en se tournant vers Caroline Darian. Elle le regarde attentivement.
"Je voudrais dire à toutes ces femmes, qui sont mamans, qui ont des filles, des jeunes filles qui deviendront également des mamans et commenceront leurs vies de jeunes femmes : s'il vous plaît, n'ayez plus peur. Parlez. Maintenant, l'omerta est terminée", déclare-t-il.
"Pour moi ce procès, j'espère que tu ne m'en voudras pas maman, n'est pas uniquement le procès de Gisèle Pelicot. Même si elle est une des principales victimes : ce procès est celui de toute une famille, entièrement anéantie", poursuit-il.
Me Patrick Gontard, un des avocats de la défense, l'interroge sur l'organisation d'une soirée de gala, le soir du délibéré, qui serait prévue le 20 décembre, "à laquelle votre soeur vous associe".
"Est-ce que vous pensez que c'est approprié d'envisager cela à l'issue de cette audience ?", lui demande-t-il.
"Une fois le procès terminé, nous serons libre de faire ce qui nous semble nous faire du bien. En l'occurence : réunir des femmes qui ont souffert du même acabit que ma mère. Si vous voyez un inconvénient, dites-le moi", répond avec assurance David Pelicot.
Il fait le lien avec une soirée de la Fondation des femmes, le 27 novembre. "C'est pas de la publicité, mais j'en profite pour dire qu'il y a également une immense soirée avec des personnalités. Les fonds seront intégralement reversés pour la cause des femmes", dit-il.
"Le gala du 20 décembre est du même acabit", précise-t-il.
Béatrice Zavarro, l'avocate de Dominique Pelicot, demande que son client puisse répondre. Le septuagénaire prend le micro, assis dans son box.
"Ce n'est pas un exercice facile, David. Tu parles de prestance, je n'ai pas de prestance. Je ne vais pas me plaindre par rapport à votre souffrance... J'ai donné le maximum de ce que je pouvais à mes enfants, dont tu fais parties. A mes petits-enfants", déclare-t-il calmement.
"J'espère, je souhaite, même si je ne suis plus rien, qu'un jour, vous aurez la preuve qu'il ne s'est rien passé de tout ce que vous pensez", poursuit Dominique Pelicot sur le même ton.
"Il ne tient qu'à toi : tu as fait photos de ma soeur papa", répond David Pelicot. "J'ai fait des photos car elles étaient demandées en chantage. Et, fort justement, Caroline a été offusquée du terme, qui était 'la mère et sa fille'", dit Dominique Pelicot.
"Je ne peux que vous prier de bien vouloir accepter mes excuse pour ce que j'ai fait", dit platement Dominique Pelicot. "Jamais !", lance David Pelicot.
"Ben écoute : on va s'arrêter là. Le fait de ne pas se revoir me détruit aussi, même si ça ne vous touche pas. Mais je peux comprendre", conclut Dominique Pelicot.
C'est au tour de Florian, 38 ans, le plus jeune de la fratrie, de s'avancer à la barre. Il se souvient du moment où sa mère est venu vivre chez lui et son ex-femme, juste après avoir eu connaissance des faits.
"Chez nous, comme dit ma mère, on partage nos rires mais pas nos larmes. Je n'ai jamais vu ma mère pleurer une seule fois en quatre mois qu'elle était chez moi", relate-t-il à la barre.
"Elle était tellement assommée que j'ai retrouvé ma mère noyée dans la paperasse administrative, à tel point qu'elle était incapable d'écrire un mail", pointe le trentenaire.
"En tant que fils, ce qui était très difficile, c'était de voir que ma mère, malgré l'horreur des faits, était toujours dans ses souvenirs avec notre père. C'était très difficile de constater le déni dans lequel elle a pu être", se souvient Florian Pelicot.
"Maintenant, je me dis : comment, du jour au lendemain, dénouer cinquante ans de vie qu'on a passé avec quelqu'un ?", interroge-t-il.
Avec les années, il fait le rapprochement sur les absences de sa mère. "Il m'est arrivé de l'appeler un soir à 18 heures. Mon père décroche le téléphone en me disant : 'ta mère est partie chercher le pain'. Ce qui n'est pas du tout dans ses habitudes", se souvient-il.
"Je lui dis : 'tu lui diras de me rappeler'. Je trouvais étonnant que lui réponde. Les deux jours qui ont suivi, je l'appelle : 'maman ça va ? Je t'ai appelée y'a deux jours, papa m'a répondu. Elle me répond : 'ben comment ça j'étais à la boulangerie ?'", rapporte-t-il.
"Elle pose la question à mon père. Il dit : 'ben oui, t'étais à la boulangerie', et on est passés à autre chose", ajoute Florian Pelicot.
"J'ai beaucoup de gratitude d'avoir notre maman en vie. Mais j'ai beaucoup d'incompréhension sur le pourquoi notre père a fait ça. Je lui pose la question directement : pourquoi t'as fait ça ? Pourquoi t'as prêté notre mère comme ça ?", demande-t-il en se tournant vers lui.
"T'as toujours dit que notre mère était une sainte. Mais toi, t'étais le diable en personne", lance-t-il calmement.
"Ma mère est encore vivante, mais si elle y était passée, comment ça se serait passé aujourd'hui ?", demande-t-il en pleurant. "Comment se construire en tant que fils ?", s'interroge-t-il.
"Quand on apprend ce qu'il se passe, comment on se construit ? C'est quoi le mode d'emploi ? Moi, je ne sais pas aujourd'hui", dit-il.
Il dit ne pas être certain que Dominique Pelicot soit son père car sa mère a eu une relation extra-conjugale autour de la période de sa naissance.
Sa mère, Gisèle Pelicot, qu'il a questionné à ce sujet, lui a toujours affirmé que cette tromperie avait eu lieu après sa naissance. Mais il souhaite aujourd'hui faire un test de paternité.
"J'étais peut-être celui des trois enfants qui avait le moins de liens avec notre père. Je ne ressemble pas du tout à mon père, donc la question se pose. Je veux lever le doute. J'ai besoin de faire ce test. Ma mère a toujours dit : 'si t'as envie, fais-le'", explique-t-il.
"Je vais clarifier : une question m'était posée sur le regard que je posais sur mes parents et leur relations aux barrières de l'intime. J'ai pu dire que mes parents avaient un côté exhibitionniste", observe Florian Pelicot.
"A aucun moment je n'ai vu mes parents se mettre nus dans l'idée d'en tirer une quelconque satisfaction personnelle", insiste-t-il.
"Par ailleurs, je dis bien dans ma déposition : ma mère quand elle sortait de la salle de bain, elle disait : 'sortez pas je suis à poil'. A aucun moment mes parents ne sont exhibitionnistes", martèle Florian Pelicot.
Il revient sur le fait que Dominique Pelicot aurait proposé à l'un de ses petits-fils (le fils de son frère David) de jouer au docteur avec lui. Sa femme, Aurore, lui avait rapporté cela à l'époque.
"Je m'en suis voulu de ne pas avoir évoqué les choses, de pas avoir pris mon téléphone, de pas avoir appelé mon frère, de pas avoir appelé Céline (sa belle-soeur) : il y a beaucoup de culpabilité dans tout ça", dit Florian, ému.
"Quand Aurore me rapporte cet événement quelques jours plus tard, je l'ai crue. Mais je n'ai pas la même interprétation qu'elle. A aucun moment je me suis dit que N. (le petit-fils) était en danger, qu'il y aurait eu des attouchements", explique-t-il.
"Bien sûr qu'aujourd'hui, si ça se produisait, je prendrais mon téléphone pour alerter", assure-t-il.
"Entendre depuis deux mois que ma mère est complice, libertine, alcoolique, qu'elle était au fait de tout ça, c'est à gerber", lâche Florian Pelicot.
"Quand j'entends ce matin encore : 'c'est pas moi les photos, j'avais pas l'intention de la violer'. C'est sûr : on bande par emprise, c'est bien connu !", s'agace-t-il.
Il est invité à revenir sur les attitudes de son père qui ont pu lui sembler suspectes. "Quand j'imprimais des choses pour les gosses sur son PC, je sentais qu'il n'était pas à l'aise", se souvient-il.
"Il lui arrivait de m'appelait quand il avait des galères de PC. J'étais pas étonné : quand on consulte des sites de cul, le PC commence à être blindé de virus. Je me disais qu'il consultait des sites pornos. Mais à aucun moment, je me suis dit ce qu'on sait aujourd'hui", dit-il.
"Lors des réunions de famille, il était toujours avec son appareil photo. Je le remercie d'avoir pris des photos de mon ex-femme sous toutes les coutures ! Je me doutais bien qu'il y avait des choses cachées. Mais, pour le coup…. Pas ça", lâche Florian Pelicot.
"Vous aviez retrouvé un dossier intitulé 'culotte Martine'", relève l'avocate générale.
"Mes enfants me demandaient : 'tu peux imprimer un coloriage Pat Patrouille ?' Je vois le dossier sur le bureau et j'arrive dans un dossier intitulé 'culotte Martine'. J'ouvre le dossier : il est vide", relate-t-il.
Florian Pelicot désigne ironiquement les accusés comme "la crème de la crème". Guillaume De Palma l'interroge sur cette expression. "Je pense que les personnes derrière moi n'ont pas la lumière à tous les étages et ne veulent pas prendre leurs responsabilités", répond-il.
Une rumeur est perceptible sur les bancs des accusés.
Enfin, Florian Pelicot précise que ses enfants lui ont confié que leur grand-père leur a demandé de se mettre nus, au rayon frais d'un supermarché. "Ce propos a été rapporté par mes enfants bien après son incarcération", commente-t-il.
On entend à présent Caroline Darian, 43 ans, qui s'avance à la barre. Elle avait témoigné au début de ce procès.
"Quand j'ai quitté cette cour, c'était extrêmement difficile de revenir à la vie réelle. Mais je travaillais pour une grosse société, et accessoirement, je suis maman", débute-t-elle.
"La violence des débats en ce qui concerne la manifestation de ma vérité a été très difficile pour moi quand je suis revenue en région parisienne", se souvient-elle.
"J'avais déjà perdu le sommeil avant le démarrage de ce procès. Notamment lorsque j'ai pris connaissance de la contre-expertise de Monsieur Bensussan. Je me considère comme la grande oubliée de ce procès", estime la fille du couple Pelicot.
"Ceux qui me connaissent bien savent que je suis quelqu'un d'ancrée et de solide. Je tiens à le préciser : quand ma vie a basculé, c'est pas un séjour de 24h que j'ai fait à l'HP mais de presque 72h, où j'ai littéralement perdu pied", rapporte la quarantenaire.
"Car j'ai tout de suite compris que j'étais moi-même victime de Dominique Pelicot. Mais je n'ai pensé qu'à une chose : ma mère, pas moi", précise-t-elle.
"Et rétrospectivement, ce que j'ai réalisé durant le premier mois, c'est que j'avais tellement pensé à elle, et pas à assez à moi, que je me retrouve à l'écart et invisibilisée dans ce procès", insiste Caroline Darian.
"Je sais que j'ai été sédatée par Dominique : ce n'est pas une hypothèse, c'est une réalité. Je tiens à remercier tous les gens qui m'ont aidée à créer cette association : M'endors pas. Pour toutes les victimes qui n'ont pas voix au chapitre", poursuit-elle.
"Quand je suis revenue en région parisienne (après le début du procès), j'ai demandé à entrer en clinique dix jours pour espérer retrouver la paix intérieure", relate-t-elle.
"Car j'ai compris que je n'aurais jamais les réponses à mes questions à l'égard de toi, Dominique Pelicot", déclare sa fille d'une voix forte, en se tournant vers son père.
"Les légendes dégueulasses, les photos sédatées. Tu ne ne me regardes pas comme un père. Tu as un regard incestueux. Je sais que tu m'as droguée, que tu as abusé de moi. Tu n'auras jamais le courage Dominique ! Ma vie a été suspendue depuis quatre ans", ajoute-t-elle.
"Si j'arrive à me reconstruire, c'est parce que je m'engage pour toutes les femmes invisibles en France victimes de la soumission chimique : des Gisèle Pelicot, ça n'existe pas. C'est 1%", estime-t-elle, en référence au fait qu'il y a des preuves tangibles pour sa mère.
"Ce procès est celui de toute une famille. Le procès historique de la soumission chimique en France", souligne Caroline Darian.
"Je ne lâcherai pas, je suis engagée, jusqu'au bout. Tant qu'on n'aura pas réussi à obtenir des mesures d'amélioration nécessaires", insiste-t-elle.
Elle revient sur le gala de charité en faveur de son association, qu'elle avait initialement lancé pour le 20 décembre, date pressentie pour la fin du procès. francebleu.fr/infos/faits-di…
"Un mécène est venu à ma rencontre en clinique. J'ai pas réalisé comment ça pouvait être interprété : l'idée n'était pas célébrer les peines qui vont être appliquées : la justice fera son travail, mon débat n'est pas là", indique-t-elle.
"On va le célébrer le 23 janvier, à Paris, pour le décorréler du procès", précise Caroline Darian.
Son témoignage se termine là-dessus. Le président propose à Gisèle Pelicot de s'exprimer une dernière fois. Celle-ci accepte, au regard du fait que la défense souhaitait lui poser quelques questions.
Etant donné que l'échange pourrait durer, le président décide qu'on entendra la septuagénaire demain.
Pour conclure cette séquence des parties civiles, c'est Aurore, l'ex-femme de Florian Pelicot, ex belle-fille de Dominique Pelicot, qui demande à prendre la parole.
"J'ai émis la volonté de m'exprimer aujourd'hui pour faire part du regard que je peux porter sur ce procès", déclare-t-elle en préambule.
"Je suis de loin ce qu'il s'y dit, ce qu'il s'y passe. Ayant été présente ce matin, je voudrais dire à Gisèle que je l'admire, qu'elle se trouve là depuis deux mois et demi, à entendre tout ce qu'elle entend", souligne Aurore.
"Ce qui la sauve de tout cet enfer, à la base, c'est de ne pas avoir les souvenirs. Mais le fait d'entendre toutes ces dépositions : les souvenirs se créent", observe-t-elle.
"Comment un être humain est-il capable d'en arriver à des choses pareilles ? J'ai entendu le fait qu'il n'y a pas de profil type de violeur. Mon grand-père de qui j'ai subi les abus était gendarme. C'est très révélateur de la société dans laquelle on vit", estime-t-elle.
Aparté : Aurore a été violée par son grand-père quand elle était enfant. Celui-ci a été jugé et condamné pour cela.
"Dans cette affaire, on a tous les types d'abus : abus de pouvoir, abus de confiance, psychique, psychologique, et bien sûr sexuel. L'abus est partout : ce procès nous le montre bien", analyse-t-elle.
"Je suis persuadée qu'on ne naît pas pervers : on le devient", poursuit-elle, en référence à la phrase de Dominique Pelicot. "Par un vécu, des expériences malheureuses", précise-t-elle.
"Mon propos n'a pas pour but d'excuser quoi que ce soit mais qu'on puisse élever le regard et comprendre comment on arrive à des choses aussi dramatiques. C'est vraiment là l'enjeu de ce procès", souligne-t-elle.
"Et quelle prise de responsabilité de chacun dans nos maux ? Ils peuvent avoir subi tous les abus : moi aussi j'en ai subi. Est-ce que je les ai reproduits ? Non. J'ai pris cette responsabilité de me prendre en charge", insiste-t-elle.
"Toutes les personnes dans cette salle avaient la possibilité de faire d'autres choix", dit Aurore, qui s'exprime d'une voix douce, posée.
"Malgré tout cela, je crois en l'être humain. Mais il faut que chacun prenne ses responsabilités : quand on subit des choses, on a le choix un moment donné de se prendre en charge ou de laisser la place à la déviance", considère-t-elle.
Elle s'adresse à Caroline Darian, qui la regarde dans le rectangle des parties civiles. "Pour être passée par là et avoir été reconnue comme victime, ce n'est pas ça qui m'a permis de guérir", dit-elle en regardant son ancienne belle-soeur.
"Bien sûr il y a la souffrance, je ne la nie pas. Je sais à quel point le travail de reconstruction peut être long et douloureux. Mais je n'ai plus envie de rester dans cette posture de victime", lâche-t-elle.
"Si je reste dans cette posture, elle peut me conduire à être dans une posture abusive moi-même", ajoute Aurore.
Elle termine son témoignage là-dessus. L'audience est suspendue : on entend à présent les interrogatoires des deux derniers accusés de ce procès.
Je suspends ce LT pour écrire un compte-rendu pour @franceinfo La suite de l'audience est à suivre ici :

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