Thread by @atummundi

🔹#Syrie 🇸🇾🔹

La chute de Bashar al-Assad : pourquoi ?

Les récents évènements en Syrie indiquent que le régime tombera très prochainement.
Comment cela se fait-il, alors qu’il avait survécu à près de 15 années de guerre qu’il semblait avoir "gagnée" ?

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On peut certes citer les raisons militaires de la débâcle : l’état syrien, à court de fonds, avait démobilisé une large partie de son personnel, tandis que les alliés chiites de Damas ont été très affaiblis par la guerre avec Israël, laissant un «trou» dans les défenses.

Seulement, une chose apparaît clairement : le problème n’est pas que l’armée syrienne se fasse battre en rase campagne, c’est qu’elle ne se bat pas tout court.

Il semble que même les minorités qui avaient tout sacrifié pour Assad aient décidé de jeter l’éponge.

A notre avis, il s’est produit ce que nous qualifierions de dépressurisation psychologique : après avoir été en « mode survie » pendant 10 ans de lutte, grâce auquel ils ne pensaient qu’à remporter la guerre à tout prix sans songer au lendemain…

…l’arrêt des opérations de combat en 2020 a forcé de nombreux syriens à regarder ce qu’il était advenu de leur pays. Pendant près de cinq ans, une question a dû obséder leur esprit : cela en avait-il bien valu la peine, au fond ?

Les destructions engendrées par la guerre de Syrie ont été terribles. Probablement plus de 550 000 morts pour une population d’environ 20 millions d’habitants en 2011 : on n’est pas très loin des chiffres de la 1ère Guerre Mondiale (1.4M pour 40M).

D’après les recherches de quelqu’un comme Gregory Waters, certains villages alaouites (viviers de recrutement pour l'armée syrienne) ont perdu peut-être 30 à 40% de leurs hommes en âge de combattre alors qu’ils n’ont jamais été sur la ligne de front.

Les infrastructures ont été ruinées d’une manière quasiment irrémédiable : la consommation d’électricité est 8 fois inférieure à celle d’avant-guerre, le volume d’eau potable 4 à 6 fois inférieur et le système médical est devenu inexistant.

La corruption était toujours omniprésente : il arrivait que des anciens combattants mutilés ne reçoivent pas leurs pensions, car elle était détournée par leur commandant ou par un bureaucrate véreux. Les militaires, payés une misère, montaient des barrages…

…pour extorquer un droit de passage à la population, quand ils ne se contentaient pas purement et simplement d’un pillage éhonté des zones reconquises : la 4ème division était connue pour avoir monté une vraie entreprise de revente des fruits de la rapine.

En parallèle, le régime n’a rien atténué de sa cruauté. Au sein des zones rebelles ayant déposé les armes (comme à Daraa par exemple), le gouvernement a cherché à punir la population pour s’être soulevée. Officiellement, les habitants bénéficiaient d’une amnistie…

…politique, mais cela n’empêchait pas le régime d’arrêter arbitrairement et de persécuter ceux avec qui il avait des comptes à régler. Les villes qui avaient âprement résisté voyaient leur accès à l’eau ou l’électricité être coupé et les services publics rarement rétablis.

De son côté, Joulani a profité des 4 ans d’accalmie pour mettre sur pied une sorte de proto-état, aux moyens limités mais relativement efficace. Ce faisant, il est parvenu à bâtir ce que le régime avait toujours cherché à empêcher : un contre-modèle.

Pendant quinze ans, le régime a défendu avec acharnement les grandes villes et les grands axes routiers du pays afin d’empêcher les rebelles de créer des zones « libérées » qui seraient stables et prospères. Il voulait les reléguer à un arrière-pays sous-développé…

…pour qu’aucun syrien ne puisse imaginer à quoi ressemblerait une Syrie « post-Assad ». Il faut dire que la division de la rébellion, qui s’apparentait parfois plus à des gangsters qu’à des combattants de la liberté, n’avait pas aidé à la rendre crédible.

C’est également pour cette raison que l’aviation du régime avait bombardé sans trop de scrupules les infrastructures civiles présentes en territoire insurgé (marchés, hôpitaux etc) : il fallait y rendre la vie impossible, comme pour dire : « moi ou le chaos ».

Le contexte confessionnel de ces années-là rendait sa tâche aisée : on oublie à quel point les appels à génocider les alaouites (et les chiites en général) étaient répandus au sein des rebelles ou de leurs sympathisants, héritage de la guerre d’Irak.

Seulement voilà : Joulani est désormais le dirigeant incontesté des forces vives de la rébellion, il a eu le temps d’établir une principauté plus ou moins fonctionnelle, les discours sectaires se sont atténués et il promet pardons et protection à ceux qui ploieront le genou.

Certains semblent prêts à lui accorder le bénéfice du doute. Les autres, et notamment les alaouites, sont sans doute terrifiés (à raison, selon nous), mais ils ne semblent plus avoir la force ou le moral de mourir pour défendre un système irréformable et aussi fragile.

Merci d'avoir lu ce thread rédigé par @kaczinskpilled, jeune auteur qui cherche à faire publier son livre sur la guerre civile syrienne.