J'ai lu avec intérêt votre papier dans @arretsurimages sur ce que vous qualifiez « d'emballement islamophobe » contre Merwane Benlazar.
Puisque vous avez la courtoisie de me citer (parmi d'autres), plutôt cordialement, et sans me déformer - pour réfuter certains de mes propos, j'aimerais vous répondre avec le même ton calme. En espérant que vous prendrez en compte les erreurs manifestes et les omissions que je vais soulever ici.
1 - L'attribution d'une islamité à Benlazar.
Pour arguer du caractère « islamophobe » de la cabale, vous avez recours au témoignage d'un universitaire, Haoues Seniguer, qui distingue deux critères pour établir une attitude islamophobe
- a/ attribuer une islamité à quelqu'un qui n'a rien dit à ce propos
- b/ considérer que tout ce qu'il fera ou dira sera justiciable de cette islamité et perçu de manière négative.
Bon alors, passons, cette fois-ci, sur cette attitude qui consiste systématiquement à balayer la légitimité des appréhensions vis-à-vis des manifestations de signes islamiques, sans mettre ces appréhensions en perspective avec l'état du monde musulman et les nombreuses anomalies qui le traversent...On va dire que ce n'est pas le sujet ici...
Toujours est-il que vous précisez que les deux attitudes mentionnées par Seniguer sont à l'oeuvre ici.
C'est une erreur.
Non seulement Benlazar assume parfaitement d'être musulman, mais, pour ce qui est de la polémique qui nous concerne, il admet que son accoutrement est motivé par des considérations religieuse.
Dans cet entretien disponible en cliquant sur le lien ci-dessus (à partir de la 31ème minute et 50ème secondes), l'intéressé explique le choix de garder sa barbe en évoquant les commandements de son « prophète », et s'adonne à une explication qui renvoie à l'antique injonction faite aux musulmans de se distinguer des juifs et des chrétiens.
Je n'ai pas besoin de préciser qu'un tel discours et que l'obsession des prétendues « paroles prophétiques » (historiquement invérifiables), y compris pour les gestes les plus triviaux, n'a rien d'anodin et appartient à un univers rigoriste.
2 - La diffusion de contenu salafiste
Ensuite, vous évoquez la diffusion du contenu originaire de salafislam.fr par Benlazar, qui répond à une de ses connaissances sur la manière de se protéger du diable.
Vous mobilisez deux témoignages (Haoues Seniguer et Rachid Benzine qui confirment que « que le site est bien d'obédience salafiste ». Mais vous relativisez immédiatement ce fait en ajoutant que « rien de ce que le tweet évoque n'est problématique en soit, sauf à considérer qu'être musulman le serait ».
Je me demande sincèrement, comment vous réagiriez, si une personnalité ouvertement protestante partageait un conseil trivial en matière d'art de vivre, ou une invocation superstitieuse, en provenance d'un site nommé « kluxkluxklan.fr ».
Traiteriez-vous l'information avec la même désinvolture et légèreté ? Je vous demande de répondre le plus honnêtement possible à cette question.
J'apprends, par ailleurs, grâce à Rachid Benzine, que le site salafislam.fr serait un « site rigoriste, une sorte de kit de survie en contexte de postmodernité » (sic).
Vous omettez de préciser qu'on peut lire, dans « ce kit de survie », que celui qui quitte l'islam doit être tué. (salafislam.fr/lapostasie-leu…).
Pourquoi omettre le genre de contenu assez problématique (vous conviendrez que je suis très poli en employant ce qualificatif) que l'on peut trouver dans ce « kit de survie » ?
Je repose donc ma question. Comment réagiriez-vous si une personnalité ouvertement protestante diffusait du contenu en provenance d'un site subtilement nommé « klukluxklan.fr » où il est dit, entre deux conseils en matière d'invocation mystique, que les Noirs doivent être tués ?
Enfin, les principaux intéressés semblent avoir plaidé la plaisanterie auprès de vous pour se distancier d'un contenu qui les met visiblement dans l'embarras.
Je laisse à chacun le soin d'apprécier l'honnêteté de cette défense quand, par ailleurs, d'autres publications, pour le moins ésotériques, de Benlazar témoignent de l'obsession - typique chez les salafistes - de lutter contre le shirk (c'est-à-dire le « péché d'association/de polythéisme » qui consiste à contrevenir à l'unicité de dieu en lui incorporant des éléments qui lui sont extérieures, dans la littérature islamiste).
Curieusement, vous avez oublié de traiter cette information-là.
3 - La présence de livres problématiques
Vous revenez ensuite sur un autre détail que j'ai soulevé, le fait que Benlazar s'affiche aux côtés d'un ouvrage rédigé par le cheikh saoudien Saleh Al-Fawzân.
Là aussi, l'universitaire Haous Seniger explique tranquillement que cet ouvrage consacré au monothéisme "énumère les conditions d'appartenance à la religion" et "revêt une dimension normative" et "peut être une référence dans les milieux néo-salafistes".
Je suis surpris là encore de la désinvolture de votre témoin, et de certaines omissions.
Mais peut-être suis-je en partie responsable de celles-ci.
Il s'avère en effet que la première information que j'ai donnée est très incomplète.
J'ai soulevé que Monsieur Benlazar s'affichait avec un ouvrage écrit par un cheikh saoudien (ce qui n'a rien d'anodin), que ce cheikh saoudien, Al-Fawzan, s'était illustré par la défense de l'esclavage au nom de l'islam (ce qui n'a rien d'anodin).
Je me suis aperçu plus tardivement que l'ouvrage en question était bien plus important que cela.
Il s'agit en réalité de l'explication par, al-Fawzan, du livre de l'unicité de Dieu de Mohammed ibn Abdelwahhab, soit ni plus ni moins que le fondateur du wahhabisme, l'idéologie officielle de ce royaume saoudien qui s’est imposé après deux tentatives ratées ainsi que plusieurs massacres, tombes profanées et femmes enceintes éventrées, qui a eu une influence dévastatrice sur le monde arabe. Pour s'en convaincre, on notera que les fanatiques de Daesh s'en réclament ouvertement tout en reprochant à l'Arabie saoudite de s'être écartée de ces nobles enseignements par excès de libéralisme...
N'étant pas islamologue, je n'ai pas été capable d'identifier cet ouvrage au premier coup d'oeil. Et j'ai dû me renseigner auprès d'autres spécialistes. Mais je suis surpris que votre témoin, autrement plus qualifié que moi, tait l'identité de cet ouvrage, qu'il doit nécessairement connaître, compte tenu de ses domaines de prédilection.
Non, le livre en question n'est pas seulement un banal ouvrage dédié au monothéisme qui "énumère les conditions d'appartenance à la religion", "revêt une dimension normative" et "peut être une référence dans les milieux néo-salafistes".
Ce n'est ni plus ni moins que l'une des matrices fondamentales des courants salafistes modernes.
Autre élément non discuté dans votre article, mais que j'ai découvert ultérieurement (vous n'y êtes pour rien donc). À droite du bouquin susmentionné sur la photo figure un autre livre d'intérêt : « Péchés et guérison », d’Ibn Qayyim.
Ce juriste médiéval et disciple d’Ibn Taymiyya figure aussi, avec son maître, parmi les sources d’inspiration des mouvances salafistes.
Dans ce livre, on apprend, entre autres joyeusetés, que Allah permet la destruction d’une ville quand la fornication et l’usure y apparaissent, que Mahomet a maudit les femmes qui se font tatouer, que « Allah a établi trois types de peines légales : l’exécuton, l’amputation, et la flagellation » et que « l’exécution concerne la mécréance, ce qui en découle et s’en rapproche, comme la fornication et l’homosexualité, car cela corrompt la religion, la descendance et le genre ». Aussi lisons-nous que « lorsqu’Allah voudra purifier la terre des injustes, dépravés et traîtres il suscitera un de ses serviteurs, issu de la famille de son prophète qui remplira la terre de justice comme elle a été remplie d’iniquité. Le Messie tuera les juifs et chrétiens, établira la religion avec laquelle Allah a envoyé son messager ».
Alors, je lis dans votre article que le principal intéressé se défend d'être propriétaire de ces ouvrages, et que la photo où ces ouvrages figurent n'a pas été prise dans son appartement. Dont acte. Je ferai mentionner cette information dans les papiers que j'ai écrits.
Mais là encore, le fait de s'afficher aux côtés de ces ouvrages, de fréquenter des gens qui le possèdent, est un autre signal faible, qui ne peut pas être ignoré et qui, lorsqu'on le remet en perspective avec tous les éléments évoqués ci-dessus, forme ce qu'on appelle dans le jargon un « faisceau d'indices ».
Faisceau d'indices qui interpelle d'autant plus ceux qui, comme l'auteur de ces lignes, baignent dans un environnement sociologique et familial de culture musulmane, et qui sont au fait du type de littérature auxquels les musulmans ont accès en fonction des courants qu'ils côtoient.
Ainsi, dans un ouvrage publié sous la direction de Bernard Rougier, la chercheuse Anne-Laure Zwiling alertait, après une analyse du marché éditorial musulman francophone, sur la « salafisation de la littérature » islamique. Les livres musulmans « constituent un terrain de bataille » où « les croyances particulières de l’islam saoudien ou des Frères musulmans sont largement diffusées ».
En conclusion : un individu de confession musulmane, qui prétexte les injonctions de Mahomet et la nécessité de se dissocier des juifs et des chrétiens pour apparaître avec une grosse barbe mal taillée, qui n'a pas peur de forcer la ressemblance avec les adeptes de courants littéralistes qui ravagent le monde arabe, qui diffuse du contenu en provenance d'un site subtilement nommé « salafislam.fr » où il est dit qu'il faut buter ceux qui quitte la religion musulmane, qui s'affiche avec l'explication de l'idéologie fondatrice de l'Arabie saoudite, entre autres éléments de la littérature islamiste médiévale, qui partage avec les salafistes l'obsession ésotérique de la lutte contre le « chirk », cet individu là ne peut qu'attirer un regard suspect sur lui et ne peut pas feindre de ne pas comprendre pourquoi, sauf à être complètement inculte.
J'ai trop de respect pour l'intelligence de Monsieur Benlazar pour le croire inculte, d'autant que l'intéressé avoue publiquement que sa tenue et son orthopraxie suscitent la controverse jusque dans sa propre famille d'origine algérienne, et qui a probablement vécu dans sa chair les ravages du fondamentalisme, à travers l'expérience de la décennie noire. Bonne chance pour accuser la famille de Monsieur Benlazar d'être raciste envers lui.
Je sais que vous avez, sur Arrêt sur image, une rubrique intitulée « Islamistes : derrière l'épouvantail », ce qui sous-entend que la menace en question serait surévaluée en France. Mais je vous conjure de cesser de désarmer moralement le pays en banalisant l'accumulation d'éléments accablants, sinon anormaux.
Bien cordialement.
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L'attention accordée à des mesures vexatoires et symboliques pour réduire les émissions au détriment des leviers les plus efficaces et abordables montre que la transition écologique n'est, pour beaucoup, qu'un jeu pour assouvir leur désir d'asservir leurs semblables.
En économie environnementale, il existe une notion qui s'appelle les coûts d'abattement. Cette notion aussi fondamentale qu'inconnue du grand public permet d'évaluer la rentabilité écologique de telle ou telle action pour réduire les émissions de Co2.
Faîtes le test, chez les influenceurs pressés d'asservir leurs prochains, cette notion n'est jamais évoquée ne serait-ce qu'une seule fois. Car elle révélerait la vacuité de leur programme.
Je ne connais personne hostile à la justice ou à l'équité. Mais l'opposition de ces valeurs aux politiques « ultra-libérales » atteste le fait que @salomesaque est plus intéressée par le militantisme et le gauchisme de bas étage que par l'information objective.🧵
Remarquons que le mot « développement » est absent du thread de @salomesaque alors qu'il apparaît plus de 60 fois dans le rapport de synthèse du GIEC, pour en souligner la nécessité afin d'accroître la résilience et la capacité des pays à déployer les technologies bas-carbone.
C'est ainsi que le rapport précise que l'atténuation et l'adaptation au changement climatique impliquent plus de synergies que de compromis avec le développement durable.
Ma chronique @LePoint. Dans son best-seller, Piketty estime que le rendement du capital s'élève entre 3 et 6% sur 3 siècles. La perte de chance que la répartition inflige à l'ouvrier moyen varie donc entre 302 000 et 1,1 million d'euros.lepoint.fr/invites-du-poi…
Comment a-t-on fait ce calcul ? D'abord, on est parti du salaire moyen net de l'ouvrier en 2020 selon l'INSEE.
Ensuite, on a utilisé le simulateur officiel de l'URSSAF pour estimer combien l'ouvrier moyen déboursait pour financer les retraites (en prenant compte les exonérations)
1/ Eloge de la "consommation populaire" (alors que la consommation ne produit rien par définition) pour ensuite déplorer la catastrophe écologique
2/ Insistance sur le fait que le pays serait l'un des plus productifs du monde (facile quand on exclut les moins qualifiés du marché de l'emploi), avant de vociférer contre le productivisme
Curieux argument que voilà, @FerracciMarc. Comment l'économiste que vous êtes peut-il mépriser l'utilité - pour ceux qui le peuvent - d'épargner pour leur retraite voire, soyons fou, pour transmettre un patrimoine afin d'élever la condition des générations suivantes ?
Déjà, rappelons que l'attitude qui consiste à épargner ou à investir pour sa retraite n'a rien d'exceptionnel en France. C'est ainsi que l'écrasante majorité des retraités sont propriétaires, soit en raison d'un héritage ou de leur épargne. scienceshumaines.com/75-des-personn…
Quelque part, @FerracciMarc marque un but contre son camp et offre ici le pire argument en faveur du système par répartition : sa propension à dissuader les gens à épargner.
La baisse des pensions n'est jamais envisagée pour alléger le fardeau des jeunes qui subissent un système de retraite instauré sans leur consentement et avec lequel ils sont assurés de ne pas récupérer leur mise. Mais il est vrai que certaines catégories votent plus que d'autres.
On entend souvent des voix déplorer le fait que les séniors sont plus riches que les jeunes. En soi, il n'y a rien d'anormal à ce que quelqu'un qui a épargné pendant 40 ans soit plus riche qu'un nourrisson.
Le problème étant précisément qu'une partie des revenus des séniors ne doivent rien à leur épargne, mais proviennent des revenus des générations suivantes qu'ils ont préemptés sans leur consentement.