Thread by @CamilleStineau

🇵🇸 Qui sont les Palestiniens de Gaza, d’où viennent-ils, et pourquoi vivent-ils à Gaza ?

Comme promis, aujourd’hui, dans ce thread, on va parler de la Nakba, grand nettoyage ethnique organisé par Israël en 1948, et qui a façonné durablement la bande de Gaza.

À dérouler 🧶

Avant le 7 octobre 2023, la bande de Gaza comptait environ 2 150 000 habitants. Difficile de savoir combien ils sont aujourd’hui, car on ne connaît pas le réel nombre de personnes tuées par Israël depuis le début de la guerre.

Parmi ces Gazaouis, en 2017, selon les données de l’UNRWA, environ 1,435 million avaient le statut de “réfugié”. Pourquoi des Palestiniens peuvent être considérés comme des réfugiés dans leur propre pays, me direz-vous ?

Pour comprendre cela, il faut remonter à 1948 et à l’histoire de la Nakba. Le 14 mai 1948, Israël déclare unilatéralement son indépendance, sur les frontières prévues par le plan de partage de l’ONU voté en 1947.

Ce plan prévoyait la création d’un État juif, sur 57% de la surface de la Palestine, et un État arabe, sur les 43% restants, avec Jérusalem comme capitale pour les deux États. Sur l’intégralité du territoire, on comptait environ 650 000 Juifs, et 1,3 million de Palestiniens.

Problème : parmi ces 1.3 million de Palestiniens, beaucoup vivent sur le territoire prévu pour devenir l’État juif. Entre 300 000 et 500 000 selon les sources. À l’inverse, sur le territoire prévu pour devenir un État arabe, il n’y environ que 10 000 Juifs.

Pour cette raison, les Palestiniens ont rejeté le plan de partage, qui impliquait pour eux soit un déplacement massif, soit de vivre sous souveraineté d’un État créé non pas pour eux, mais pour les Juifs venus chercher refuge face aux persécutions subies en Europe.

La question de la présence de Palestiniens sur le territoire d’un futur État juif a ainsi été considérée comme un problème par les sionistes dès les années 1930.

À tel point que, selon les recherches de l’historien israélien Ilan Pappé, une cartographie des villages palestiniens et un plan visant à écraser toute résistance de leur part avait été établi, en prévision du départ des anglais, qui occupaient le territoire jusqu’en 1948.

Divers plans ont été envisagés. Finalement, c’est le plan Daleth qui a été mis en œuvre. Son objectif : conquérir le plus de territoire possible, avec dessus le moins de Palestiniens possible. Si possible, conquérir l’intégralité de la Palestine et en expulser les Palestiniens.

Sous l’impulsion de David Ben Gourion, premier dirigeant israélien, les milices sionistes, qui ne sont alors pas encore une armée régulière, profitent de la guerre déclenchée par les États arabes voisins contre Israël pour procéder à un véritable nettoyage ethnique.

Ainsi, en repoussant les armées des États arabes coalisés contre Israël, ces milices réussissent à conquérir une grande partie du territoire palestinien. Et, en violation du plan de partage de l’ONU, Israël passe de 57% du territoire à 78%.

Ne reste plus que 22% aux Palestiniens : Gaza, qui passe sous administration égyptienne, et la Cisjordanie, qui passe sous administration jordanienne.

Ainsi, sur l’ensemble du territoire israélien (celui du plan de partage de l’ONU + celui conquis en 1948-1949), on comptait avant le plan de partage entre 900 000 et 1 million de Palestiniens.

Or, en 1948-1949, les milices sionistes expulsent entre 800 000 et 900 000 Palestiniens de ce territoire. Ils sont forcés de se réfugier dans les pays voisins : Jordanie, Syrie, Liban, Irak, Égypte, etc, mais aussi en Cisjordanie et dans la bande de Gaza.

C’est de là que viennent les réfugiés qui vivent encore aujourd’hui à Gaza. En 1949, l’UNRWA, agence de l’ONU pour les réfugiés palestiniens, est créée. L’objectif est de prendre soin de ces réfugiés, de leur accorder un statut, afin que, à terme, ils puissent rentrer chez eux.

De nombreux camps de réfugiés sont créés par l’UNRWA, dont 8 dans la bande de Gaza. Les Palestiniens qui y sont accueillis ont tout perdu : leurs villages ont été détruits, leurs maisons ont été volées, tout comme leurs terres agricoles.

Les réfugiés y vivent entassés, dans des conditions difficiles, dans des camps insalubres. Et surtout, ils ont interdiction de rentrer dans leurs villages, de récupérer leurs biens : Israël l’empêche.

Sur cette carte de @visualizingpal, on voit les villages d’origine des Gazaouis. Nombre d’entre eux se trouvent à proximité de la bande de Gaza. C’est logique : lorsqu’ils ont été chassés de leurs villages, les Palestiniens se sont réfugiés dans les zones les plus proches.

L’ONG israélienne @Zochrot a fait un important travail de recensement des villages palestiniens détruits pendant la Nakba. Le village de 'Arab Suqrir, par exemple, a été détruit en 1948.

zochrot.org/villages/villa…

Début 1948, avant même l’indépendance d’Israël, et le début de la guerre israélo-arabe, un rapport de la Haganah, l’ancêtre de l’armée israélienne, préconisait de détruire le village et d’assassiner une partie de ses habitants.

Aujourd’hui, voici ce qu'il reste du village qui comptait 450 habitants. Sur son territoire, à cheval sur celui d'autres villages détruits, se trouve désormais la ville israélienne d’Ashdod.

Il ne s’agit que d’un seul exemple, mais vous en trouverez de nombreux autres sur le site de @Zochrot.

zochrot.org/villages/distr…

En 48-49, cet exil est perçu par les Palestiniens comme temporaire. Ils pensent pouvoir rentrer rapidement chez eux. Dès décembre 1948, l’Assemblée générale de l’ONU reconnaît ce droit au retour. Depuis, ce droit au retour n’aura de cesse d’être rappelé par l’ONU.

Mais rien n’y fait, Israël refuse catégoriquement que les Palestiniens chassés en 48-49 ou leurs descendants puissent rentrer chez eux. C’est l’illustration parfaite de l’ethno-nationalisme israélien.

La “loi du retour” d’Israël donne le droit à n’importe quel Juif du monde entier de venir s’installer en Israël, et même dans les colonies illégales de Cisjordanie.

Mais un Palestinien, né dans un village situé proche de Gaza, ayant des ancêtres de ce village sur 10 générations, ne peut pas y retourner.

Aujourd’hui, 78 ans après, les Palestiniens de Gaza sont donc encore majoritairement des descendants de la Nakba.

Des réfugiés dans leur propre pays, vivant dans une étroite bande de terre surpeuplée. L’histoire de Gaza est celle d’un territoire qui abrite des générations de déracinés forcés à vivre dans des camps de réfugiés depuis des décennies. Avec, un jour, l’espoir de rentrer chez eux.

C'est tout pour ce thread sur l'histoire de la bande de Gaza.

Je suis journaliste et je travaille pour des médias indépendant, dont Blast, Basta ou Rapports de force. Si mon travail vous plaît, vous pouvez retrouver l'ensemble de mes articles ici 👇

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