Combien de temps un ouvrier médiéval travaillait-il, par jour, par semaine, par an ? Comment s'organisait une journée de travail ?
Un document fascinant de la cathédrale de Rouen permet de répondre à ces questions. Un thread ⬇️ !
Ce document a été présenté par P. Lardin lors du colloque de la @shmesp. Il s'agit d'un texte de deux pages, datant de la 2e moitié du XVe siècle, inclus à la fin d'un obituaire et intitulé "la manière et l’ordonnance dont les maçons de Notre-Dame de Rouen doivent travailler"
@shmesp Ce document règle le rythme annuel et hebdomadaire de travail des ouvriers. Sur l'année, le rythme de travail varie selon les saisons, l'année étant découpée en plusieurs périodes autour des grandes fêtes religieuses.
@shmesp Le matin, les maçons doivent se réunir dans la loge de la fabrique, pendant la messe de matines. Celle-ci a lieu au lever du jour, donc vers 5h30 l'été, 7h l'hiver.
Là, le maître d'œuvre note les présents et les envoie sur les différents chantiers.
@shmesp Les maçons travaillent 2 ou 3h (selon la saison) puis font une pause pour "déjeuner". Cette pause dure 1/2h ; en théorie, il faut retourner à la loge, mais si le chantier est loin on a le droit de faire sa pause "sur la pierre", càd sur le site de travail
@shmesp Les ouvriers travaillent ensuite jusqu'à midi, pour la pause "du dîner", qui est d'1h30 en été, mais seulement 1/2h en hiver. Puis on travaille 3h, jusqu'à la pause du "vin de none", supprimée en automne et en hiver car on débauche plus tôt vu le coucher du soleil.
@shmesp La fin de la journée de travail est laissée à l'appréciation du maître d'œuvre qui s'adapte forcément en fonction des tâches à effectuer : on ne laisse pas quelque chose en plan, mais on ne peut pas lancer un nouveau truc (comme du mortier) en fin de journée.
@shmesp Toute la journée, c'est l'horloge de la ville qui dicte le temps de travail. Le document précise que si elle ne marche pas (ce qui donc devait arriver fréquemment !), ce sont les cloches de la cathédrale qui feront foi...
@shmesp Les ouvriers travaillent cinq jours et demi par semaine : le samedi, ils s'arrêtent à midi, mais la journée est payée comme une journée pleine.
Dans l'année, ils ont environ 64 jours fériés (environ, car parfois certains tombent un dimanche).
@shmesp En plus des jours religieux, il y a des fêtes professionnelles, comme "le mouton de l'Ascension" : on s'arrête à none pour aller manger tous ensemble. L'achèvement d'un travail délicat, comme une voûte, donne également lieu à une soirée chômée (mais payée).
@shmesp Ces jours donnent lieu à des calculs complexes. Par exemple, la veille de Pâques, la pause de midi est plus longue et la journée s'arrête vers 16h (mais est payée journée complète). Le vendredi saint, on ne travaille que l'après-midi. Etc.
@shmesp Pâques, la Pentecôte et Noël donnent lieu à de grosses coupures, de 5 à 7 jours. Ces jours fériés ne sont jamais des jours payés, mais permettent généralement de débaucher plus tôt la veille tout en étant payé journée pleine.
@shmesp Finalement, sur l'année, il n'y a que 13 semaines "complètes", c'est-à-dire des semaines de 5 jours et demi.
Cela veut dire que 75% des semaines sont des semaines de 4 jours ou 4 jours et demi !
@shmesp Avec tous ces éléments, on peut compter le temps de travail d'un maçon sur l'année. En 1485, un maçon de Rouen a dû travailler 2559h, soit environ 44h par semaine. C'est beaucoup, mais pas énorme, et notamment c'est moins que les ouvriers du bâtiment au XIXe siècle (3000h).
@shmesp Finalement, se dégage l'image d'un travail sans aucun doute difficile et physiquement exigeant, mais pas de maçons se tuant à la tâche : les pauses sont nombreuses, régulières et longues, les jours fériés coupent les semaines (mais aussi les salaires).
@shmesp Un document passionnant, qui ne permet bien sûr pas de généraliser : c'est valable pour Rouen, à cette époque, et cela a dû énormément varier au fil du temps, des systèmes sociaux, etc.
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Quel rapport entre l'empereur romain Vespasien, la lèpre et le saint Graal... ? Vers 1200, un auteur nommé Robert de Boron écrit un "Roman de l'Histoire du Graal" expliquant l'origine de ce vase mystérieux. Un thread ⬇️!
Ce texte, connu par plusieurs manuscrits, vient d'être édité en version bilingue par Claude Lachet, chez Champion Classiques @HonoreChampion
@HonoreChampion Le roman s'ouvre avec la Passion du Christ, trahi par Judas et exécuté par les Juifs de Jérusalem. Un homme, Joseph d'Arimathie, ici décrit comme "un bon chevalier", obtient de Ponce Pilate le droit de récupérer le corps du Christ.
Non, ce n'est pas le DOGE de Musk qui parle : c'est ce qu'on lit sur ce document émis par la commune de Bologne en 1382. Les finances de la commune vont mal, et il faut donc couper "les dépenses inutiles"... Sauf que... Un thread ⬇️!
Ce texte, trouvé hier dans les archives de Bologne par l'historienne Catherine Rideau-Kikuchi, stipule qu'il faut diminuer les dépenses mais "sans annuler aucun salarié de la commune de Bologne". C'est le budget français mais sans les suppressions de postes de fonctionnaires...
A l'époque, ces salariés de la commune ne sont pas bien sûr des fonctionnaires, mais sont déjà pensés comme étant au service du "bien public", une notion fondamentale de la pensée médiévale.
Ok, mourir un lundi de Pâques pendant une année de jubilé, c'est pas mal. Mais plusieurs papes du Moyen Âge sont morts de manière assez... étonnante !
Un top 10 en thread, avec un mari jaloux et une mouche psychopathe ⬇️! #PapeFrançois #Rome #popefrancisfuneral
On commence avec Jean XII, pape de 955 à 964. Selon certaines sources, il meurt après avoir été frappé par un mari jaloux qui l'avait surpris au lit avec sa femme... !
Ensuite, voilà Jean XIV, pape pendant un peu mois d'un an entre 983 et 984 : il est jeté en prison par un antipape et meurt dans les cachots du château Saint-Ange, soit de faim (charmant) soit assassiné (pas mieux)...
Un mari jaloux, une femme adultère, et des perroquets... Ce sont les ingrédients d'un conte du Moyen Âge, datant du XIVe siècle.
Je vous le raconte ! Un thread ⬇️
Ce conte est inséré dans un roman, Le Chevalier errant, écrit à la fin du XIVe siècle par Thomas de Saluces.
C'est l'histoire d'une femme "mal mariée", autrement dit mariée à un vieil homme (motif classique des fabliaux). Jaloux, il la fait surveiller par trois "papegaux", ces oiseaux qu'à l'époque on ne nomme pas encore des perroquets...
Cette année, en partenariat avec @Histoirepublik, @boite_histoire et @maglhistoire, je co-organise et co-préside le premier Prix du Jeu de Société Historique !
Un thread pour vous présenter ce prix... ⬇️
Le but de ce prix est de récompenser un jeu, publié en 2024, qui utilise l'histoire, la réinvente, s'en sert pour proposer une expérience ludique. Tous les types de jeux, tous les formats sont éligibles. Voilà un texte qui présente le Prix !
Pour cette première édition, le jury se compose de 5 historiens et historiennes (Martin Gravel, Soizic Croguennec, Claire Milon, Pauline Ducret et moi-même), de Julia Bellot, journaliste à @maglhistoire, et de Romane Penet, stagiaire à @boite_histoire
On est en 607 après J.-C., dans le domaine royal de Bruyères.
Une terrible dispute oppose Brunehaut, la grand-mère du roi, et Colomban, un moine irlandais. Celui-ci vient en effet de traiter les princes de... fils de pute 🗯️🤬.
Un thread ⬇️!
Revenons en arrière. Brunehaut, veuve du roi Sigebert d'Austrasie, grand-mère de l'actuel roi Thierry II, est une femme puissante, qui a la charge des enfants du roi. Elle les mène devant Colomban, célèbre abbé de Luxeuil, pour obtenir sa bénédiction. Mais celui-ci refuse !
Pire : il les insulte, en disant "ils ne deviendront jamais rois, car ils nés d'une prostituée".
La colère de Brunehaut est terrible et Colomban paye cher sa provocation, car il est chassé de son monastère. Mais comment comprendre ce clash ?