Thread by @atummundi

Histoire militaire de la guerre en Ukraine 🇺🇦/🇷🇺

Chapitre I - Invasion (février-avril 2022)

Le 24 février 2022, 150 000 à 200 000 soldats russes passent la frontière sur 4 axes avant de se replier du nord de l'Ukraine en avril - Récit

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Les objectifs affichés par le Kremlin (« dénazification », « démilitarisation » et « neutralité ») sont relativement flous, mais peuvent se résumer en une soumission politique et militaire de l’Ukraine.

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Par @kaczinskpilled atummundi.fr/julien-lazzaro…

Pour ce faire, Moscou poursuit un plan relativement complexe, dont on peut deviner les grandes lignes en se penchant sur la répartition des forces russes (en gros, 40% à Kiev, 30% dans le Donbass, 15-20% dans le sud de l’Ukraine, 10% dans les villes du nord-est).

Le but est de placer les Ukrainiens face à un dilemme : en menaçant Kiev, les Russes risquent de décapiter la direction politique et militaire de leur adversaire, tout en occupant une plate-forme logistique de première importance (l’un des rares points de passage du Dniepr).

Seulement, l’armée du Kremlin fait également peser une menace sur le Donbass d’une part, et sur tout le sud Ukrainien d’autre part (en passant par la Crimée). Or, l’Ukraine ne peut pas défendre partout à la fois, ce qui va la contraindre à abandonner au moins une de ces régions.

Laisser les Russes s’emparer du Donbass revient à accorder sans combattre au Kremlin son objectif politique officiel, ainsi qu’à céder l’une des lignes de défense la plus fortifiée au monde sans aucune ligne de repli bien définie. C’est évidemment inacceptable.

D’un autre côté, si les Russes parvenaient à occuper le Sud, ils priveraient non seulement l’Ukraine d’une façade maritime cruciale pour son économie, mais ils établiraient également un « pont terrestre » reliant la Crimée au reste de la Fédération. De plus, ils pourraient…

…se rapprocher dangereusement de nœuds logistiques cruciaux (Zaporizhia, Dnipro, Kherson et Mykolaiv, cette dernière ville pouvant couper Odessa de Kiev tandis que les autres gardent les principaux passages reliant l’Ukraine orientale à l’ouest du pays).

En somme, le pari de Moscou était de forcer l’Ukraine à abandonner un de ces axes d’attaque, de sorte à ce que même si deux des trois opérations venaient à échouer, l’on ne rentrerait pas bredouille car l’une d’entre elles fournirait un levier de négociation important.

Evidemment, ce plan n’était pas dénué d’hubris. Les stratèges russes ont largement sous-estimé l’opiniâtreté des Ukrainiens, ce qui leur a fait perdre du temps et les a empêché d’obtenir des percées décisives (à Kharkiv, Soumy et Tchernihiv, notamment).

Cette dispersion tous azimuts de l’effort russe, couplé à des tentatives de pénétrer en profondeur dans le territoire ukrainien, a étiré la logistique russe jusqu’à son point de rupture : ceci explique les nombreuses photos de véhicules abandonnés à l’époque.

Il faut savoir qu’une armée moderne en campagne consomme des quantités faramineuses de carburant et de pièces détachées, de telle sorte qu’une colonne dont la logistique est prise en embuscade ou qui ne peut pas suivre est vite contrainte à l’arrêt complet.

Cela eut également pour conséquence d’engendrer une énorme confusion : il n’était pas rare que des Russes tombent dans des embuscades (ou inversement) car ils pensaient être en « terrain ami ». C’était empiré par l’équipement d’origine soviétique employé par les deux armées.

Pour autant, contrairement à ce qu’on a pu dire, l’armée russe restait un adversaire redoutable. D’après le site , près de 4200 soldats ukrainiens sont tués entre le 24 février et le 1er avril. 350 au moins périssent d’ailleurs dans les premières 24 heures !ualosses.org

Cette résistance permet toutefois de mettre en échec les Russes devant Kiev et les villes du nord-est, ce qui contraint finalement ces derniers à se retirer (quitte à prétexter un « geste de bonne volonté » pour sauver la face).

La réussite ukrainienne, qui permet certes à Kiev de survivre en tant qu’Etat indépendant, constitue toutefois un succès en demi-teinte. Tout le sud du pays est alors occupé, et il s’en fallut de peu pour que Nikolaev (clé logistique d’Odessa) ne tombe.

La défense ukrainienne du Donbass tenait encore bon, mais leur adversaire commençait à engranger des progrès sérieux. C’est d’ailleurs là que Moscou redirigera les troupes retirées de Kiev, dans l’espoir d’obtenir une victoire décisive pour cet objectif politique clé.

L’opération du Kremlin avait donc échoué dans ses objectifs maximalistes (lesquels, avec le recul, étaient bien trop ambitieux pour les moyens militaires qui avaient été alloués), mais elle avait tout de même placé Kiev dans une position inconfortable.

Pour récupérer sa façade maritime, l’Ukraine serait contrainte ou bien de négocier, ou bien de la reconquérir par la force. Si les Russes fortifiaient suffisamment l’endroit, alors le spectre d’une longue guerre d’attrition se dessinait avec une netteté de plus en plus grande.

Pour l’heure, cependant, l’optimisme était de rigueur. Le succès inattendu des Ukrainiens dans leur défense de Kiev poussa les Occidentaux à leur apporter un important soutien diplomatique, financier et surtout militaire.

En particulier, les Etats-Unis mettent à leur disposition tout leur système de renseignement et de guidage de haute précision : il est indéniable que plusieurs attaques russes potentiellement très dangereuses (Siverskyi Donets, par ex) furent déjouées en étant repérées à temps.

Pendant ce temps, il y a comme un flottement chez les décideurs politiques à Moscou. Le Kremlin ne semble pas penser que les Ukrainiens seront prêts à mener une guerre d’attrition (où ils sont structurellement désavantagés), mais il ne veut pas non plus lâcher ses conquêtes.

Il refuse donc aux militaires une mobilisation symétrique à celle qui se produit alors chez son adversaire (et qui donnera vite aux Ukrainiens un avantage numérique). Avec les forces en présence, Moscou ne peut pas gagner, mais il y a désormais trop en jeu pour lâcher l’affaire.

La Russie semble alors portée par la croyance que l’inertie de ses avances initiales (notamment dans le Donbass) ainsi que la menace d’une guerre longue poussera Kiev à chercher un compromis. Cela explique pourquoi elle n’annexera pas officiellement Kherson et Zaporizhia.

Ce flottement de quelques mois à partir d’avril 2022 laissera aux Ukrainiens l’opportunité de monter en puissance et surtout de se réorganiser après le chaos initial des premiers mois. Nous verrons ultérieurement le résultat produit par ces nouvelles dynamiques.

Pendant les 6 prochains jours, nous avons décidé de reprendre à 0 la série d'articles/thread de @kaczinskpilled sur l'histoire de la guerre en Ukraine.

Chapitre I – Invasion (février-avril 2022)
Chapitre 2 : Retournement de situation (mai-novembre 2022)
Chapitre 3 : Réorganisation
Chapitre 4 : L’été des illusions
Chapitre 5 (interlude) : Parlons de logistique industrielle
Chapitre VI – Les sièges du Donbass (2024)

Soyez prêts !

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