Thread by @atummundi

Histoire militaire de la guerre en Ukraine 🇺🇦/🇷🇺 Chapitre 7 : La crise stratégique ukrainienne (2024-2025) Part 1

Depuis 2024, l’Ukraine est contrainte de reculer dans le Donbass, y compris de points stratégiques. La faute à un problème de fond : l’attrition

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Depuis l’échec de la contre-offensive de l’été 2023, l’Ukraine a compris qu’une victoire rapide était hors de portée. Repassée en position défensive, elle s’enlise dans une guerre d’attrition qu’elle n’avait pas choisi, face à un adversaire solidement implanté.

Or, une guerre d’attrition repose sur des rapports de force assez simple au fond : si un camp possède 2 fois plus de ressources, il suffit qu’il subisse moins de 2 fois les pertes que son adversaire pour finir par l’emporter. C’est précisément ce qui inquiète pour l’Ukraine.

La Russie est bien plus peuplée que l’Ukraine, et elle recrute de nombreux soldats même sans mobilisation générale. Pour maintenir un équilibre, Kiev devrait infliger 2 à 3 fois plus de pertes qu’elle n’en subit. Or, ce n’est pas ce qu’indiquent les données dont nous disposons.

Le site recense environ 142 000 tués et disparus côté ukrainien, auxquels s’ajoutent environ 60 000 amputés. Cela fait donc environ 200k soldats mis hors de combat de manière définitive. A cela s’ajoutent environ 300k blessés plus légers, d’après Zelensky.ualosses.org

Cela signifie que l’armée ukrainienne a dû trouver, au cours de la guerre, 500 000 remplaçants (200 000 permanents et 300 000 temporaires) pour tenir le front et « boucher » les trous causés par les pertes. Ces chiffres sont assez inquiétants, car ils sont répartis...

…sur peut-être 800 000 militaires affectés aux unités de contact (sur les 1.2 millions de citoyens mobilisés, le reste étant affecté dans la logistique, les gardes-frontières, etc). Cela signifie que les 2/3 des troupes ukrainiennes sur le front vont subir mort ou blessure.

Dans ces conditions, le front est contraint à un perpétuel flux tendu : les pertes sont suffisamment importantes pour que les rares réserves que l’Ukraine est capable de constituer soient raidement envoyées sur le front pour en combler les défaillances.

Or, ce renforcement des défenses mises à mal absorbe tant de soldats qu’il devient difficile de créer à l’arrière des unités capables de relever les soldats sur le front pour qu’ils aillent se reposer à l’arrière. Il en résulte un épuisement physique et moral considérable.

Nombreux sont les témoignages de soldats ukrainiens se plaignant de l’absence de telles rotations de troupes. Or, près de 70% de chances d’être tué ou blessé, combiné à cette absence d’espoir d’être un jour relevé finit par provoquer des lassitudes et des désertions.

Ainsi, les sources ukrainiennes estiment que 5000 soldats ukrainiens quittent leur poste par mois. Ces désertions ne sont pas toutes définitives : dans les deux tiers des cas, il s’agit de protester contre la corruption ou les mauvais traitements par un abandon de poste.

Seulement, il faut quand même remplacer ces hommes, ce qui aggrave les problèmes d’effectifs. L’Ukraine risque donc d’être prise dans un cercle vicieux où ses problèmes de « ressources humaines » s’aggrave perpétuellement.

Or, l’Ukraine a déjà mobilisé 25% des hommes de 25 à 60 ans aptes au service (1.2 sur 4.9 millions, si l’on retire les travailleurs irremplaçables, les émigrés et ceux vivant sous occupation russe). Il est rare pour une nation d’arriver à dépasser ce seuil, pour des raisons…

… politiques, administratives, économiques et même simplement de dotation en matériel. Il est donc douteux que l’Ukraine puisse compter sur un réservoir « caché » pour y puiser. Son principal espoir est donc d’avoir infligé des pertes très supérieures aux Russes (3 fois plus).

Il aurait donc fallu que l’Ukraine tue environ 400k soldats russes, plus 1 million de blessés et peut-être 10k déserteurs par mois. Et ceci uniquement en se basant sur les nécrologies relevées par (140 000 tués ukrainiens), qui sont peut-être sous-évalués.ualosses.org

Or, personne n’arrive à retomber sur un tel ordre de grandeur. Le site Mediazona, qui compte le nombre de tués côtés russes à partir de décorations posthumes, d’enterrements ou autre, est arrivé à 115 000 (pour un chiffre « réel » qu’ils estiment à 190 000).

Si l’écart entre les pertes humaines des deux bélligérants était réellement de l’ordre de 3 pour 1, il est étonnant que ce ratio ne se vérifie pas du tout dans les décomptes de pertes confirmées qui arrivent jusqu’à nous (+ Mediazona a plus de moyens qu’).ualosses.org

Pour notre part, nous pensons que les pertes humaines russes et ukrainiennes sont en réalité très similaires (de l’ordre de 1 pour 1.5 en faveur de l’Ukraine). Nous ne voyons pas d’autres explications au fait que les Russes sont à l’offensive depuis près de deux ans désormais…

… et que les fortifications ukrainiennes dans le Donbass soient parfois prises presque sans rencontrer de résistance. Cela s’explique au contraire facilement si, grâce à son avantage en termes de puissances de feu, la Russie tue et blesse trop vite les soldats ukrainiens.

Cela se traduit donc par un déficit continuel d’hommes, que les efforts de recrutement ne parviennent pas à compenser, ce qui débouche, comme nous l’avons indiqué, sur des « trous » que peuvent exploiter les Russes pour s’infiltrer et occuper des positions défensives clés.

Or, il semble bien que notre interprétation des évènements semble se confirmer sur le terrain. Les Russes n’avancent pas facilement, il est vrai, mais ils avancent bel et bien, et ce sont plutôt les Ukrainiens qui semblent donner des signes d’épuisement dans leurs déclarations.

Le problème est qu’il n’y a pas de raison actuellement d’espérer que cette tendance s’inverse. La démographie ukrainienne ne va pas varier et les alliés occidentaux ne fournissent ni les armements, ni les garanties de soutien durable nécessaires pour briser la dynamique actuelle.

L’Ukraine se retrouve donc dans une crise stratégique. Elle se retrouve dans une spirale infernale d’assèchement de ses effectifs, et ses alliés n’arrivent manifestement pas à lui fournir assez d’armemements pour compenser cet état de fait.

Le soutien occidental, pourtant crucial (rien qu’à titre financier, il représente la moitié du budget ukrainien) est en plus de cela vacillant : Trump pourrait tout à fait décider d’arrêter les frais à n’importe quel moment. Situation de dépendance inquiétante, donc.

L’Ukraine est donc poussée à chercher des cibles potentiellement risquées qu’elle pense susceptibles de créer un déblocage (réallocation des troupes de Moscou, trêves, intervention étrangère, etc). L’opération de Koursk, que nous analyserons bientôt, en est un exemple frappant.

Avant dernier thread de la série sur l'histoire de la guerre en Ukraine par @kaczinskpilled.

Ses articles sont disponibles sur le site internet :

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