Dans le projet de loi de finances que je viens de consulter, tout a été fait pour épargner Bernard Arnault et les milliardaires français.
C’est donc aux autres catégories sociales qu’il est demandé de faire des efforts. Une fois de plus🧵
Reconnaissons la créativité dont fait preuve le gouvernement pour défendre les privilèges fiscaux des ultra-riches:
Ce projet de loi de finances prétend "faire échec aux stratégies de contournement de l'impôt" des plus riches... tout en les préservant et en les démultipliant⬇️
Le PLF crée en effet une nouvelle taxe de 2% sur le patrimoine des holdings
A première vue on pourrait penser qu’il s’agit d’un pas vers la justice fiscale
Mais il n’en est rien
Car l’article prend soin d’exonérer quasiment toute la fortune des holdings – vidant ainsi entièrement le dispositif de sa substance
Qu’on en juge :
La taxe ne s’applique pas aux titres de participations :
Si une holding détient des actions LVMH, ceux-si sont exonérés d’impôts
La taxe ne s’applique pas aux immeubles utilisés pour une activité quelconque :
Si une holding possède des bureaux, ceux-si sont exonérés d’impôts
La taxe ne s’applique pas aux investissements dans des fonds de capital investissement, aux placements dans des PME, pas plus qu’aux liquidités récemment acquises, à celles résultant de la vente de titres …
La liste des exonérations s’étend sur des pages et des pages
Que reste-t-il donc dans l’assiette ?
Quelques comptes bancaires dormants qui auraient été oubliés ici ou là, des voitures de course
Soit une infime fraction du patrimoine des holdings :
Plus de 95 % de la fortune des milliardaires est exonérée du nouvel impôt Lecornu
Cette nouvelle taxe est l’inverse de ce qu’il faudrait faire:
Là où il faudrait un plancher incompressible d’imposition, dénué de niches, elle vient créer un panier percé de mille trous, une machine à optimisation – gage de son échec
Le gouvernement dit s’inspirer de la taxe sur les holdings en vigueur aux Etats-Unis depuis 1937 :
Il n’en est rien, car la taxe américaine ne contient pas d’exonération et frappe l’ensemble des revenus des holdings
Le gouvernement en espère 1 milliard d’euros
De façon plus réaliste on peut espérer quelques centaines de millions, après optimisation fiscale
Le PLF prévoit donc diverses augmentations d’impôts et baisses de dépenses pour le reste des Français
Au total 29 nouvelles mesures fiscales : augmentation des impôts pour les retraités, majorations de droits de timbre et écotaxes diverses
Mais aucune pour faire rentrer les milliardaires dans le champ de la solidarité nationale
La justice fiscale est pourtant la clé de la stabilisation budgétaire et de l’apaisement politique
Hélas, ce projet de loi de finances reste sourd à cet impératif, dans la droite ligne de ses prédécesseurs
/fin
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Bonjour M. @SebLecornu, votre proposition de « taxe sur le patrimoine financier » ne risque pas de répondre à la demande de justice fiscale des Français : elle va préserver le privilège fiscal des milliardaires.
Voici pourquoi 🧵
C’est une histoire édifiante qui débute en 1981
Vous proposez en effet d’exonérer les “biens professionnels” de votre impôt
Or la notion de "biens professionnels" n’existe dans aucun manuel d’économie
Elle n’existe dans aucun pays qui, comme la Suisse ou la Norvège, a aujourd’hui un impôt sur la fortune
C’est une invention française de 1981, au moment de la création de l’impôt sur les grandes fortunes (IGF), qui devint par la suite ISF
J’ai eu l’honneur d’être invité hier à l’Assemblée nationale pour évoquer la proposition d’impôt plancher sur les ultra-riches, aux côtés de l’économiste spécialiste de la mondialisation Jayati Ghosh & du prix Nobel d’économie Joseph Stiglitz
Retour sur quelques moments forts🧵
Je remercie @C_deCourson et @ericcoquerel, respectivement rapporteur général et président de la Commission des Finances – qui portent des visions différentes sur cette proposition – d’avoir organisé ce débat de qualité
Je voudrais revenir rapidement sur quelques moments clés
A commencer par le récit de Jayati Ghosh sur le risque de capture politique et le risque démocratique que pose la concentration de la richesse
Un exposé marqué par ses propres expériences dans son pays d’origine, l’Inde, et celui où elle enseigne actuellement, les Etats-Unis.
Parfois c’est ce qui nous est le plus proche que l’on met le plus de temps à voir.
Pendant quinze ans j’ai cartographié les grandes fortunes mondiales, objectivé leurs techniques pour contourner l’impôt dans les paradis fiscaux, du Luxembourg aux îles vierges britanniques... 🧵
À 21 ans j’épluchais les archives des banques suisses, je me plongeais dans les balances des paiements des pays, avec un but:
Quantifier le montant des avoirs dissimulés dans les centres offshore, mieux comprendre cette grande évasion qui finirait par faire la une des journaux.
Puis c’est vers les grandes entreprises multinationales que je me tournais.
Je me passionnais pour leur comptabilité alambiquée : ces techniques par lesquelles les profits réalisés en France ou en Allemagne atterrissent en Irlande ou aux Bermudes pour y échapper à l’impôt.
Bonjour Madame @MLP_officiel, ce qui est nocif – pour notre contrat social, pour notre démocratie – c’est ce privilège fiscal des milliardaires qui leur permet ne pas payer d’impôt sur le revenu
Contre 8 Français sur 10, vous avez donc choisi votre camp 🧵
Pour maintenir le privilège fiscal des milliardaires, vous utilisez deux subterfuges :
Vous proposez d'abord de protéger leurs « biens professionnels », soit la quasi intégralité de leur fortune.
Vous proposez ensuite une mesure qui ne les affectera pas
C’est votre argument favori : vous souhaitez exonérer les « biens professionnels » de l’impôt minimum sur les grandes fortunes (+ de 100 millions de patrimoine) que je défends.
Regardons ce qui se cache concrètement derrière cette manoeuvre
M. Arnault, j’ai été très surpris par le caractère caricatural de vos attaques.
Vos propos me visant sortent du domaine de la rationalité et sont sans fondement.
Essayons de reprendre un peu de mesure.
Contrairement à ce que vous affirmez, je n’ai jamais été militant dans aucun mouvement ni encarté dans aucun parti.
Je n’ai pour seule activité que mon travail de chercheur et d’enseignant, en tant que professeur des universités à l’Ecole normale supérieure et à Berkeley