Pour la 1ère fois dans l'histoire de la République, la France a un gouvernement de droite avec soutien sans participation de l'extrême-droite. C'est inédit, et ça va bien sûr influencer les politiques menées : ça sera à droite toute, et le RN, même sans participer, mènera le jeu. Tout comme les gouvernements Borne puis Attal, minoritaires à l'Assemblée, donc dépendants du soutien de la droite, ont mené une politique de droite, le gouvernement Barnier ne tiendra que dans la mesure où il fera une politique compatible avec l'extrême droite.

Le déni de démocratie d’Emmanuel Macron est patent, mais il n’est pas forcément là où on le croit. Il confond ses rôles de président impartial et de chef de parti, et détourne le sens des institutions pour servir son agenda - et préparer une alliance avec l'extrême droite. 🧵⬇️ Soyons clairs : Macron a le droit de ne pas nommer Lucie Castets. Il a le droit (étrange) de repousser encore et encore la formation d’un gouvernement, laissant le précédent aux commandes. Il a le droit de chercher à assurer la "stabilité institutionnelle", et donc de consulter.

La crise institutionnelle dans laquelle on est n'est pas entièrement nouvelle. Toute constitution pose des problèmes d'interprétation, toujours renouvelés en cas de changement dans les rapports de force, notamment entre institutions pouvant prétendre représenter le peuple 🧵 La Révolution a vu nombre de ces conflits, l'Assemblée contre le roi, contre les sections parisiennes... La Restauration tombe sur un conflit entre le roi et l'Assemblée après une dissolution (tiens tiens), la Seconde République un coup d'état du président contre l'Assemblée...

Allez, petit fil de science politique : pourquoi (et à quelles conditions) la gauche (et seulement la gauche) peut gouverner à la fois démocratiquement et en étant minoritaire dans ce système à trois blocs. Et donc pourquoi Macron ne veut pas nommer un gouvernement de gauche 🧵 On s'imagine souvent l'axe gauche droite comme unidimensionnel, et souvent ça marche. Mais on préfère parfois penser les identités politiques selon un double axe : un axe libéralisme économique et un axe libéralisme culturel (les noms varient mais l'idée est la même)

En 2007, droite + extrême droite faisait 13 millions de voix. Aujourd'hui, 12,7 millions. Ce qui a changé (et qui change tout), c'est que l'extrême droite a entièrement bouffé les voix de la droite. Peut-être parce que depuis, cette droite "républicaine" est devenue extrémiste Sous Sarkozy, la droite s'est mise à renforcer son discours sécuritaire, raciste, contre "l'assistanat", pour l'identité nationale, anti-gauchiste. Et un temps, ça a marché. Mais à terme, ça a surtout validé le discours du FN, qui semble désormais un discours banalement de droite

Pour Libération, je propose une analyse du rapport à la démocratie des trois fronts politiques : "Législatives : trois conceptions du peuple, trois visions de la démocratie". Spoiler : un seul des fronts est vraiment démocratique. Réservé aux abonné-es, du coup petit fil ⬇️ Bon, commençons par l'évidence : cette campagne met à l’épreuve la démocratie. Emmanuel Macron a brutalement manipulé les règles électorales. Cela en dit long sur son rapport à la démocratie et sur la nature des institutions de la Ve qui permettent de tels coups de force

Cette séquence (terrible) remet au coeur du débat le rôle des partis. En politique, la trahison est courante, mais la trahison d'un parti par son chef l'est moins. Or deux chefs viennent de trahir : Ciotti, bien sûr, mais aussi Macron. Avec des conséquences très différentes. 🧵 Macron vient, seul ou presque, d'envoyer valser tout son mouvement. Certes, il met en danger le pays et piétine la démocratie. Mais c'est aussi, incidemment, une trahison de tous ses fidèles, et le risque de leur faire perdre leur job et ce qu'il leur reste d'honneur

Le moment est parfait pour vous raconter l'histoire d'une sorcière, Jeanne. Elle naît en 1528, d'une mère prostituée, brûlée pour sorcellerie quand Jeanne a 20 ans. Elle se marie, a une fille, qui se fait "violenter" par un voisin. Alors, Jeanne, qui a 50 ans, lui jette un sort. Mais le sort touche un autre homme, innocent, qui meurt. Jeanne prend peur, s'enfuit, est rattrapée, jugée. Face à la menace de la torture, elle avoue, et est brûlée. Pourquoi raconter cette histoire, banale ? Car le juge de l'affaire n'est pas n'importe qui. C'est Jean Bodin.

J'ai supprimé un thread sur les usages militants de l'histoire, car il était mauvais et pas sympa pour des collègues. Désolé. Il était surtout nul car il mélangeait 2 choses : les manières d'utiliser l'histoire, et les manières d'en faire. Du coup, 2e essai, pour rater mieux🧵 1/ L'idée de base, consensuelle je pense, c'est que les militant-es ne sont pas tenu-es aux même règles de vérité que nous, qui sommes payé-es par la collectivité pour produire des discours vrais. C'est un constat (on ne peut pas l'empêcher) mais aussi normativement désirable 2/

Le rejet massif, au Chili, du projet de constitution progressiste, radicale et égalitaire, est un énième douloureux rappel de cette leçon : l'élection, même au suffrage universel, même par référendum, même informée, met généralement un coup d'arrêt aux processus révolutionnaires Cette opposition fondamentale entre l'épreuve électorale et l'émancipation (disons les choses, entre la démocratie et le socialisme), est au coeur de la réflexion anarchiste, qui refuse l'alternative infernale entre le démocratisme conservateur et le progressisme autoritaire

Je viens de finir le livre de A. Mahoudeau (alias @pandovstrochnis), "La Panique woke", et... c'est vraiment excellent !! C'est court, agréable à lire, très informé, un modèle tant sur le fond que la forme. Rapidement, quelques éléments qui m'ont frappé ⬇️ Le livre prend au sérieux les polémiques autour du wokisme, en les analysant comme une panique morale, reposant certes sur peu de choses, mais très révélatrice tant de l'agenda des réactionnaires que du fonctionnement du champ journalistique.

Quelques mots sur l'anarchisme et le vote. L'anarchisme n'est pas seulement une idéologie dénonçant toute forme de domination et prônant le développement libre des tendances humaines à la coopération. C'est aussi une méthode d'analyse, qui se donne entre autres pour objet l'Etat. Croire que les anarchistes s'en fichent de l'État et de qui le dirige est un contresens. Ils prennent l'État très au sérieux, autour de trois idées : 1° l'État moderne monopolise une forme spécifique de domination, le gouvernement, pernicieuse car présentée comme légitime

Au musée juif de Berlin (dont je vous recommande vivement la visite si vous avez l'occasion), une salle regroupe, imprimées en grand format, les quelque 1500 réglementations et lois antijuives passées par le 3e Reich entre 1933 et 1945 Ce qui est frappant, c'est le détail, la redondance parfois de tous ces textes. Le régime nazi n'a eu de cesse de tout faire pour montrer qu'il était en train de régler "le problème juif". Avant de les exterminer, il y a un long travail de constitution des Juifs en "problème".

Dans son super livre "Bonheur privé, action publique", Albert Hirschman explique que le vote non seulement "donne à chacun un rôle minimum dans le choix des décisions publiques, mais établit également une sorte de maximum, de plafond". Cela fait du vote l'acte politique suprême Cela explique pourquoi le "suffrage universel" est rapidement devenu le meilleur ami de tous les politiciensé & penseurs conservateurs. C'est le meilleur "garde-fou contre une citoyenneté excessivement expressive", celle de la révolte, l'expression directe, l'autoorganisation

Les LFI accusent ceux qui ne votent pas Mélenchon de nuire aux chances de la gauche d'être au second tour. Les autres accusent LFI de les priver de leur choix.
Mais que dit la SCIENCE POLITIQUE ?? Qui a raison ? La Science dit : "Détendez-vous" : Votre vote ne change RIEN. On vote (ou pas) pour plein de raisons valides : exprimer son attachement ou son rejet du système, son appartenance à la communauté des citoyens, son identité partisane. Ce n'est pas un acte anodin, et on voit bien comment le débat sur ce qu'on vote tend les relations. MAIS

J'ajoute quelques mots à cet excellent thread, qui nie (à raison) l'analogie entre la France de Macron et la Russie de Poutine. Non, notre régime n'est pas autoritaire de la même manière que la Russie. Mais ça ne veut pas dire qu'on peut facilement le qualifier de démocratie

https://twitter.com/colinlebedev/status/1501508319801921538

Quelle est la définition de la démocratie sous-jacente à l'argumentation de ma collègue ? 3 critères : une compétition ouverte pour le pouvoir, pas d'appropriation personnelle des institutions et une limitation des enclaves autoritaires, i.e. où le peuple ne joue aucun rôle

Bon du coup cette semaine quelques universitaires réactionnaires vont faire un colloque en Sorbonne pour dire du mal du wokisme, avec des potes qui n'ont aucun autre titre à parler que d'être aussi des réactionnaires, et tout ça sous les auspices d'un ministre et d'un bureaucrate Et c'est très bien comme ça. Depuis trop longtemps ce gouvernement louvoie et tergiverse. Au moins, là, les choses sont claires : ce gouvernement adoube les thèses des obscurantistes, qui veulent censurer les sciences sociales, en particulier quand elles parlent des dominé.e.s

Bon, parlons de pass sanitaire. Est-ce un danger, d'un point de vue démocratique ? La réponse est oui. La démocratie repose sur l'égalité (politique et sociale) et le contrôle citoyen sur les pouvoirs. Le pass instaure une inégalité, et renforce le contrôle de l'Etat sur nous. 1/ Le problème est que les gens qu'on entend le plus critiquer le pass sanitaire dans les médias le font par méfiance envers la vaccination. Or ce n'est pas parce que la vaccination serait dangereuse ou inefficace que le pass est potentiellement une catastrophe, mais le contraire 2/

Quelques éléments sociohistoriques pour comprendre les heurts entre autonomes et service d’ordre (SO) de la CGT le 1er mai – heurts qui révèlent une crise profonde et durable de la forme manifestation. #Manif1erMai #GiletsJaunes #manifestation ⬇️⬇️⬇️ D’abord il faut comprendre que la manifestation telle qu’on la connaît (un défilé pacifique et encadré sur un parcours négocié entre organisations et préfecture) est un mode de protestation qui n’a rien de naturel, il a une histoire, et elle est assez récente.