J’ai pas le courage de lire l’enquête du NYT sur Bucha. Je me doute que c’est du travail de qualité.
J’ai peur de dire des gros mots ensuite sur les gens qui, face à la masse de preuves, appellent à la prudence ou au « doute critique » parce qu’ils ne veulent pas voir. D’ailleurs, un petit conseil (d’expérience) vous pouvez suivre l’actualité, prier pour les victimes et même pour les bourreaux, mais il ne faut jamais hésiter à se protéger. Toujours très sceptique de certains comptes ici qui partagent des horreurs en disant « Regardez ».

Les threads de @Michel_Goya sont souvent (toujours) très éclairant mais celui-ci soulève un point qui est une tension perpétuelle dans la génération de force (dans toutes les armées, la nôtre incluse): le nombre de fantassins, c’est à dire les gens qui se battent à pied.

https://twitter.com/Michel_Goya/status/1513850616153624581

C’est particulièrement vrai à notre époque très technocentrée où il faut des drones, des robots, des missiles, des moyens de guerre électronique etc etc etc pour manœuvrer dans un champ de bataille moderne.
Seulement voilà, à force d’empiler le matériel on a des fusils en moins.

Ce thread fait bondir pas mal de monde alors qu’il illustre bien l’obsession américaine pour la lecture dite “utile”, celle du développement personnel.
Y’a pas de littérature là-dedans, comme dans plein de bibliothèques de gens intelligents dans ce pays. Je trouve ça fascinant.

https://twitter.com/Art0fLife_/status/1513110918288355330

Bon y’a Paulo Coelho mais même ça, est-ce vraiment de la littérature?

En revanche des pavés sur la mentalité des winners et l’estime de soi par des PDG, y’en a plein.

S’il y a une spécificité de l’enseignement à défendre en France elle est aussi là dedans je pense.

En préparation du concours de l’école de guerre, nous devions lire un bouquin assez remarquable, l’Ensauvagement de Thérèse Delpech.
J’y repense aujourd’hui parce qu’une de ses conclusions était une interrogation: que deviendront demain les crimes non jugés du 20e siècle? Elle faisait le parallèle entre les imperfections du procès de Nuremberg mais aussi sa puissance symbolique permettant de tourner une page d’une part, et les crimes de masse commis ailleurs, en URSS ou en Chine, qui eux n’ont jamais été jugés.

Ça semble évident, mais intégrer le retour d’expérience, surtout quand il est négatif ou critique, est très difficile à faire à l’échelle d’une institution entière et les Russes ne sont pas les seul à avoir ce problème.

https://twitter.com/kamilkazani/status/1511529591394897922

(Lisez le thread, c’est très intéressant)

Je découvre que les Red Hot ont sorti un nouvel album. Première chanson, 20 secondes, 2e chanson, 30 secondes, c’est bon: ils sonnent toujours comme en 2003 et ce n’est pas tellement plus intéressant qu’en 2003. Ce groupe a eu son moment, c’était le printemps 99, Californication, l’année du bac, le croisement d’une époque et d’une poignée de chansons. Mais ils sont restés figés, c’est terrifiant comme recroiser un pote de terminale qui aurait gardé la même tronche et les mêmes fringues.

J’ai le sentiment (désagréable) qu’une partie de Twitter s’appuie sur les outils de communication stratégique du conflit russo-ukrainien pour s’offrir le frisson d’une guerre par procuration. C’est sans doute inévitable, mais je peux pas m’empêcher de trouver ça malsain. Un peu comme on voit des live tweet d’émissions de télé (comme celle de ce soir). Ou alors c’est moi qui vois le mal partout?

Quand je suis parti en mission, j’ai désactivé tous les cookies possibles et la localisation de mon téléphone.
Depuis, je vois à quel point Facebook GALÈRE à me proposer du contenu personnalisé sur la base de… bah de plus grand chose du coup.

C’est assez éclairant. Ah, l’algorithme tente des trucs hein, je dis pas. Mais alors je passe des pubs pour des outils de jardin à des pages de memes sur des séries que j’ai jamais vu ou d’explications de texte sur Harry Potter entre deux vidéos tuto pour changer des joints de culasse. C’est fascinant.

Beaucoup trop de gens que j’apprécie par ailleurs passent leur temps à dire « ouiiii la pensée unique, liberté d’expression opprimée tout ça » ou une variation sur ce thème. Ce week-end, j’ai craqué.
J’ai répondu au type « tu veux pas être informé, tu veux être conforté. » Et plus ça va plus je trouve que c’est vrai. Sortir de sa bulle cognitive nécessite de faire un effort. C’est plus difficile que de dire « il s’est passé ça ET TOUT LE MONDE S’EN FOUT ».

Un dernier truc pour ce soir. Quitte à lire des conneries dessus, autant savoir de quoi il retourne. Je vous invite à lire le texte ci-après. Il est très court et très simple, c’est le traité de Washington. Aussi appelé traité de l’Atlantique Nord. nato.int/cps/fr/natohq/… Quand je bossais pour @NATO_ACT, mon chef, le général Mercier, disait souvent dans ses discours que c’était un modèle. Qu’on serait bien incapables aujourd’hui de dire aussi bien en aussi peu de mots ce qu’est fondamentalement une alliance.

Dans mon boulot précédent on commençait à développer les réflexions sur la haute intensité et les décisions capacitaires qui iraient avec. On travaillait avec mon chef sur l’organisation d’un forum regroupant les industriels de défense et on réfléchissait au thème à proposer. Je me souviens d’une conversation où l’on réfléchissait à la formulation du sujet, quelque chose du genre: la mobilisation du tissu industriel dans un conflit de haute intensité. Comment accroître les capacités de production de matériel militaire, ce genre de trucs.

En mission, le temps que je n’ai pas passé sur internet (et en particulier ici) a été partiellement réinvesti dans l’écriture et la lecture (en plus de mes fonctions au boulot, le truc avec des casques et des flingues et du sable, enfin vous voyez). L’écriture, on verra ce que ça donne dans quelques mois et si c’est de la matière à livre (en dehors du contexte de sa rédaction, le contenu n’aura, en tout cas, sans doute rien à voir avec le monde militaire).