Michaël Mangeon Profile picture
Histoires du #nucléaire. Docteur, chercheur associé @evsumr5600, consultant, enseignant. Mes tweets n’engagent que moi.

Jul 28, 2020, 33 tweets

Savez-vous que fin 60’s, le réacteur Bugey 1 devait être la figure de proue du futur parc #nucléaire français ?

Mais finalement...

Thread : Bugey 1, le dernier des réacteurs « uranium naturel graphite gaz » (UNGG).

🔽🔽🔽

1/ Après les premiers réacteurs de recherche fin 40’s et 50’s, le réacteur militaire G1 du @CEAMarcoule produit en 1956 les premiers kilowatts-heures d’électricité et entrouvre la porte au #nucléaire civil en #France.

Plus d’infos
🔽🔽🔽

2/ C’est à Chinon que débute réellement l’ère industrielle de la filière du @CEA_Officiel avec 3 réacteurs exploités par @EDFofficiel, modérés au graphite et refroidis au CO2, de plus en plus puissants (70 MWe pour Chinon A1, 200-210 pour A2 et 480 pour A3).

3/ Le design s’affine progressivement. On note notamment l’abandon d’un « caisson » en acier après un incident lors de la construction de #Chinon A1 (le caisson se fissure en 1959…) pour du béton précontraint. Le réacteur 1, la célèbre « boule », démarre en 1963.

4/ Néanmoins, ces réacteurs sont encore des prototypes. Leur construction et le début d’exploitation ne se déroulent pas sans difficultés importantes (pannes, retards…).

5/ De plus, EDF et le CEA n’ont pas les mêmes objectifs (produire de l’électricité pour l’un et du plutonium pour la bombe pour l’autre) ce qui entraine des incompréhensions.
En 1963, de Gaulle convoque le président d’EDF Roger Gaspard (vidéo de 1961) à l’Élysée….

6/ Devant les retards de construction de la centrale #nucléaire de Chinon, le général ne prononce qu’une phrase avant d’écourter l’entretien : « Monsieur Gaspard, je ne suis pas content d’EDF ».

7/ Malgré ces difficultés, que les experts considèrent comme des « maladies de jeunesse », l’idée est de pouvoir augmenter la puissance des UNGG et de développer des réacteurs en série à partir des expériences de #Chinon.

8/ Les politiques, convaincus, mettent la filière UNGG au cœur des plans nucléaires des années 1960 avec une montée en puissance envisagée pour la période 1966-1970 : objectif de 500 MWe/an nucléaire et 2500 à 4000 MWe supplémentaire en option.

9/ L’idée pour les prochains réacteurs est de proposer un design différent avec un caisson dit « intégré » qui comprend, pour des raisons économiques (meilleure durée de vie) et de sécurité, le cœur du réacteur, les échangeurs de chaleurs et des soufflantes.

10/ Pour EDF, il s’agit tout d’abord de réaliser deux réacteurs identiques sur le site de Saint-Laurent-des-Eaux pour pouvoir ensuite se lancer, sur le modèle des centrales thermiques, vers des paliers de plus en plus puissants et ainsi réaliser des économies d’échelle.

11/ Dans cet élan positif pour l’industrie nucléaire, un réacteur UNGG est également prévu sur la commune de Saint-Vulbas à 30 km de #Lyon. Un rapport CEA indique que la sécurité assurée par le caisson « intégré » permet une implantation plus proche des foyers de population.

12/ Lorsqu’en 1964, la construction du nouveau réacteur UNGG débute sur le site de Bugey, l’idée est alors très claire : ouvrir la voie à des réacteurs UNGG de 1000/1200 Mwe et concurrencer les réacteurs à eau légère américains qui commencent à inonder le marché.

13/ Le réacteur du Bugey doit être le plus puissant des UNGG ! Pour augmenter celle-ci par rapport aux réacteurs de Saint-Laurent-des-Eaux, l’idée est de remplacer les éléments combustibles de type « tubulaire » par des éléments « annulaires ».

14/ L’élément tubulaire gainé et refroidi uniquement sur sa face externe, ne pouvait pas supporter une pression de CO2 élevée à cause du risque d'écrasement du tube en uranium. C’est ainsi que naît, après plusieurs années de R&D, le projet INCA (INtégré Combustible Annulaire).

15/ L’idée va être de vérifier, sur Bugey 1 (500 MW), si le nouveau modèle de combustible peut ultérieurement équiper un réacteur de 1 000 MW, et, in fine, concurrencer les réacteurs américains (@WECNuclear et @generalelectric ) qui commencent à inonder le marché.

16/ L’avenir du parc #nucléaire français semble à portée de main…

🔽🔽🔽

17/ Néanmoins, lors de la construction de Bugey 1, l’avenir s’obscurcit pour la filière UNGG qui affiche ses limites physiques et économiques. On constate, en plus de problèmes de corrosions liés au CO2, que les réacteurs deviennent instables au-dessus de 600-700 MW.

18/ A quelques jours de l’inauguration de Chinon A3 en 1966, par de Gaulle, le réacteur subit 2 pannes majeures ce qui entraine une indisponibilité de 10 mois. Le général excédé préfère inaugurer l’usine marémotrice de la Rance qui démarre la même année.

19/ La presse s’empare des difficultés de la filière UNGG et des tensions entre le CEA et EDF. A ce stade, la filière n’est pas encore menacée mais on évoque, pour la première fois, les opportunités qu’offrent les réacteurs américains à eau légère.

20/ En 1967, on décide tout de même la construction de 2 réacteurs de type UNGG sur le site de #Fessenheim ! Dans le monde, les réacteurs à eau légère s’exportent très bien mais pas les UNGG. Rapidement, les premières tensions se transforment en véritable « guerre des filières ».

21/ Celle-ci oppose les partisans de l’UNGG à ceux de l’eau légère, à coup de rapports et de déclarations fracassantes. Petit à petit, la supériorité de l’eau légère est reconnue par les experts.

(+ d'infos techniques sur les filières @TristanKamin
)

22/ En 1969, l’abandon des UNGG est acté en conseil des ministres. Le président d’EDF annonce la fin de la filière en inaugurant la centrale de Saint-Laurent 1, qui subit, le lendemain, un accident de fusion de combustible….

(Pour + d'infos :
)

23/ Dans ces moments de trouble, la construction de la centrale du Bugey continue dans l’anonymat. En 1972, le réacteur Bugey 1, le dernier des UNGG entre en service.

24) Quelques années plus tard, le programme des réacteurs à eau pressurisée déferle sur la #France. Aux coté de Bugey 1, 4 réacteurs à eau pressurisée (REP) sont construits sur le site et démarrent en 1978 et 1979.

25/ L’exploitation de ce « petit réacteur » au milieu de 4 REP va durer pendant 22 ans. Bugey 1, le dernier réacteur UNGG encore en service, est définitivement arrêté en 1994. C’est la fin de cette filière industrielle démarrée au tournant des 50’s-60’s.

26/ Le démantèlement de l’installation débute rapidement avec l’évacuation du combustible, la vidange des circuits et les opérations de mise à l'arrêt définitif de Bugey 1.

27/ Le démantèlement des réacteurs UNGG est complexe, notamment en raison des empilements de graphite. Un démantèlement sous eau est d’abord imaginé par EDF pour les UNGG avec un planning très ambitieux (image de 2003).

28/ Finalement, un démantèlement sous air avec un planning allant jusqu’à 2100 pour le parc UNGG est aujourd’hui retenu et sera réalisé par Graphitec, une entreprise réunissant @EDFofficiel et @Veolia .

+ d'infos sur le démantèlement @AStrochnis

Share this Scrolly Tale with your friends.

A Scrolly Tale is a new way to read Twitter threads with a more visually immersive experience.
Discover more beautiful Scrolly Tales like this.

Keep scrolling