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Blog de diffusion de la recherche en histoire médiévale. Compte Twitter tenu principalement par Florian Besson

Jul 30, 2020, 14 tweets

Les miracles s'opposent-ils à la médecine scientifique ? Au XIVe siècle, on n'était pas de cet avis. La preuve avec le récit d'une guérison miraculeuse d'un cancer du sein... Un thread ⬇️ ! #histoire #medievaltwitter

Nous sommes à Montpellier, à la fin du XIVe siècle, à une époque où l’université de médecine de la ville est en train d’acquérir sa réputation à travers l’Occident.

Jean de Tournemire, prestigieux chancelier de l’université de Montpellier et médecin attitré de certains cardinaux de la cour pontificale d’Avignon, est un jour appelé à témoigner de la réalité d’un miracle, auquel il croit mordicus.

Tout commence, raconte-t-il, lors d’une visite effectuée à Montpellier à sa fille de 18 ans, alors enceinte, dont il constate en l’examinant qu’elle a sur le sein une petite boule dure, une « nodulitas » de la taille d’une amande, extrêmement douloureuse au toucher.

En bon médecin, il reconnaît là les symptômes d’un cancer du sein : une maladie incurable à l'époque. On peut prescrire des remèdes pour soulager la patiente, mais dans un délai maximum de deux ans... c'est la mort assurée

Dans son récit, Tournemire rappelle qu'un médecin persan, Razi, a bien essayé une fois de retirer le cancer en question, mais la boule réapparaît alors sur l’autre sein, si bien que l’opération n’est pas une option.

Désespéré, le médecin/père multiplie les prières à un ancien cardinal, Pierre de Luxembourg, mort récemment. Il ramène un morceau de sa robe, l'applique sur le sein de sa fille... et en quelques semaines celle-ci guérit. Pour Tournemire, c'est « l'oeuvre de Dieu » : un miracle !

Cette histoire n'est pas isolée. Depuis le XIIIe siècle, on mène l'enquête pour prouver la sainteté d'un individu, et les miracles jouent un rôle clé dans ces procès de canonisation. De nombreux médecins viennent ainsi témoigner de guérisons miraculeuses.

Or les juges de la curie, loin d'être prêts à tout accepter, se montrent au contraire très pointilleux et réclament des précisions : ce bras cassé guéri par miracle, était-il vraiment cassé ? Cette patiente ressuscitée, était-elle vraiment morte ?

On descend loin dans le détail pour distinguer les mirabilia, les merveilles et les miracles, de "l’arte vel scientia", l’art ou la science.

Dans cette histoire, le plus intéressant n’est pas que Jean de Tournemire croie aux miracles. C’est plutôt qu’une société qui croit globalement au merveilleux se donne tant de mal pour structurer, normaliser et surveiller de si près les occurrences de ce merveilleux.

Cela montre que pour les médiévaux le miracle et la science ne s’opposent pas, mais fonctionnent comme les deux pôles d’un continuum. Les patients ont besoin de miracles quand la médecine échoue, la curie pontificale a besoin des médecins pour savoir qui doit être reconnu saint.

En l’occurrence, la candidature du cardinal Pierre de Luxembourg n’est pas retenue, malgré le miracle de la guérison.
On peut donc dire que cette fois, le sein sain n’a pas fait de saint... 🙃

Entre science et merveilleux, entre médecine et procès de canonisation, le miracle occupe ainsi une place essentielle dans les mentalités des hommes du temps. Retrouvez notre article du jour :
actuelmoyenage.wordpress.com/?p=6043

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