#Thread #Histoire #Memoire
Margherita Sarfatti (1880-1961)
Femme de lettres animatrice de salon littéraire.
Critique d'art protectrice des avant-gardes.
Egérie politique du fascisme italien et maîtresse juive du Duce Benito Mussolini.
Margherita Grassini naît à Venise, non loin de l'ancien ghetto, dans une riche famille bourgeoise: son père Amedeo est un ami intime du Cardinal Sarto futur pape Pie X et de Guglielmo Marconi, l'un des inventeurs de la radio et de la télégraphie sans fil.
Sa mère Emma Levi est une cousine de Giuseppe Levi, médecin et militant antifasciste, père de l'écrivain Natalia Ginzburg et grand-père de l'historien Carlo Ginzburg.
(Giuseppe Levi dirigea à Turin les trois Prix Nobel Salvador Luria, Renato Dulbecco & Rita Levi-Montalcini.)
Elevée par des précepteurs (dont Antonio Fradeletto, fondateur de la Biennale de Venise), elle lit Karl Marx, épouse à 18 ans l'avocat padouan Cesare Sarfatti (1866-1924) de 13 ans son aîné et se lie avec Filippo Turati & Anna Kuliscioff, dirigeants du Parti socialiste italien
qu'elle rejoint.
Le couple vit à Milan où il a 3 enfants: Roberto (1900-1918) Amedeo (né en 1902) & Fiammetta (née en 1909).
Roberto qui s'engage dans les Alpini (troupe d'élite spécialisée ds le combat en montagne) est tué sur le front autrichien à 17 ans
En 1908, l'héritage de son père permet à Margherita tenir un salon où elle reçoit l'avant-garde italienne, notamment Filippo Tommaso Marinetti, Carlo Carrà, Umberto Boccioni (fondateurs du Futurisme), Luigi Russolo (père de la musique bruitiste) et la poétesse Ada Negri.
En 1909, Margherita devient le critique d'art du quotidien Avanti!, organe officiel du PSI.
En 1912, elle soutient la création par Anna Kuliscioff du journal féministe 'La Difesa delle lavoratrici' (La Défense des Travailleuses).
1912 marque aussi la progression de Mussolini au
sein du PSI.
Représentant de l'aile maximaliste et nommé patron de Avanti! en 1912, il est exclu, en raison de ses positions interventionnistes, du journal puis du parti fin 1914 quand le PSI se divise entre partisans et opposants de l'entrée de l'Italie dans la Grande Guerre.
Margherita, qui l'a rencontré à Avanti!, noue avec lui une amitié qui devient relation amoureuse et que semble tolérer son mari mais pas Rachele Mussolini.
Elle rejoint à son tour Il Popolo d'Italia puis la revue Gerarchia. C'est l'alliance squadriste et la naissance du fascisme.
1922: Margherita devient rédactrice de Gerarchia, désormais source principale de l'orthodoxie fasciste. C'est elle qui définit la politique culturelle du parti.
Son influence croît en même temps que s'élève la carrière politique de son amant, devenu fin 1921 'Duce du fascisme'.
Elle aide Mussolini à planifier la Marche sur Rome d'octobre 1922, balaye ses hésitations et le convainc de saisir le pouvoir que le Roi Victor-Emmanuel III lui offre le 29 octobre.
Elle est ainsi l'un des fondateurs du fascisme et un élément majeur de son accession au pouvoir.
A la mort de son mari en 1924, elle quitte Milan pour Rome afin de se rapprocher de Mussolini & du siège du gouvernement, et publie en 1925 une biographie en anglais 'The Life of Benito Mussolini' que l'éditeur italien Mondadori publie en 1926 sous le titre 'Dux' (Chef en latin).
Le livre, un succès, est traduit en 17 langues.
C'est l'apogée du pouvoir politique de Margherita, nommée en 1925 vice-présidente de l'Exposition des arts décoratifs à Paris et promotrice des expositions de 1926 & 1927 célébrant le Novecento italien qu'elle a contribué à créer.
C'est le moment fascinant où le fascisme encourage à la fois l'avant-garde futuriste et une esthétique traditionnelle, émanation de l'esprit latin fondée sur le retour aux valeurs du classicisme antique qu'illustre la pureté des formes & l'harmonie dans la composition.
Après 'Dux', qui avait servi a façonné l'image internationale du dictateur fasciste comme le sauveur de l'Italie et l'héritier des Césars, Margherita publie en 1929 son unique roman, Il Palazzone.
En 1928, elle se convertit au catholicisme, bien que Mussolini ait toujours été
violemment anticlérical.
Progressivement son influence décline, à la faveur de changements personnels (rencontre de Mussolini et Clara Petacci en 1932) et politiques: l'influence de Hitler, que Margherita a vainement tenté de combattre, se renforce quand l'Italie quitte la SDN
en 1937.
Initialement réticent vàv des nazis (l'irrédentisme italien vise une partie de l'Autriche dont l'annexion par Hitler déclenche la fureur du Duce), l'absence de réaction franco-anglaise à l'impérialisme allemand le convainc de changer d'alliance.
Après l'éviction de la rédaction de Gerarchia en 1934, 1938 marque un tournant définitif. En septembre sont promulguées les lois raciales qui déclarent que les Juifs n'appartiennent plus officiellement au peuple italien et les excluent de la société italienne.
De nombreux scientifiques & intellectuels juifs touchés par ces mesures émigrent en Europe & aux États-Unis.
Margherita part à Paris en décembre 1938 puis au Portugal au déclenchement de la guerre, grâce à un passeport que Mussolini lui donne, et enfin en Amérique latine.
Elle passe le conflit entre l'Uruguay, l'Argentine & les USA et ne revient en Italie qu'en 1947, d'où sa sœur Nella et son beau-frère ont été déportés et sont morts à Auschwitz en 1944.
En 1955, elle publie ses mémoires 'Aqua Passata' sans exprimer de regret et s'éteint en 1961.
Intellectuelle brillante, femme passionnée, critique d'art avisée, marxiste convaincue puis fasciste militante pendant plus de 15 ans, Margherita Sarfatti demeure une image peu connue et pourtant fascinante d'un siècle riche en violence et en malheurs.
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