1/ L’Afrique est devenue une cible privilégiée des réseaux de désinformation. Fin mars, nous avons été la cible de l’un d’entre eux : le #GPCI. Dans ce fil, je vous explique les ressorts de cette entreprise d’intoxication et les acteurs qu'elle dissimule. (1/24)
2/ Tout commence quelques jours avant la publication de notre enquête sur les enfants tués dans un camp militaire au #BurkinaFaso. Après avoir transmis nos questions aux autorités burkinabè (restées sans réponse), un média confidentiel diffuse alors un article diffamatoire.
3/ Ce dernier nous accuse d’avoir reçu des «dizaines de milliers d’euros pour accepter de publier des déclarations mensongères sur des supposées exactions» et de faire de la «manipulation visant à déstabiliser le régime de transition». Le texte est largement diffusé sur WhatsApp.
4/ L’objectif est clair : décrédibiliser notre enquête avant sa sortie. Son auteur est inconnu au bataillon - un pseudo - mais ce média «La Nouvelle Lettre» est recensé sur le site du Groupe panafricain pour le commerce et l’investissement (GPCI), comme l’un de leurs partenaires.
5/ Cet article est suivi d’autres publications bourrées d’inventions diffamatoires. On retrouve les placards d’une certaine CCBTV, ou une publication d’Ibrahim Maïga, influenceur proche des putschistes burkinabè. A la sortie de notre enquête, le 27/03 les fake news s’accélèrent.
6/ C’est une vidéo qui enflamme les RS. Publiée le 01/04 par Wadjey’s TV elle accuse les autorités françaises et l’IRD de nous avoir fourni «de fortes sommes d’argent censées payer des leaders de la communauté peule pour faire des faux témoignages» et diffuser un «montage vidéo».
7/ La tentative d’intox n’est même pas crédible. Jamais nous n’avons publié la vidéo (trop violente), les témoignages ne sont jamais rémunérés et la pirouette pour inclure l’Institut de recherche et de développement (qualifié à tort d’ONG) ne fait aucun sens. Mais cela marche.
8/ Les correspondantes de Libération et du Monde, elles aussi cibles de la vidéo, interrogées la veille par la sécurité d’Etat, sont expulsées le 1er avril. La machine de désinformation faisant son oeuvre, de nombreux internautes se réjouissent de la réaction des autorités.
9/ Loin d’être des initiatives éditoriales de médias burkinabè indépendants, ces publications diffamatoires ont pour la plupart une origine commune. Elles sont le produit de pages et de sites d’actualités affiliés au Groupe panafricain pour le commerce et l’investissement (GPCI).
10/ Dirigé par Harouna Douamba, le GPCI se présente comme une «agence de performance numérique, spécialisée dans la communication politique, le marketing digital et en activation de contenu». C’est en réalité une officine versée dans le commerce d’influence et la désinformation.
11/ Harouna Douamba n’est pas inconnu. Ex conseiller du pouvoir centrafricain, cet influenceur a participé en 2018 à la campagne du Mouvement Cœurs Unis (MCU), le parti du président Touadéra. La même année, il organise la venue à Bangui du polémiste panafricain Kémi Seba.
12/ Selon @alleyesonwagner il aurait travaillé pour le Bureau information et communication (BIC), centre d’influence mis en place par #Wagner au sein de la présidence centrafricaine, spécialisé dans la diffusion de la propagande du régime et de la société militaire privée russe.
13/ Ses activités ont été liées par des chercheurs de Stanford à plusieurs campagnes de désinformation, dès 2020, visant à «dénigrer l’engagement de la France en RCA», «propager des allégations contre la Minusca», ainsi que «faire l’éloge du président Touadéra et de la Russie».
14/ La stratégie est simple. A travers son ONG Aimons Notre Afrique (ANA), il crée des médias factices par lesquels il diffuse des articles de lui ou ses collaborateurs sous pseudo, félicitant la Russie pour une livraison d’armes ou accusant la France de soutenir les rebelles.
15/ Cette usine à fake news fournit à ses clients articles orientés selon un narratif politique et commentaires taillés sur mesure par une armée d’avatars apocryphes, des trolls, tactique sortant tout droit du manuel Wagner. Mais ces campagnes ne passent pas inaperçues.
16/ Le 6 mai 2021, Facebook, supprime 32 pages, 46 profils, et 6 comptes Instagram opérés par des individus du réseau ANA, «en raison d’un comportement inauthentique coordonné». Depuis 2017, Facebook a démantelé ainsi 200 opérations d’influence dans le monde.
17/ Le démantèlement de son réseau ne décourage pas Harouna Douamaba qui crée en 2022 le GPCI. Il reprend l’infrastructure d’ANA et ses dizaines de faux médias, se basant cette fois-ci au Togo et au Maroc, avec l’objectif d’étendre ses opérations d’influence dans le monde arabe.
18/ Suite aux deux coups d’Etat successifs qui ont fragilisé les institutions du #BurkinaFaso en 2022 - attisant l’intérêt de Wagner sur les marchés minier et sécuritaire - les infox ciblant les journalistes, les défenseurs des DH et les opposants aux putschistes se multiplient.
19/ Derrière une partie de ces campagnes, on retrouve le GPCI. Si les commanditaires restent inconnus, regardons à qui bénéficient ces campagnes pro-junte et pro-russe. On découvre qu’ANA a été financée auparavant par Lobaye Invest, société historique de Wagner en Centrafrique.
20/ D’autres éléments pointent vers les autorités de transition et les services burkinabè. L’information fuitée sur notre enquête en cours ou par ex. cet article qui assure de la bonne entente entre le chef du renseignement et le président, au moment où celle-ci est contestée.
21/ Quelques jours après la campagne de désinformation nous ciblant, Facebook a supprimé, à nouveau, les pages des médias factices d’Harouna Douamba. Contacté, Meta confirme avoir identifié les pages du GPCI en début d’année, avant de procéder à leur suppression récente.
22/ La pression s’intensifiant, le GPCI tente d’effacer ses traces. Toute mention de M. Douamba et de Wadjey’s TV ont été retirées de leur site. Mais les têtes de l’hydre repoussent vite. Aujourd’hui, on retrouve déjà de nouvelles pages attribuées au GPCI sur Facebook.
23/ La solution ne viendra pas de Californie mais d’Afrique. Diffamés par cette même vidéo, des journalistes burkinabè, appuyés par des avocats, ont décidé de déposer plainte au Burkina Faso et au Togo, afin d’attraire en justice les auteurs de ces campagnes de désinformation.
24/ Vous pouvez lire l'intégralité de notre enquête complète sur le réseau GPCI ici : liberation.fr/international/…
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