Matteo Maillard Profile picture
Apr 21, 2023 24 tweets 11 min read Read on X
1/ L’Afrique est devenue une cible privilégiée des réseaux de désinformation. Fin mars, nous avons été la cible de l’un d’entre eux : le #GPCI. Dans ce fil, je vous explique les ressorts de cette entreprise d’intoxication et les acteurs qu'elle dissimule. (1/24) Image
2/ Tout commence quelques jours avant la publication de notre enquête sur les enfants tués dans un camp militaire au #BurkinaFaso. Après avoir transmis nos questions aux autorités burkinabè (restées sans réponse), un média confidentiel diffuse alors un article diffamatoire. Image
3/ Ce dernier nous accuse d’avoir reçu des «dizaines de milliers d’euros pour accepter de publier des déclarations mensongères sur des supposées exactions» et de faire de la «manipulation visant à déstabiliser le régime de transition». Le texte est largement diffusé sur WhatsApp. Image
4/ L’objectif est clair : décrédibiliser notre enquête avant sa sortie. Son auteur est inconnu au bataillon - un pseudo - mais ce média «La Nouvelle Lettre» est recensé sur le site du Groupe panafricain pour le commerce et l’investissement (GPCI), comme l’un de leurs partenaires. Image
5/ Cet article est suivi d’autres publications bourrées d’inventions diffamatoires. On retrouve les placards d’une certaine CCBTV, ou une publication d’Ibrahim Maïga, influenceur proche des putschistes burkinabè. A la sortie de notre enquête, le 27/03 les fake news s’accélèrent. ImageImageImage
6/ C’est une vidéo qui enflamme les RS. Publiée le 01/04 par Wadjey’s TV elle accuse les autorités françaises et l’IRD de nous avoir fourni «de fortes sommes d’argent censées payer des leaders de la communauté peule pour faire des faux témoignages» et diffuser un «montage vidéo». Image
7/ La tentative d’intox n’est même pas crédible. Jamais nous n’avons publié la vidéo (trop violente), les témoignages ne sont jamais rémunérés et la pirouette pour inclure l’Institut de recherche et de développement (qualifié à tort d’ONG) ne fait aucun sens. Mais cela marche. Image
8/ Les correspondantes de Libération et du Monde, elles aussi cibles de la vidéo, interrogées la veille par la sécurité d’Etat, sont expulsées le 1er avril. La machine de désinformation faisant son oeuvre, de nombreux internautes se réjouissent de la réaction des autorités.
9/ Loin d’être des initiatives éditoriales de médias burkinabè indépendants, ces publications diffamatoires ont pour la plupart une origine commune. Elles sont le produit de pages et de sites d’actualités affiliés au Groupe panafricain pour le commerce et l’investissement (GPCI). Image
10/ Dirigé par Harouna Douamba, le GPCI se présente comme une «agence de performance numérique, spécialisée dans la communication politique, le marketing digital et en activation de contenu». C’est en réalité une officine versée dans le commerce d’influence et la désinformation.
11/ Harouna Douamba n’est pas inconnu. Ex conseiller du pouvoir centrafricain, cet influenceur a participé en 2018 à la campagne du Mouvement Cœurs Unis (MCU), le parti du président Touadéra. La même année, il organise la venue à Bangui du polémiste panafricain Kémi Seba. Image
12/ Selon @alleyesonwagner il aurait travaillé pour le Bureau information et communication (BIC), centre d’influence mis en place par #Wagner au sein de la présidence centrafricaine, spécialisé dans la diffusion de la propagande du régime et de la société militaire privée russe. Image
13/ Ses activités ont été liées par des chercheurs de Stanford à plusieurs campagnes de désinformation, dès 2020, visant à «dénigrer l’engagement de la France en RCA», «propager des allégations contre la Minusca», ainsi que «faire l’éloge du président Touadéra et de la Russie». Image
14/ La stratégie est simple. A travers son ONG Aimons Notre Afrique (ANA), il crée des médias factices par lesquels il diffuse des articles de lui ou ses collaborateurs sous pseudo, félicitant la Russie pour une livraison d’armes ou accusant la France de soutenir les rebelles. ImageImageImageImage
15/ Cette usine à fake news fournit à ses clients articles orientés selon un narratif politique et commentaires taillés sur mesure par une armée d’avatars apocryphes, des trolls, tactique sortant tout droit du manuel Wagner. Mais ces campagnes ne passent pas inaperçues. ImageImageImage
16/ Le 6 mai 2021, Facebook, supprime 32 pages, 46 profils, et 6 comptes Instagram opérés par des individus du réseau ANA, «en raison d’un comportement inauthentique coordonné». Depuis 2017, Facebook a démantelé ainsi 200 opérations d’influence dans le monde.
17/ Le démantèlement de son réseau ne décourage pas Harouna Douamaba qui crée en 2022 le GPCI. Il reprend l’infrastructure d’ANA et ses dizaines de faux médias, se basant cette fois-ci au Togo et au Maroc, avec l’objectif d’étendre ses opérations d’influence dans le monde arabe. ImageImage
18/ Suite aux deux coups d’Etat successifs qui ont fragilisé les institutions du #BurkinaFaso en 2022 - attisant l’intérêt de Wagner sur les marchés minier et sécuritaire - les infox ciblant les journalistes, les défenseurs des DH et les opposants aux putschistes se multiplient.
19/ Derrière une partie de ces campagnes, on retrouve le GPCI. Si les commanditaires restent inconnus, regardons à qui bénéficient ces campagnes pro-junte et pro-russe. On découvre qu’ANA a été financée auparavant par Lobaye Invest, société historique de Wagner en Centrafrique.
20/ D’autres éléments pointent vers les autorités de transition et les services burkinabè. L’information fuitée sur notre enquête en cours ou par ex. cet article qui assure de la bonne entente entre le chef du renseignement et le président, au moment où celle-ci est contestée. Image
21/ Quelques jours après la campagne de désinformation nous ciblant, Facebook a supprimé, à nouveau, les pages des médias factices d’Harouna Douamba. Contacté, Meta confirme avoir identifié les pages du GPCI en début d’année, avant de procéder à leur suppression récente. ImageImageImage
22/ La pression s’intensifiant, le GPCI tente d’effacer ses traces. Toute mention de M. Douamba et de Wadjey’s TV ont été retirées de leur site. Mais les têtes de l’hydre repoussent vite. Aujourd’hui, on retrouve déjà de nouvelles pages attribuées au GPCI sur Facebook.
23/ La solution ne viendra pas de Californie mais d’Afrique. Diffamés par cette même vidéo, des journalistes burkinabè, appuyés par des avocats, ont décidé de déposer plainte au Burkina Faso et au Togo, afin d’attraire en justice les auteurs de ces campagnes de désinformation.
24/ Vous pouvez lire l'intégralité de notre enquête complète sur le réseau GPCI ici : liberation.fr/international/…

• • •

Missing some Tweet in this thread? You can try to force a refresh
 

Keep Current with Matteo Maillard

Matteo Maillard Profile picture

Stay in touch and get notified when new unrolls are available from this author!

Read all threads

This Thread may be Removed Anytime!

PDF

Twitter may remove this content at anytime! Save it as PDF for later use!

Try unrolling a thread yourself!

how to unroll video
  1. Follow @ThreadReaderApp to mention us!

  2. From a Twitter thread mention us with a keyword "unroll"
@threadreaderapp unroll

Practice here first or read more on our help page!

More from @matteomaillard

Mar 29, 2023
1/ Notre enquête sur les enfants tués dans un camp militaire au #BurkinaFaso a fait réagir. Suite au communiqué du gouvernement et à certains articles de presse, il est important d’apporter quelques éclaircissements sur les faits soulevés par notre investigation.
2/ Dans son long communiqué, le gouvernement burkinabè ne dément aucun fait, ne contredit aucun des éléments de preuves que nous exposons. Il ne sert que des attaques ad personam visant à nous discréditer plutôt que de parler des faits, détaillés dans le fil ci-dessous.
3/ Cette vidéo d’1m23 reçue le 14 février montre 7 victimes, des enfants et des adolescents, qui sont ligotés au sol. La plupart ont le visage bâillonné et ne respirent plus. Certains saignent de la tête. L’homme qui filme les menace : «celui qui va bouger seulement, on le tue».
Read 16 tweets
Oct 1, 2022
1/ Les nouveaux putschistes du #BurkinaFaso n’ont toujours pas mis la main sur Damiba et accusent la France de le cacher dans leur base, ce que démentent des officiels français. On peut craindre un dérapage si les putschistes s’attaquent à la base des forces spéciales de Sabre.
2/ Intéressant aussi, mais pas surprenant, que les putschistes annoncent vouloir aller «vers d’autres partenaires». Depuis quelques mois déjà, #Wagner et le Kremlin tentent de se rapprocher de Damiba, sans succès. Le colonel ayant vu les résultats de cette collaboration au #Mali
3/ S’il est trop tôt pour affirmer que cette tentative de coup a été préparée avec un appui russe, l’apparition concomitante d’une campagne de désinformation pro russe sur les RS, dès les premiers tirs, et les messages annonciateurs des influenceurs du Kremlin, sont suspects.👇 ImageImageImageImage
Read 15 tweets
Jul 22, 2022
1/ Une attaque coordonnée a visé ce matin le camp de Kati aux portes de #Bamako. Des tirs de roquettes, d’obus et au moins un véhicule kamikaze ont été utilisés. Le bilan est incertain. C’est la 1ère fois depuis 2017 qu’une attaque terroriste frappe si près de la capitale #Mali
2/ La veille, six attaques coordonnées ont visé des bases de l’armée malienne à Sogou, Kolokani, Douentza, Bapho, Sévaré. L’hypothèse la plus probable est que le JNIM, groupe lié à Al Qaida, soit à l’origine de cette opération d’envergure. #Mali
3/ Une façon pour ce groupe terroriste, l’un des deux plus puissants du #Mali de réaffirmer ses capacités d’action, suite à l’opération militaire malienne Kélétigui dans le centre du pays. Une opération sous le feu des projecteurs suite au massacre de #Moura
Read 5 tweets
Feb 8, 2022
1/ Hier, le premier ministre malien a présidé une réunion d’échanges avec le corps diplomatique au #Mali. Il y a tenu un discours fleuve, éclairant son projet politique souverainiste et communiquant ses doléances. Un texte intéressant à plusieurs égards. facebook.com/www.primature.…
2/ Dans une tradition "choguelienne" c’est un discours attraction-répulsion. Affirmer la rupture en évitant l'isolement. Dénoncer l’inhumanité des décisions des partenaires, tout en se préservant d’un divorce complet. Alimenter la brouille, puis solliciter l’aide extérieure.
3/ L’accusation est portée vers l’extérieur, appuyée par des insinuations complotistes : "l'agenda caché de puissances extra-africaines". "Des ordres venus d'une puissance étrangère". On pointe sans nommer la France, en lui adressant quelques piques bien senties.
Read 14 tweets
Jan 25, 2022
1/ Histoire d'un imbroglio : Hier, les autorités maliennes ont exigé le retrait immédiat du contingent danois de la force #Takuba, qui selon eux serait entré au #Mali sans "consentement" et sans "protocole additionnel" qui aurait dû mener à un accord bilatéral. Image
2/ Le ministère des Affaires étrangères danois répond en développant le long calendrier diplomatique des échanges et accords successifs quant au déploiement de ce contingent. La contribution danoise à #Takuba aurait été approuvée par le gouv d'IBK et celui de transition. ImageImageImage
3/ Autre élément attestant la position danoise, la délivrance d'autorisations de survol pour le déploiement du contingent, accordées par le ministère malien de la Défense et le ministère des Transports. Les permis couvrent la période allant du 16 au 26 janvier 2022.
Read 20 tweets

Did Thread Reader help you today?

Support us! We are indie developers!


This site is made by just two indie developers on a laptop doing marketing, support and development! Read more about the story.

Become a Premium Member ($3/month or $30/year) and get exclusive features!

Become Premium

Don't want to be a Premium member but still want to support us?

Make a small donation by buying us coffee ($5) or help with server cost ($10)

Donate via Paypal

Or Donate anonymously using crypto!

Ethereum

0xfe58350B80634f60Fa6Dc149a72b4DFbc17D341E copy

Bitcoin

3ATGMxNzCUFzxpMCHL5sWSt4DVtS8UqXpi copy

Thank you for your support!

Follow Us!

:(