Vous avez déjà probablement croisé les petits chapeaux jaunes de Linaria vulgaris : la Linaire commune, sauvage ou vulgaire comme vous préférerez. On la trouve quasiment partout en France au point qu'on l'ignore... et pourtant, il y a de grandes histoires à son sujet ! #PDJ152
La fleur a une symétrie irrégulière, avec une lèvre supérieure et une lèvre inférieure finie en éperon, que seule le poids d'un bourdon astucieusement attiré par des glandes odorantes peut abaisser suffisamment pour accéder au pollen et au nectar.
Pour vous donner un peu de vocabulaire botanique, on dit qu'une fleur irrégulière, avec un seul axe de symétrie est "zygomorphe", tandis qu'une fleur dont la symétrie serait radiale est dite "actinomorphe"
En 1742, un étudiant suédois de l'Université d'Uppsala, en visite sur l'archipel de Roslagen, ramène un spécimen étrange dans son herbier. La plante ressemble à une linaire commune... mais la fleur a une symétrie radiale à 5 éperons au lieu d'avoir une symétrie bilatérale !
L'herbier parvient au célèbre Carl Von Linné. Rappelons qu'il est l'instigateur de la nomenclature binomiale attribuant à chaque organisme un nom de genre, et un nom d'espèce, le tout en latin, pour que les naturalistes du monde entier puissent savoir de quoi ils causent.
Linné est choqué. Il pense d'abord à une espèce tropicale. Etant un naturaliste du genre fixiste (Dieu a créé tous les organismes tels qu'ils sont et rien ne changera jamais), il se voit obligé de créer une nouvelle boîte pour ranger cette anomalie, et la nomme "Peloria"
Pelor signifie "monstre" en grec. Une boîte bien pratique pour ranger toutes les "anomalies" à une époque où l'on n'envisage pas encore (ou très mal) le concept de gènes, de mutation, ou d'évolution...
Mais manque de bol pour la classification fixiste, cette fleur "monstrueuse" est bien une Linaire commune. Le cas perturbe des générations de naturalistes, philosophes, scientifiques : Darwin, Goethe, De Vries...
Tous se penchent sur ce cas de "pélorie", terme botanique qui est resté depuis la création du genre "Peloria" pour désigner le passage d'une symétrie irrégulière à une symétrie régulière et qui se produite chez d'autres plantes.
Malgré leurs tentatives pour expliquer cette variation (gènes, évolution, hérédité...), il faudra attendre 250 ans après sa première description pour éclaircir le mystère de la Linaire pélorique de façon expérimentale.
L'explication vient évidemment de l'ADN, le support de l'information génétique. Avant de continuer mon histoire, je dois donc faire quelques rappels sur quelques concepts de base de biologie moléculaire et de génétique.
L'ADN est constitué de quatre molécules, quatre briques chimiques qui s'enchaînent les unes les autres dans un ordre précis : la cytosine, la guanine, la thymidine et l'adénine. On les appelle les nucléotides.
Ces enchaînements de nucléotides peuvent ou pas être porteurs d'information. Les portions dites "codantes" s'appellent les gènes et portent l'information pour fabriquer une protéine, protéine qui va avoir une fonction dans l'organisme. En schéma ça donne ça.
Chaque gène a un début et une fin, et la région qui va permettre de débuter la lecture s'appelle un promoteur, une portion d'ADN qui va permettre la fixation d'une machinerie de protéines permettant la lecture du gène.
En 1999, une équipe de chercheurs démontre que le pélorisme chez la digitale pourpre est du à un gène, le gène cycloidea (ou cyc). Ce gène code pour un facteur de transcription, c'est à dire une protéine qui va permettre la lecture de l'information génétique dans nos cellules.
Lorsque ce facteur de transcription n'est plus exprimé, les gènes responsables du développement de la fleur ne sont plus lus correctement, ce qui provoque un développement "anormal" des pétales (par rapport au développement ordinaire) et change la symétrie de la fleur.
Comme les chercheurs s'inspirent beaucoup les uns les autres (et heureusement), une autre équipe décide de regarder si la Linaire pélorique a aussi une mutation dans le gène équivalent à cycloidea chez la digitale. Ce gène s'appelle Lcyc chez la linaire.
Je ne vais pas m'étendre sur le principe, mais sachez qu'il est possible d'avoir accès à la séquence très exacte des nucléotides dans les gènes et les promoteurs, grâce à la méthode du "séquençage".
Une vidéo en français si vous voulez creuser :
Et là surprise. En séquençant le gène Lcyc de la plante pélorique... aucune différence avec la plante normale. En revanche, ils détectent une différence ailleurs. Sur les cytosines peut, de temps en temps être apposé un petit groupement chimique : le groupement méthyle.
On parle de "méthylation de l'ADN". Et le gène Lcyc se trouve être fortement méthylé dans le variant pélorique. Qu'est ce que cela signifie ? En encombrant le promoteur et en favorisant la compaction de l'ADN, cela empêche la lecture du gène par les facteurs de transcription.
Résultat, c'est comme un interrupteur : le gène Lcyc est intact mais ne s'exprime pas pour autant. Il est "éteint", ce qui empêche le retard du développement de la partie supérieure du bourgeon floral et qui se soldera par une symétrie radiale.
Cette modification peut se transmettre à la descendance, mais n'altère pas la séquence du gène. Elle est d'ailleurs réversible, et différents niveaux de méthylation du gène provoquent différents niveaux d'expression du gène Lcyc, et différents résultats dans la descendance.
On est là en présence d'un cas d'école de ce que l'on appelle l'"épigénétique" : une variation du niveau d'expression des gènes, potentiellement transmissible, mais qui ne passe pas par une modification de la séquence du gène en elle même !
De la même façon qu'avec quatre ingrédients, vous pouvez faire un tas de recettes - à partir d'un ensemble de gènes identique dans chaque cellule, vous pouvez recréer l'intégralité d'un organisme en changeant seulement l'expression d'un sous ensemble. Cool, non ?
Hier devant le jardin botanique de #Strasbourg, deux jeunes personnes passent derrière moi et discutent entre eux :
- "Je comprends pas pourquoi les gens s'arrêtent pour prendre des photos là"
- "Peut-être qu'ils aiment prendre en photo rien".
Je suis sûrement biaisée, mais quel spectacle plus magnifique que les parterres de fleurs au printemps ? Ces Eranthes d'hiver ou helleborines (Eranthus hyemalis) étincelaient au soleil.
Ces jeunes personnes ne peuvent donc pas concevoir qu'on puisse apprécier regarder des fleurs. Elles ne savent pas qu'elles sont de la famille du bouton d'or (les renonculacées)...
#PDJ181 - Saviez-vous que certaines plantes carnivores utilisent des pièges à nasse ? Ce sont des pièges dont on peut rentrer... mais jamais sortir. Aujourd'hui je vous parle du genre Genlisea. (Photo : Wikicommons, Denis Barthel)
On trouve dans ce genre une vingtaine d'espèces, réparties entre l'Afrique du Sud et l'Amérique Centrale/Sud. En 2020, les botanistes ont encore découvert une nouvelle espèce : Genlisea hawkingii, nommée en l'honneur du physicien Stephen hawking. journals.plos.org/plosone/articl…
En termes évolutifs, le genre fait partie de la famille des Lentibulariaceae, dans laquelle on retrouve d'autres plantes carnivores comme les utriculaires ou les pinguicuila (ou grassettes)
Le programme du colloque s'annonce passionnant ! #NosSoeursLesPlantes
Dans le hall vous pouvez également profiter d'une exposition photographique : les contributions sont magnifiques ! 🤩
Pour celles et ceux qui ne peuvent pas être présents, sachez que toutes les conférences sont rediffusées ! #NosSoeursLesPlantes
#PDJ174 Attention, accrochez-vous. La grande famille des plantes carnivores a un nouveau membre. Permettez moi de vous présenter l'incroyable Triantha occidentalis.
📷 Marlin Harms - Wikicommons
La nouvelle est parue publiquement dans le journal PNAS, dans un article signé par des équipes canadiennes et américaines pnas.org/content/118/33…
La plante est munie de poils glandulaires collants, à l'instar des Drosera et piège mouches et petits scarabées, à proximité de ses fleurs.
#PDJ169 Aujourd'hui pour votre #MondayMotivation, on va parler de #cafe, une plante de la famille des Rubiacées. Mais un café un peu particulier... qui sort tout droit de l'anus d'un petit mammifère ! Je compte sur vous pour partager cette anecdote incroyable.
Les caféiers comptent nombreuses espèces et variétés, dont vous connaissez aux moins les deux plus répandues : Coffea arabica (l'arabica) et Coffea canephora (le robusta). (Source image : brewersclub.co/coffee-varieti…)
Si l'arabica est plus connu et plus répandu dans le monde, le robusta contient plus de caféine, est plus résistant et plus facile à cultiver, donc moins cher. Importé en 1857 par les français au Vietnam, le pays produit désormais près de 2 millions de tonnes de robusta par an.
#PDJ154 "C'est toi la Cistanche". Ca sonne comme une insulte, mais non. Ca fait juste référence à une plante parasite originaire de Chine qui s'est répandue dans toute l'Asie et la péninsule arabique. Aussi surnommée "Jacinthe du désert", il faut admettre qu'elle a de l'allure.
Exclusivement cantonnée à des régions très arides, elle ne pointe le bout de son nez que pour se reproduire. Les fleurs émergent, sont pollinisées par des mouches et produisent des capsules contenant la nouvelle génération de parasites.
Elle a de l'allure, certes... mais pas de chlorophylle ! Pour survivre, elle doit parasiter une les racines d'une autre plante pour lui voler de l'eau et des nutriments. Dépendant complètement de sa plante hôte, on dit qu'elle est "holoparasite".