Gand (Belgique), plus grand piétonnier commercial de Flandre. Depuis la mise en place du nouveau plan de circulation il y a 15 mois, le transit automobile est devenu impossible sur 50 hectares. Résultat : dans les rues résidentielles, le nombre de voitures a chuté de 58%. Thread. 
En 1996-1997, Gand avait déjà créé un premier plateau piétonnier de 35 hectares pour mettre fin à des problèmes persistants de congestion dans l'hypercentre, sécuriser les déplacements des piétons et des cyclistes, réaffirmer la vocation touristique et commerciale de la ville.
Élu en 1995, le maire Frank Beke et son équipe estimaient que la création de cette première zone à circulation restreinte (la plus grande en superficie en Europe à l'époque) aurait des effets positifs sur la qualité de vie, l'environnement, l'économie et le tourisme. Pari gagné.
Le plan de circulation de 1997 était accompagné de mesures d'incitation à l'usage des parkings souterrains situés tout autour de la zone. Le nombre de places libres était indiqué sur des panneaux numériques, dispositif complété en 2011 par un système de guidage plus flexible.
Des mesures à large échelle ont été imaginés pour encourager les changements de comportements, et favoriser le report vers les transports en commun, le vélo, le covoiture. Dont des aménagements spéciaux, par exemple de nouvelles passerelles piétons / vélos au-dessus des canaux.
L'initiative de Gand a été scruté avec intérêt partout en Europe. Elle a montré qu'une zone à circulation restreinte ambitieuse pouvait avoir des effets très positifs, recueillir une bonne acceptabilité publique grâce notamment à une communication spécifique pour les commerçants.
@filipwatteeuw, l'adjoint à la mobilité du bourgmestre, en a tiré un bilan : "Ce qui s'est passé alors est très important pour maintenant. Pour la première fois, les Gantois ont vu ce qui pourrait arriver si vous opérez un changement pour les habitants et pas pour les voitures".
Vingt ans plus tard, en 2015, désormais doté d'un plan pour la qualité de l'air et d'autres programmes environnementaux, Gand décide d'aller plus loin et de voter un "sustainable urban mobility plan" (SUMP), intégrant une réorganisation des parkings et de la circulation.
Le nouveau plan de circulation, officiellement lancé le 3 avril 2017 après une longue campagne de communication et de pédagogie, vise à élargir la zone à circulation restreinte de 15 hectares supplémentaires, de manière à donner davantage d'espace aux piétons et aux cyclistes.
Le zone sans trafic de transit est passé en une nuit à 51 hectares. Il est évidemment impossible d'entrer dans la zone sans autorisation. Le centre-ville, entourant cette zone, est divisée en six sections, accessibles uniquement par les grands boulevards intérieurs.
Le trafic qui n'a pas lieu d'être dans la ville-centre est complètement reporté sur ces boulevards. Des rues ont été coupées pour rendre impossible le passage direct d'un secteur à un autre, et des caméras connectés au système de reconnaissance des plaques d'immatriculation.
A sept endroits, les rues fermées vont de paire avec une requalification complète. Leur nouveau design sera évalué dans 5 à 10 ans de manière à pouvoir dresser un bilan exhaustif des points positifs et négatifs, avant d'évoluer vers l'aménagement définitif.
En raison de l'impact important sur la circulation dans l'ensemble de la ville, des mesures d'accompagnement ont été décidées : doublement du nombre de parkings relais (de 7 à 16, 2440 places au total), agrandissement du parc de vélos partagés, nouvelle navette électrique.
En parallèle, les zones de stationnement parking payant en surface se sont multipliées, les tarifs ont augmenté et les parkings pour les résidents étendus. La règle générale : plus les parkings sont près du centre, plus les tarifs sont bas, ce qui profite à l'usage des TC.
Les 3/4 des habitants se sont déclarés favorables à ce projet, mais les oppositions ont été néanmoins très vives, comme il y a 20 ans. Le nouveau plan a nécessité des mois, des années d'effort pour expliquer, détailler, écouter les doléances, préparer la population au changement.
La ville expérimente avec des habitants volontaires des projets de "rues vivantes", qui donnent la possibilité de regagner de l'espace au détriment de la voiture et au profit de la vie locale et des enfants : 18 zones en 2016, réparties dans différents quartiers résidentiels.
Le plan, inspiré de celui imaginé par l'élu Max Van der Berg pour Groningue en 1977, a eu des effets tout aussi saisissants : le trafic de transit représentait 40% du trafic à l'heure de pointe avant le nouveau plan. En un an, le trafic sur les grands boulevards a diminué de 29%
L'usage du vélo, dans le même temps, a progressé de 25%, un record. Les TC enregistrent une progression de fréquentation de 8%. 6 personnes sur 10. Globalement, le trafic automobile à Gand a diminué de 12%, un chiffre qui ferait pâlir beaucoup de villes européennes.
Le nombre d'accidents de la route a diminué de 25% selon la police. En dehors du ring routier, un plan de construction d'aménagements cyclables est prévu pour améliorer l'accessibilité depuis la couronne. Gand est ainsi promis à devenir l'une des grandes villes cyclables d'Europe
Morale : en à peine quelques années, avec un budget finalement modeste, et en s'appuyant sur un plan cohérent, complet, ambitieux, assumé et expliqué, il est possible de bouleverser la situation modale et le système de déplacements d'une ville de 250 000 habitants.
