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Sep 27, 2018 35 tweets 7 min read Read on X
Le procès de Lotfi et Karim S., père et fils, débute devant la 16e chambre du tribunal correctionnel de Paris pour être allés ensemble en Syrie, avoir travaillé pour l'EI et être rentrés en France, possiblement pour y commettre un attentat.
Le père, Lotfi, emmené a en fait emmené ses deux fils, à l'époque âgés de 15 et 18 ans, rejoindre les rangs de l'état islamique. Le plus jeune des fils, mineur à l'époque, sera jugé le 16 octobre devant un tribunal pour enfants.
La présidente tient à faire une mise au point : l'essentiel de l'audience ne sera pas consacré à un projet d'attentat contre la tour Eiffel comme elle a pu le lire dans la presse, mais à leur séjour en Syrie, leur retour, ainsi que ce qui a été retrouvé dans leur ordinateur.
En l'occurrence, ce qui a été trouvé dans leur ordinateur sont : des manuels de fabrication d'explosifs, des simulations de vol de Boeing ainsi que des photos aériennes de la tour Eiffel et du pont de l'Alma.
Dans ce dossier également, un absent : Anass Belloum, parti en Syrie en avril 2013 et vraisemblablement tué au combat quelques mois plus tard à Raqqa.
Mais, comme elle le fait habituellement, la justice antiterroriste juge également ceux qui sont supposés morts en Syrie, du moins tant qu'elle n'a pas la preuve formelle du décès.
C'est la mère de Karim et son frère, divorcée de leur père pour violences conjugales, qui signalent leur disparition en octobre 2013.
Les enquêteurs trouveront l'appartement du père totalement vide.
Depuis la Syrie, Karim finira par envoyer un message à mère : "nous sommes partis là-bas car c'est une obligation. Nous te conseillons de ne pas en parler à la police pour ne pas t'attirer d'ennui."
Selon la mère également, ses deux fils avaient une certaine admiration pour Mohamed #Merah (qui a perpétré les attentats de Toulouse et Montauban en mars 2012).
Le père et ses deux fils repassent la frontière turco-syrienne en mai 2015. Ils sont alors expulsés vers la France. Sur eux, près de 12 000 euros en liquide ainsi que deux ordinateurs.
Karim S. se lève pour répondre aux questions du tribunal. Large carrure, chemise blanche, barbe taillée. Il rappelle qu'il a obtenu un bac S avec mention, puis a "passé un cours moment à l'université en math-physique". Après, "je suis parti en Syrie."
Ses parents divorcent alors qu'il est en CE1. Après une période de garde alternée, "avec mon frère, on a décidé qu'on passait pas assez de temps chez mon père. Il nous manquait."
Karim S. décrit son père comme quelqu'un "d'irréprochable". "C'était lui qui nous donnait les bases, le cadre."
Son père, lui, est assis à ses côtés dans le box des prévenus.
Karim S. se qualifie de "musulman modéré" : "je ne séchais pas des cours pour aller faire la prière."
Karim S. s'exprime très clairement et calmement. Aujourd'hui, dans le box, il dit avoir été "surpris de l'endurance de Mohamed Merah" pendant les 48 heures qu'a duré le siège de son appartement par le Raid.
La présidente : "vous êtes étudiant, dans une famille où sa se passe plutôt bien. Qu’est-ce qui fait que vous allez partir?”
Karim S. : “j’avais envie de rejoindre Anass [son meilleur ami]. Je regardais des vidéos de bombardement. J’ai été pris d’empathie …”
En Syrie, Karim S. explique avoir été, avec son frère, "capturé par l'état islamique et emprisonné pendant deux semaines". Son père les aurait ensuite fait libérer. "A ce moment-là, on était parties intégrantes de l'état islamique".
Petite pause dans ce LT ... avant un direct dans le journal de 18h de @franceinter
@franceinter Karim S. est toujours entendu par le tribunal. Il s'explique sur les simulations de vol et d'atterrissage retrouvés dans l'ordinateur familial : "depuis que je suis en primaire, je suis passionné par tous les jeux de simulation possible."
@franceinter Karim S. : "je voudrais désamorcer la bombe qu'ont fait les médias" ajoute-t-il au sujet des possibles projets d'attentats évoqués dans la presse.
@franceinter La présidente revient sur des propos tenus en prison : "il faut que ça cesse, il s'agit d'un 1er avertissement, Vous allez voir au nom d'Allah, vous allez tous le payer, même dans l'au-delà".
Aujourd'hui, Karim S. l'explique par ses conditions de détention difficiles, dit-il.
@franceinter Karim S. sur sa détention : "quand on est qualifié de terroriste islamiste, même pour aller à l'infirmerie c'est la bataille".
"Et quand vous sortirez?" l'interroge la présidente
-"Je voudrais reprendre là où j'ai arrêté ..."
@franceinter Procureure : "vous vouliez aller en Syrie pour combattre?"
Karim S. : "c'était pas l'idée première, mais forcément en zone de guerre, il y a un moment où il faudra passer au combat. Je ne vais pas vous sortir la disquette de l'humanitaire."
@franceinter Des notes de traduction de français à l'arabe sont retrouvés dans les documents de la famille. Par exemple : "ceinture explosive"
Karim S. : "c'est pas tout à fait étonnant de devoir dire "voiture piégée", kamikaze". En Syrie, c'est des mots-clés, importants."
@franceinter Karim S. après avoir d'abord critiqué ses conditions détention : "il y a la douche dans ma cellule, le lait chocolaté le matin, j'ai la télé avec Canal +. Je suis en France, je vais me la couler douce en détention."
Karim S. : "Internet c'est malheureusement pas la bonne chose pour apprendre sa religion. Je me suis laissé prendre. Mais en fait c'est pas compatible avec l'Islam en France."
Karim S. : "j'ai dévié. J'ai pris compte de mes dérives. Tous les jours j'essaie de m'en détacher, de me détacher des racines du mal et de ses branches ..."
Place à l'audition de Lotfi S., parti avec ses deux fils en Syrie et devenu directeur général des telecoms pour l'état islamique.
Aujourd'hui, il explique être diplômé en informatique et avoir appris les telecoms en autodidacte.
Lotfi S. est donc titulaire d'un master en informatique et d'un doctorat en "NGM". Il a également donné des cours en école d'ingénieur.
Lotfi S. explique avoir récupéré la garde de ses fils lorsque le plus jeune avait 2 ans 1/2 : "je travaillais le soir en télétravail pour pouvoir le récupérer à la garderie à 18h. Mes enfants c’est ma préoccupation, le centre de ma vie."
Ce moment où, depuis le box, Lotfi S. cite de mémoire des pièces du dossier (avec les numéros de cotes) : "en D117, il a dit ...", "en D121, il dit ..."
Lotfi S. explique maintenant comment il piratait l'ordinateur de son fils Karim, assis à côté de lui dans le box. "Oui, bien sûr, j'avais une connexion wifi https, je voyais en direct ce qu'il écrivait".
C'est ainsi qu'il a compris que son fils s'intéressait à l'état islamique.
La présidente, légèrement agacée à 19h41 : "je vous interromps parce que je me pose une question : est-ce que vous ne seriez pas en train de noyer le poisson?"
Lotfi S. : "j'ai jamais voulu entrer en Syrie. J'étais en Turquie et j'ai juste répondu à une invitation. Puis, on était dans un pick-up, il roulait à 180 km/h. A peine "bonjour, ça va, ça va et on était à Raqqa"."
L'audience est suspendue pour aujourd'hui. Elle reprendra demain à 14 heures avec la suite de l'interrogatoire de Lotfi S.

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Mar 28
Palais de justice de Paris, salle Diderot.
Au procès dit du #VioleurdeTinder l'heure est au réquisitoire de l'avocat général, Philippe Courroye.
Rappelons que Salim Berrada est jugé pour 17 viols et agressions sexuelles et encourt 20 ans de réclusion.
"Vous les avez vues, entendues. Vous avez entendu le récit des viols et des agressions sexuelles subies par ces 17 victimes. Vous avez vu ici, à cette barre, celles qui ont eu la force de venir raconter leurs souillures", entame l'avocat général dans son réquisitoire.
"Et lui, les a-t-il seulement vues, entendues ? La question se pose tellement, tout au long de cette audience est resté imperturpable, comme bunkérisé dans le béton de ses dénégations", poursuit l'avocat général.
Read 25 tweets
Mar 27
Bonjour à tous,
De retour salle Diderot au palais de justice de Paris. Procès dit du #VioleurdeTinder
Dernier jour des débats aujourd'hui avant les plaidoiries et réquisitoire prévus demain.
Ce matin, la dernière partie civile s'exprime à la barre. Nous l'appellerons "Rania".
"Rania" raconte à son tour la prise de contact sur Tinder, le rendez-vous pour une séance photo. "J’avais apporté des vêtements dans un sac, on a commencé à discuter. Il m’a proposé un shot d’alcool, puis il m’a parlé des fêtes qu’il faisait, de la drogue … ça m’a paru étrange"
"Je me sentais totalement euphorique", se souvient Rania. Puis, alors que je regardais les photos qu'on venait de faire, il s'assied à côté de moi et m'embrasse. Je l'ai repoussé et lui ai dit :"je ne veux pas ça, tu ne m'attires pas". Mais il revient vers moi et dit "essaie".
Read 29 tweets
Mar 22
Bonjour à tous,
Salle Diderot, palais de justice.
De retour au procès dit du #VioleurdeTinder : Salim Berrada comparaît devant la cour criminelle départementale pour les viols et agressions sexuelles de 17 femmes lors de séances photo à son domicile.
Celle que nous appellerons Charline est la neuvième victime dont les faits dénoncés sont examinés par la cour. Elle a aujourd'hui 26 ans et est comédienne, explique-t-elle.
"Je vous laisse la parole", déclare le président à "Charline"
Long silence de la jeune femme.
"Quand j’ai découvert le travail de monsieur Salim Berrada, j’étais mineure à l’époque. Mais j’étais déjà modèle. Je faisais principalement du portrait."
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Mar 19
Retour au procès dit du #VioleurdeTinder devant la cour criminelle départementale de Paris.
Salim Berrada, ancien photographe de mode, comparaît depuis hier pour les viols et agressions sexuelles de 17 jeunes femmes qu'il avait contactées pour de séances photo.
Cet après-midi les premières parties civiles témoignent à la barre. Louise (le prénom a été modifié) a tout d'abord raconté l'agression sexuelle qu'elle dit avoir subie de l'accusé. "Soudainement, il s'est jeté sur moi, il m'a embrassée avec la langue. Je ne voulais pas"
A la barre en ce moment, Caroline, maquilleuse qui a travaillé avec l'accusé.
"Avec l’affaire Salim Berrada, il y a eu un avant et un après : les gens ont commencé à parler"
"C’est un peu le #MeToo de la photographie ?" relève le président.
- C’était avant MeToo, mais oui.
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Mar 18
Bonjour à tous,
Palais de justice de Paris, île de la Cité.
Dans la (petite) salle Diderot s'ouvre aujourd'hui le procès de Salim Berrada, ancien photographe de mode de 38 ans. Surnommé le #VioleurdeTinder , il comparaît pour les viols et agressions sexuelles de 17 femmes.
L'accusé, petites lunettes rondes, coupe afro, collier de barbe, est installé dans le box vitré.
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Sur les bancs de bois de la salle d'audience criminelle départementale, plusieurs parties civiles. Ce femmes qui ne se connaissaient pas dénoncent toutes un scénario très similaire sur ces rendez-vous pour une séance photo qui ont tourné au viol.
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Feb 28
Bonjour à tous,

Aujourd'hui, nous sommes au tribunal judiciaire, quartier des Batignolles. Une salle du 4e étage pour le procès de l'influenceur d'extrême-droite Papacito devant la 17e chambre correctionnelle.
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