[#VeilleESR#FunFact] La notion de « gel de poste » dans les établissements de l'ESR n'existe plus que dans les esprits depuis le passage aux RCE (Responsabilités et Compétences Elargies).
Quelques rapides explications ⬇️
Avant, les postes étaient gérés par le ministère. C'est lui qui avait la masse salariale et faisait les fiches de paies.
Chaque année, les établissements faisaient remonter leurs besoins, et le ministère prenait les décisions de création, suppression, mise au concours ou gel.
Un « poste » était donc quelque chose de très important pour un établissement : c'était l'unité de calcul des moyens humains pour travailler.
Une création, c'était quelqu'un de plus. Une suppression, quelqu'un de moins. Une mise au concours, un nouveau qui remplaçait un ancien.
Lors d'un « gel », l'établissement gardait le poste, mais il n'était pas remis au concours. Il restait donc dans la case « poste vacants ».
Pour le ministère, c'était une façon de faire des économies sans brusquer, mais aussi de réorganiser les choses au cours du temps.
Il était donc très important d'avoir un « suivi des postes » : de garder la mémoire de quel poste a été gelé quand et où, pour ne pas se le faire carotter par le ministère (ou une autre composante).
Les postes avaient une affectation, et c'était important.
Mais tout ça a volé en éclat avec les RCE.
Désormais, les postes ne sont plus vraiment gérés par le ministère, mais par les universités : c'est elles qui ont la masse salariale et qui font les fiches de paies.
Et cela change tout.
Le ministère n'octroie plus des postes, mais une subvention pour charge de service public (SCSP), et débrouillez-vous.
Seule contrainte : un « plafond d'emplois », qui permet d'éviter que les établissements se mettent à créer des postes de fonctionnaire à tour de bras.
La logique est totalement inversée : l'unité de travail n'est plus le poste, mais l'euro.
Sauf plafond d'emplois atteint, les universités peuvent (presque) librement créer des postes ou les supprimer, dans la mesure de ses moyens et le cadre de sa stratégie.
La notion de « gel » n'a donc plus de sens officiel : un poste gelé n'est pas un poste vacant pour le ministère. Ce n'est pas une dépense en moins ou une façon de réorganiser. C'est... Rien.
La SCSP reste la même, gel ou pas.
L'argument « c'est notre poste » n'a plus de sens.
Le « gel de poste » est donc devenu une manière locale de négocier la baisse de la masse salariale. Une manière pour les présidences de dire « on temporise parce qu'on a plus les moyens, mais promis, dès que ça va mieux... » sans aucune garantie réelle.
De même, les annonces « nous avons obtenus la création de tant de postes » n'ont pas de sens : nous avons seulement obtenu une rallonge budgétaire correspondante... Mais dont rien ne prouve qu'elle sera utilisée pour ça, ou même suffisante pour combler une baisse par ailleurs.
C'est ce qui explique la fameuse histoire des « 1000 postes » : le ministère a fait une rallonge annoncée à grands cris d'un coté, et puis des réductions budgétaires de l'autre...
Conséquence, les universités ont utilisé l'enveloppe pour autre chose :
Alors pourquoi continuer à utiliser cette notion de « gel » dans les universités ?
D'abord l'habitude. Mais surtout, c'est plus rassurant que « suppression » ou « perte » (qui n'ont pas plus de sens). C'est de la négociation locale, et rien d'autre.
Surtout, ça laisse penser que la négociation de postes avec le ministère existe encore, que lorsqu'il y a « gel », ce n'est pas du fait de l'université.
C'est faux. Le ministère ne crée/supprime/gèle plus rien. C'est le conseil d'administration qui le fait, et donc le président.
Et c'est là qu'entre en jeu les termes techniques qui font peur : « GVT » et « fongibilité asymétrique ».
Le GVT, Glissement Vieillesse Technicité, c'est l'augmentation mécanique des traitements des fonctionnaires.
Et ouais, ça augmente tout seul.
Lorsque les postes étaient gérés par le ministère, c'est lui qui se débrouillait avec le GVT. Mais maintenant, le ministère octroie la SCSP, et les établissements doivent se débrouiller avec.
Le « gel » devient donc, pour les présidences, un moyen de financer le GVT.
Cette année, X personnels passent un échelon, ça représente Y euros d'augmentation de la masse salariale, qui correspondent à Z postes qu'il faudra « geler »...
Et voilà comment le ministère baisse les effectifs de fonctionnaires sans prendre aucune décision sur les postes.
Plus fort encore, le ministère peut même réduire les effectifs tout en annonçant des augmentations budgétaires (il le fait chaque année) : il lui suffit d'annoncer une augmentation de Y/2 et les universités gèleront Z/2.
Génie !
D'autant plus génial que si un établissement joue continue de maintenir ses postes, il sera naturellement accusé de « mauvaise gestion ».
Baisser les effectifs devient de fait de la « bonne gestion » ! Une « maîtrise responsable de la masse salariale » !
Mais pourquoi les présidences ne dénoncent pas cette grossière entourloupe me direz-vous...
Hé bien c'est là qu'entre en jeu la « fongibilité asymétrique » : le budget de la masse salariale des postes peut être utilisé pour autre chose, mais pas le contraire.
Pour caricaturer, les présidences peuvent geler un poste pour s'acheter une bagnole de fonction innovante 4.0, mais pas supprimer la bagnole de fonction pour créer un poste.
Entre en jeu l’exaltation et la monté en compétence.
Au moment du passage au RCE, une exaltation bien normale s'empare des présidences : « youpi, on contrôle enfin les choses ! Fini le carcan du ministère ! ».
Et on dépense. Beaucoup. Surtout s'il y a fusion, IDEX ou autre gros machin.
On en veut ! On veut une belle université !
Sauf qu'au début des RCE, les présidences (des enseignants-chercheurs, pas des managers) ne comprennent pas bien ce qu'est un budget.
Il n'y a pas encore eu la « monté en compétence ».
Alors on dépense trop. Et ça coince. Ca coince même dur au niveau du budget.
Et là le ministère dit :
« Tututu ! Il fallait être plus prudents ! Moins dépenser à tort et à travers. Elle est belle la voiture de fonction là. Et le labo tout neuf là bas. Ils ont un coût.
Vous vouliez les "Compétences" ? Maintenant, il faut prendre les "Responsabilités" »
Sauf que le plus gros du budget (entre 70% et 80%) de l'établissement, c'est la masse salariale... Alors on peut bien prélever un peu dessus...
Ça peut même être indolore au début... Peut-être même positif, pour supprimer des postes objectivement inutiles...
Et c'est là qu'entre en jeu « l'escalade de l'engagement », ce truc qui fait qu'on perd au poker :
On a déjà mis beaucoup sur la table pour tel ou tel projet... Alors même si ça prend l'eau de partout, on va y mettre encore du pognon... Donc geler encore.
Et bien vite, la « fongibilité asymétrique » tourne à plein. On ne la voit même plus. Les « gel » commencent à peser, et des formations ferment... créant des sous-services, qui justifient à leur tour des gels...
Mais il faut renforcer la stratégie de visibilité, à tous prix.
Les personnels intègrent progressivement la politique, et oublient. Ils oublient les « taux d'exécution budgétaire » de 80% (donc 20% de marge chaque année), ou les demi-postes d'ATER, si pratiques pour terminer sa thèse...
« On y peut rien, ce n'est pas de notre responsabilité »
Car c'est là la super puissance des RCE : la dilution des responsabilités.
Avant, c'est le ministère qui devait faire les arbitrages. La ligne de confrontation était claire : établissements vs. ministère.
Lorsque la rigueur frappait, elle frappait partout.
Communauté soudée.
Aujourd'hui, la responsabilité est partagée de bas en haut, changeant d'unité de travail à chaque étage, limitant les lignes de confrontation : chaque étage peut légitimement rejeter la faute sur un autre. Se déresponsabiliser.
Pour conclure : les « postes » n'existent plus. Ils ne sont plus que de la masse salariale, gérée par les établissements, issue d'une subvention pour charge de service public, fongible dans les autres dépenses.
Alors prêtez bien attention à vos lettres d'orientation budgétaires, car la stratégie de votre établissement y est inscrite.
Et si vous y voyez écrit « maîtrise de la masse salariale », c'est que ça « gèle » à tout va, sans doute pour dépenser ailleurs.
"L’obéissance jusqu’à l’absurde des fonctionnaires"
Cette histoire d'écoles se pliant à une demande (factice) absurde, me fait penser à une histoire que je me suis raconté pour comprendre la puissance de l'évaluation #ESR.
Avec justement des chapeaux.
Les évaluations qu'on connait aujourd'hui revêtent une apparence de rationalité.
Si on lit par exemple les tous premiers critères d'évaluation Hcéres, ça parait sérieux.
En fait, c'est toujours plus ou moins absurde.
Par exemple ici, il faut identifier des ambitions à long terme, ce qu'on pourrait estimer absurde alors qu'on a une visibilité budgétaire qui ne dépasse pas 2 mois depuis au moins une vingtaine d'années.
Que justifie le total silence du parti présidentiel sur cette question, alors qu'il a modifié le Code de l’Éducation tous les 8 jours en moyenne depuis son arrivée au pouvoir ?
Pourquoi ne pas n'expliquer son orientation politique et son projet ?
Cette histoire de délais de réponse dans #Parcoursup est un sujet vraiment passionnant quand on s'intéresse à l'action publique et à la techno-bureaucratie de l'#ESR.
Avant #Parcoursup, il y avait APB.
L'affectation s'y faisait avec une échéance collective, pour la hiérarchisation des vœux, puis une machine calculait les affectations en moins de 24h, et ensuite tous les candidats recevaient leur réponse en même temps. letudiant.fr/etudes/parcour…
Pour une raison peu claire, la hiérarchisation des vœux a été supprimée, et la machine ne peut donc plus calculer l'affectation en 24h.
A place, on mis la phase de réponse en continue de #Parcoursup, qui allait de mai à.. septembre. 5 mois.
[ #VeilleESR #LRU ] Document de travail acte II de l'autonomie
- suppression de la qualification et généralisation des CPJ
- suppression des 192h/384h et modulation des services
- « assouplissement » des ATER et vacations
- généralisation des EPE et dévolution
RH : on peut résumer par « supprimer les statuts des personnels », pour permettre aux présidences d'individualiser les recrutements, temps de travail et rémunérations.
Emmanuel Macron s'y était engagé.
Budget et finance : on peut résumer par « YOLO », avec financement à la « performance » plutôt qu'aux besoins, possibilité de faire n'imp avec le fond de roulement et possibilité de s'endetter.
Bref, un encouragement à flamber.
Résultat du Quizz « l'Education Nationale, ce bastion impossible à réformer », en image.
Voici les modifications du Code de l'éducation depuis l'élection de M. Macron.
(Attention, certains articles ont été modifiés plusieurs fois, ce qui ne se voit pas ici.)
Autre visualisation des modifications du Code de l'éducation, cette fois-ci pour un bachelier de l'an dernier, qui serait donc entré en maternelle en 2009.
(Attention, le gros ajout du début est sans doute de la consolidation de code, à droit constant.)
Depuis l'élection de M. Macron, le Code de l'éducation a été modifié par 55 lois, 15 ordonnances et 331 décrets (voir liste ci-dessous).
Pendant la scolarité d'un bachelier de l'an dernier, ça aura été 120 lois, 34 ordonnances et 589 décrets.