Aujourd'hui, en écho à la marche contre les #ViolencesFaitesAuxFemmes, on parle d'une pratique médiévale : pendant longtemps, enlever une femme par la force revenait... à l'épouser. Un thread ⬇️ ! #histoire#MedievalTwitter
Dans un bel article, David Wong montre combien la culture de masse diffuse une image banalisant les violences sexuelles : James Bond, Indiana Jones ou Han Solo embrassent tous de force une femme qui leur a dit explicitement « non » abompard.wordpress.com/2017/02/13/7-r…
Dès lors, la culture de masse véhicule indirectement une #cultureduviol. Or cette culture s'enracine également dans un riche terreau historique (cf le prochain livre de @erik_kaars sur cette culture du viol dans la littérature anglaise médiévale)
@erik_kaars Au Haut Moyen Âge, les peuples qui s'installent en Occident apportent avec eux leurs pratiques. Et notamment celle du « mariage par rapt », étudiée par Sylvie Joye : un jeune homme va enlever de force une jeune femme d'une tribu voisine et la prend pour épouse
@erik_kaars Il s'agit d'une pratique qu'on retrouve dans d'autres cultures. Pensons aux Romains enlevant les Sabines. Plus près de nous, Lévi-Strauss l'analyse en Amazonie par exemple. Il explique qu'il s'agit d'une façon pour des tribus rivales de nouer des liens... mais pas trop étroits
@erik_kaars Pour aller vite : on reste rivaux (car on n'a pas donné son accord à ces unions) mais on ne devient pas ennemis (car dans l'autre tribu on a des beaux-frères, des beaux-fils, etc). Bref, la violence faite aux femmes est la condition d'une certaine paix entre les hommes
@erik_kaars Revenons au Moyen Âge. Ces enlèvements sont alors condamnés par les autorités laïques et religieuses. Mais, le plus souvent, il suffit au kidnappeur d'épouser « officiellement » la femme enlevée pour régler l'affaire, légitimant l'union qui avait commencé dans la violence
@erik_kaars A ce stade, vous vous dites sûrement « pff, quels barbares ces médiévaux ». On rappellera qu'en Italie, jusqu'au début des années 1980, une loi annulait une condamnation pour viol si le violeur épousait la victime (c'est le « mariage réparateur » : tapez "Franca Viola"...)
@erik_kaars Le mariage par rapt reste un phénomène très fréquent pendant tout le Moyen Âge. Les pouvoirs publics ne condamnent que peu ces actions : il suffit souvent de payer une simple amende. En Scandinavie au XIIIe-XVe siècle, voler une vache est puni plus lourdement que violer une fille
@erik_kaars Prenons un exemple précis. En 1406, Nicolas de Bonneval, petit seigneur français, kidnappe et épouse de force Marie de Kais, riche héritière dont il convoite les terres. Marie n'a que sept ans alors que Nicolas en a... soixante (oui, désolé, mais le Moyen Âge, c'est aussi ça 🙄)
@erik_kaars La famille de Marie se mobilise et ça donne une longue affaire juridique enregistrée dans les actes du Parlement de Paris, qui rebondit pendant au moins huit ans. Nicolas affirme d'abord que la famille de Marie était d'accord, puis que Marie lui a demandé de l'enlever, etc.
@erik_kaars Finalement, Marie, à présent âgée de 15 ans, tranche l'affaire en déclarant que Nicolas est son « vrai époux ». Elle n'a de toute façon guère d'autre choix : après avoir vécu maritalement avec lui pendant des années, elle ne pourrait trouver aucun autre époux si elle le quittait
@erik_kaars On voit bien que ce schéma (avec d'autres) a pu contribuer petit à petit à imposer dans les mentalités collectives l'idée que la femme forcée finit par tomber amoureuse de son violeur. Et boum, quelques siècles après, ça donne James Bond et Han Solo...
@erik_kaars Aujourd'hui, de nombreuses personnes, associations et institutions tentent inlassablement de rappeler que seul le consentement explicitement exprimé permet de s'engager dans une union (pour la vie ou pour une nuit, peu importe)
@erik_kaars Au Moyen Âge, pas de vidéos Youtube, mais cette pratique du rapt est combattue par l'Église catholique. Celle-ci cherche en effet à imposer un nouveau mariage chrétien, marqué notamment par le consentement des époux. C'est le « oui, je le veux » qu'on entend encore aujourd'hui
@erik_kaars Mais ce message se heurte aux pratiques nobiliaires, dans lesquelles le mariage est avant tout une alliance et la femme avant tout une ressource. Dès lors, les clercs répètent que la femme a le droit de décider, qu'on ne peut ni la prendre de force ni la marier contre son gré...
@erik_kaars Un exemple parmi d'autres : vers 1070, Arnoul, évêque de Soissons, écrit à Guy, seigneur de Châtillon, qui veut marier sa fille à un homme dont elle ne veut pas : « Cela est interdit par l'autorité canonique. Par conséquent, je vous ordonne de la donner à l'homme qu'elle aime »
@erik_kaars Contre la violence des nobles, contre la tendance à traiter la femme comme un objet que l'on peut prendre, l'Église médiévale a cherché, à son échelle et non sans ambiguïtés, à imposer l'idée que le libre consentement de la femme était nécessaire à la légitimité d'une union
@erik_kaars Ce message, contre les Nicolas Bonneval d'hier et les James Bond d'aujourd'hui, il faut visiblement le répéter à nouveau. Encore, et encore, pour extirper les racines de cette terrible #cultureduviol qui nous gangrène. Notre article d'ajd à retrouver ! actuelmoyenage.wordpress.com/2019/11/28/pre…
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On est en 607 après J.-C., dans le domaine royal de Bruyères.
Une terrible dispute oppose Brunehaut, la grand-mère du roi, et Colomban, un moine irlandais. Celui-ci vient en effet de traiter les princes de... fils de pute 🗯️🤬.
Un thread ⬇️!
Revenons en arrière. Brunehaut, veuve du roi Sigebert d'Austrasie, grand-mère de l'actuel roi Thierry II, est une femme puissante, qui a la charge des enfants du roi. Elle les mène devant Colomban, célèbre abbé de Luxeuil, pour obtenir sa bénédiction. Mais celui-ci refuse !
Pire : il les insulte, en disant "ils ne deviendront jamais rois, car ils nés d'une prostituée".
La colère de Brunehaut est terrible et Colomban paye cher sa provocation, car il est chassé de son monastère. Mais comment comprendre ce clash ?
Comment ça, vous ne connaissez pas ce mot ? "Gaber" ? C'est un verbe médiéval, qui veut dire se moquer des autres en se vantant.
Selon une légende, Charlemagne aurait lancé un concours de gabs à la cour de Byzance... Un thread ⬇️!
Dans Le pèlerinage de Charlemagne, une chanson de geste du XIIe siècle, Charlemagne et ses chevaliers en route pour Jérusalem se retrouvent à Constantinople, à la cour de l’empereur byzantin nommé Hugon. C'est bien sûr une scène fictive.
Une nuit, Charlemagne et ses chevaliers, bien bourrés, se lancent dans un concours de gabs. Il s'agit donc de se vanter d'accomplir un truc incroyable, en essayant de surpasser celui qui vient de parler.
Un peu comme une battle de rap, quoi.
Connaissez-vous les 7 péchés capitaux ? C'est comme les 7 nains, généralement on en oublie un...
En 1475, un enlumineur propose une superbe version illustrée dans un Livre d'heures copié à Poitiers (@MorganLibrary MS M.1001).
Un thread ⬇️!
On commence par l'orgueil, en latin "superbia". Le péché est représenté par un beau jeune homme s'admirant dans un miroir, monté sur un lion. En bas, le démon associé au péché est Lucifer, pointant vers une femme dédaigneuse et méprisante...
Numéro 2, l'envie. Incarné par Belzébuth, ce péché est symbolisé par la pie (oiseau voleur) et, en bas, par des gens qui convoitent le bien d'autrui.
Au XVe siècle, on se met à imprimer un peu partout en Europe. Mais l'imprimerie coûte cher et se lancer dans l'aventure exige souvent de dresser un contrat précis entre imprimeur, auteur, éditeur, libraire... Un thread à partir d'un ouvrage récent ⬇️!
Catherine Rideau-Kikuchi édite ici des contrats d'imprimeurs, trouvés dans les archives de plusieurs villes du nord de la péninsule italique, entre 1470 et 1528. Bravo à l'autrice car les recueils de sources sont toujours précieux ! @EditionsCG
@EditionsCG Ici, focus sur un contrat du 22 mai 1499, conclu à Bologne entre Filippo Beroaldo, humaniste, professeur de rhétorique à l'université, et Benedetto di Ettore Faelli, libraire et imprimeur.
Le plus souvent, on y représente des animaux plus ou moins fantastiques et des scènes du quotidien.
Mais, quand on y regarde de près, on s’aperçoit que ces scènes cachent parfois... des violences sexuelles. Un thread ⬇️!
Je vulgarise ici un excellent et passionnant article écrit par @M_PerezSimon et Delphine Grenet @Grenet81020939, dans ce volume. Merci aux autrices qui me l’ont envoyé et ont relu ce fil ! Poke @RCPPMassoc
@M_PerezSimon @Grenet81020939 @RCPPMassoc Les autrices rappellent que ces scènes de violence n’ont le plus souvent pas été vues ni nommées par les chercheurs. Ainsi de cette sculpture de cheminée de Bruges, intitulée « scène de séduction », alors que les gestes de la femme montrent qu'elle repousse une tentative de viol.
Au VIIIe-IXe siècle, les conquêtes arabes balaient la planète. Une question se pose aux gens : faut-il se convertir ? Au milieu du IXe siècle, Hunayn ibn Ishaq, un médecin chrétien de la cour du calife, distingue 6 raisons de se convertir à l'islam. Un thread ⬇️!
Je tire ce thread du livre suivant : Etienne de la Vaissière, Asie Centrale 300-850 (@BellesLettresEd), plus précisément p. 452-457 !
@BellesLettresEd 1/ La force. Lors des conquêtes, les conquérants imposent souvent l'islam à la pointe de l'épée. Mais cela ne dure pas, et ensuite on n'a aucune trace de violence d'Etat généralisée. L'apostasie est en théorie punie de mort mais c'est rarement appliqué.