Est-ce que j'ai passé mon aprem ds le bunker qui jouxte le château de Saint-Germain-en-Laye, ancien grand quartier général de la Wehrmacht, que Rose Valland fit attribuer aux Musées nationx en 1954 et habituellemt fermé au public et aux conservateurs ? TOTALEMENT. Immersion 👩🚀⤵️
Mais avant, petit contexte historique 🤓
Après la défaite française de 1940, plus de 10 000 soldats allemands investissent la ville sous le commandement du Maréchal Gerd von Rundstedt, aka le plus célèbre tacticien de la guerre éclair ⤵️
Saint-Germain-en-Laye, avec sa position surélevée par rapport au bassin parisien, devient le QG de l'Oberkommando West (« OB West » pour les intimes) : les grandes maisons de la ville royale sont idéales pour loger les officiers (1/4 du parc immobilier est réquisitionné) 🏘
Dans un premier temps, Von Rundstedt s'installe dans le pavillon Henri IV, sur la magnifique terrasse du château. Certes, la vue est jolie sauf que c'est quand même légèrement exposé et pas très stratégique en terme de survie quand on est un maréchal important 🎯
Et bim 🎆 ce qui doit arriver arrive : le 3 mars 1942, un bombardement allié détruit une partie du pavillon. Stupeur et tremblements chez l'OB West, qui décide alors de changer de crèmerie.
Le maréchal s'installe dans la Villa David, à 1 km du château, et ses troupes se replient davantage dans la ville, histoire de dissimuler un peu plus tout ce beau monde à la vue des raids aériens. À partir de 1943, on commence donc à construire un abri sous la villa...
C'est là que von Rundstedt recevra la même année le général Rommel (« Le renard du désert »), missionné par Hitler pour checker l'avancement des travaux (ce qui ne plaira pas beaucoup beaucoup à Von Rundstedt d'ailleurs, qui n'avait pas envie de vivre enterré)
À mesure que la guerre avance, l'OB West prend de plus en plus d'importance pour Hitler : c'est donc également à partir de 1943 que plus d'une vingtaine de blockhaus ou abris sont construits, faisant ainsi de SGEL la ville la plus "bunkerisée" de France !
Ces structures doivent permettre de protéger à la fois les soldats et les personnels administratifs. Au total, 22 bunkers et un grand centre de télécommunication (photo) voient le jour en plein cœur de la ville
Ce nouveau et immense bunker devient le véritable PC de commandement, centre névralgique du grand quartier général. Construit sur une ancienne carrière de pierre, il s'étend sur 60 m de long, 3 étages et 1200 m2
Semi enterré — donc invisible depuis le ciel, ce nouveau QG est construit dans le plus grand secret, raison pour laquelle les Alliés ne découvriront son existence qu'après la guerre
Sa construction est extrêmement rapide : 7 mois, durant lesquels les équipes d'ouvriers réquisitionnés se relaient jour et nuit sous la surveillance de l'Organisation Todt (aussi chargée de la construction du Mur de l'Atlantique)
Une fois achevé, le QG centralise toutes les informations en France et c'est là que sont prises toutes les décisions importantes : c'est depuis cet abri que von Rundstedt va superviser la défense des plages normandes en juin 1944 🏴📻
Le 24 août 1944, les Allemands abandonnent le navire et quittent Saint-Germain-en-Laye devant l'avancée des troupes alliées, qui libèrent la ville le lendemain. Les bunkers sont saccagés par la population et laissés à l'abandon.
Bien plus tard, en 1954, un décret attribue le grand blockhaus du commandement de la Wehrmacht à la Direction des Musées de France grâce à persévérance de Rose Valland, qui l'a visité la même année et se dit que ce serait un lieu idéal pour abriter des œuvres en cas de WWIII
« Toutes ces constructions d'où furent dirigées les forces ennemies pendant la dernière guerre devenaient pacifiquement propriété du Ministère des Affaires Culturelles » écrit-elle plus tard ✒
En 1965, elle écrit même à André Malraux pour lui soumettre un projet de Musée de la Résistance et de la Dernière Guerre. Ce projet ne vit pas le jour, a priori pour des raisons budgétaires (les motifs sont toujours les mêmes !) 🏛
Depuis une date inconnue, le blockhaus sert de réserve aux moulages et galvanoplasties du Musée d'@Archeonationale attenant, qui aimerait bien rapatrier ses collections ailleurs (question qui fâche : où ?)
Nous arrivons donc aux abords du site et sommes accueillis par plusieurs sarcophages (mérovingiens ? @MillotSimon help je ne me souviens plus !) plutôt en contraste avec le paysage 🤔
Nous jetons un œil à une 1re salle creusée à même la roche et transformée en réserve de fortune pour des moulages de monuments et statues antiques/gallo-romaines. Les toiles d'araignée ne sont pas moins anciennes et l'odeur de moisissure nous oblige à porter un masque 😷
Ça n'était qu'une mise en jambe et nous rentrons pour de bon dans le QG, le vrai, armés de lampes torche dans le cas où l'éclairage serait en panne. Adieu lumière du jour...
Nous avançons dans la première salle et là, hoquet patrimonial de surprise : partout, posées contre les murs, par dizaines de dizaines, des galvanoplasties de la colonne Trajane, sans doute réalisées à vers la fin du XIXe siècle
Et ça continue dans les autres salles, on n'en voit pas le bout ! Il faut dire que la Colonne Trajane mesure 40 m de haut et sa frise qui s'enroule en spirale autour de son fût fait 200 m de long ! Et tout ça est ici, en petits bouts : 2750 personnages !👬👫👭👬👫👭👭👫
Manque de chance, l'éclairage ne fonctionne plus dans la suite du couloir. Il faut poursuivre à la lampe torche... Ambiance film d'horreur found footage
Chaque salle, numérotée au pochoir façon 1940, déborde de moulages en plus ou moins bon état de conservation et plus ou moins reconnaissables. C'est ahurissant
Certaines œuvres sont dans un état de décrépitude semi poétique semi flippant. Le mélange de styles et des époques est à toute épreuve : Gavrinis voisine sereinement avec des bas-reliefs gallo-romains
Sans parler de ces foules silencieuses de statues, parquées dans quelques mètres carrés comme devaient l'être les originales dans les sous-sols du Louvre en 1940, sans l'espace et l'admiration qui leur sont dus
Nous accèdons aux 2e et 3e étages par des escaliers qui me rappellent l'époque faste où j'étudiais à la Sorbonne sur le site PMF
Au troisième étage, une foultitude de plâtres est posée sur des étagères métalliques, dont les planches en agglo ont ployé sous l'effet combiné du poids de leurs hôtes et de l'humidité ambiante. Drôle d'ambiance je vous promets
Autant vous dire qu'il y a du récolement à faire. Avis aux bénévoles du patrimoine 😅
Dans ce qui était l'infirmerie, des caisses de fragments et de petits artefacts sont posées à même le sol. Cette ambiance carrelée légèrement glauque n'a décidément rien à envier à Saw comme le disait une collègue 👹 Déco résolument arachnophile
Petit aperçu des chicanes réservées aux mitraillettes défensives
Idem ici : on ouvrait la trappe et on pouvait canarder tout intrus qui serait parvenu à arriver jusqu'à l'escalier. La trappe fermée, on était protégé des balles
Et il y a la même chose en haut de l'escalier si l'ennemi venait de l'autre côté (alors qu'il s'agissait d'une salle de bain !!)
Et comme tout n'est qu'angle droit et chicane pour limiter la propagation des ondes de choc en cas de bombardement, on est tout le temps face à des couloirs et des murs blancs. C'est vraiment surréaliste, les repères spatiaux sont vite brouillés
Bref, il y a tous les ingrédients pour organiser un escape game dans le bunker du château 😁
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En 1945, comment montrer ce qui nous a été pris quand on est Juif et qu'on a été dépossédé de tout ? Ceux qui les ont encore envoient leurs photos (souvent de famille) aux services de restitution pour signaler que ce mobilier était le leur. Quelques fragments de vies volées... ⤵️
L'écrivain André Maurois jouant avec sa famille dans sa bibliothèque en 1927
Un repas insouciant chez M. Lucien Moyse, au 17 rue des Batignolles (des flèches sur le support cartonné de la photo pointent le mobilier disparu)
Édifiantes images de la bibliothèque polonaise de Paris avant puis après l'enlèvement des collections par les Nazis en 1940.
Source : Archives diplomatiques du ministère des Affaires étrangères
La dévastation liée aux pillages et aux destructions est impressionnante : tout a été saisi voire démonté. Dans l'une des salles du musée Adam Mickiewicz, on devine tout juste l'emplacement de l'escalier après le passage des spoliateurs
Ci-dessous, la salle Wodzinsky avant l'Occupation puis en 1944
Il n'existerait que «de rares cherche[urs] en France» à connaître l'histoire et les archives des spoliations, vraiment ? Le mythe de l'«Indiana Jones» a décidément encore de beaux jours devant lui. Pourquoi c'est faux et préjudiciable pour tout le monde ⤵️ lepoint.fr/culture/emmanu…
J’ai vu passer ces dernières années un certain nombre d’articles écrits en ce sens et je suis excédée de ces poncifs éculés qu’on y retrouve systématiquement.
Pardon d'avance @vdemontclos : le ton de votre article est tout à fait juste par ailleurs mais c’est la fois de trop. Or, ce n'est pas anodin car les familles spoliées et la recherche ont tout à y perdre.