Il n'existerait que «de rares cherche[urs] en France» à connaître l'histoire et les archives des spoliations, vraiment ? Le mythe de l'«Indiana Jones» a décidément encore de beaux jours devant lui. Pourquoi c'est faux et préjudiciable pour tout le monde ⤵️ lepoint.fr/culture/emmanu…
J’ai vu passer ces dernières années un certain nombre d’articles écrits en ce sens et je suis excédée de ces poncifs éculés qu’on y retrouve systématiquement.
Pardon d'avance @vdemontclos : le ton de votre article est tout à fait juste par ailleurs mais c’est la fois de trop. Or, ce n'est pas anodin car les familles spoliées et la recherche ont tout à y perdre.
Sans rien enlever aux mérites d’Emmanuelle, il existe toute une communauté de chercheurs et chercheuses qui travaillent dans l’ombre, celle que vous leur faites, vous, grands médias à large audience, quand vous véhiculez ce genre de mythes. C’est problématique parce que :
En premier lieu, que peuvent penser les familles intéressées à ces questions quand elles lisent que «l’une des rares chercheuses en France» à pouvoir les aider est déjà mobilisée par (rien moins que) le Louvre ? Le Louvre, soit le. plus. grand. musée. du. monde.
Elles se doutent que leur histoire familiale sera complexe à comprendre, les voilà déjà découragées d’office à l’idée qu’il faut, avant ça, réussir à atteindre LA spécialiste. Et ensuite, encore faut-il qu’elle parvienne à leur consacrer du temps, qu’on devine précieux.
Rassurez-les, INFORMEZ-LES (c’est votre métier) : il existe bien d’autres spécialistes disponibles pour les accompagner dans ces recherches souvent intimes, douloureuses, embrouillées, longues.
Car oui, elles sont longues. Retracer l’histoire d’une œuvre peut prendre des mois, voire des années.
(Pour info, il reste +/- 2000 œuvres de propriétaire inconnu conservées par les musées, je vous laisse faire le calcul du nombre de vies qu’il faudrait à une personne seule pour les restituer toutes.)
Je suis loin de les citer toute/s, et encore, c’est sans compter les chercheurs polyglottes qui naviguent entre la France, l’Allemagne et les États-Unis. Et les archivistes qui sont, pour certains, de grands connaisseurs du sujet depuis plus de 20 ans.
Et les membres de la Mission ministérielle confiée à David Zivie. On ne les entend ni ne les lit souvent dans vos journaux et radios, mais je vous l’assure, ils n’y travaillent pas moins.
Et je ne m’inclus même pas dedans, ayant depuis peu mis de côté les recherches de provenance pour reprendre la recherche historique «pure». Mais à vous, journalistes, mon (modeste) carnet d’adresses est ouvert. Faites votre choix :
«Indiana Jones» meubles d’art spoliés, «Indiana Jones» livres spoliés, «Indiana Jones» archives spoliées, «Indiana Jones» antiquités spoliées ? Je les ai tous, demandez.
En cherchant un peu sur Google, vous les trouverez aussi.
Les spécialistes sont légion. Il faut arrêter de laisser entendre qu’un champ de recherche n’existe que par et grâce à une seule personne. De la même manière que Rose Valland n’a pas récupérée seule les 60000 œuvres après la guerre, Emmanuelle n’est pas l’unique chercheuse
sur le sujet – et heureusement pour elle car c’est titanesque !
Par ailleurs, le partage des informations et les échanges avec les collègues sont extrêmement importants quand on fait de la recherche de provenance, car les archives sont dispersées entre la France, l’EU et les USA. @E_Polack peut en témoigner.
Donc si vous, grands médias, souhaitez vraiment parler de cette cause (parce que c’en est une, c’est une cause mémorielle) : sortez de votre zone de confort, parlez à d’autres spécialistes et croisez les sources.
Parole d’historienne, c’est toujours une bonne chose de croiser les sources !
Et à y être : parlez aussi des jeunes chercheurs, pour qui la visibilité fait une énorme – que dis-je – une colossale différence, surtout par ces temps covidiens. Il n’y a pas les cadors d’un côté et les étudiants inexpérimentés de l’autre.
Entre les deux, il y a les jeunes chercheurs. Jeunes, donc, mais aussi chercheurs. Car on le sait tous, « aux âmes bien nées, la valeur… » etc.
Donc embrassez votre rôle social, journalistes : visibilisez la recherche au lieu de la réduire. Aidez-là à s’ouvrir au grand public dans toutes ses nuances et sa pluralité de points de vue. Cessez de nourrir le mythe du chercheur.se isolé.e et aventurier intrépide.
Car il n’y a pas d’«Indiana Jones», pas plus qu’il n’y a de pierre philosophale, d’arche d’alliance perdue ou de Nazis embusqués dans les bibliothèques pour faire échouer nos recherches.
En occultant toute une communauté de spécialistes pour servir le mythe de l’aventurier solitaire, vous mettez la réalité sous le tapis pour céder à une belle histoire romancée. Qu’on se le dise, ça ne fait pas honneur à votre métier.
Abandonnez donc une bonne fois pour tout le mythe du chercheur isolé, autrement vous ne ferez que confirmer la triste connotation de l’expression «c’est l’arbre qui cache la forêt».
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Est-ce que j'ai passé mon aprem ds le bunker qui jouxte le château de Saint-Germain-en-Laye, ancien grand quartier général de la Wehrmacht, que Rose Valland fit attribuer aux Musées nationx en 1954 et habituellemt fermé au public et aux conservateurs ? TOTALEMENT. Immersion 👩🚀⤵️
Mais avant, petit contexte historique 🤓
Après la défaite française de 1940, plus de 10 000 soldats allemands investissent la ville sous le commandement du Maréchal Gerd von Rundstedt, aka le plus célèbre tacticien de la guerre éclair ⤵️
Saint-Germain-en-Laye, avec sa position surélevée par rapport au bassin parisien, devient le QG de l'Oberkommando West (« OB West » pour les intimes) : les grandes maisons de la ville royale sont idéales pour loger les officiers (1/4 du parc immobilier est réquisitionné) 🏘