#VendrediLecture aujourd'hui, quelques mots d'un ouvrage récent de Rémi Brague : "Des vérités devenues folles". Ouvrage qui a attiré notre attention car une partie de l'intro s'intitule « Retour au Moyen Âge ? ». Un (petit) thread pour parler du livre... ⬇️
Dans ce livre, Rémi Brague cherche à montrer l'échec du projet moderne. Selon lui, les acquis de la modernité, en termes de confort notamment, sont précieux, mais vont avec une perte de sens et de valeurs. On vit mieux, mais on ne sait plus pourquoi on vit/comment vivre bien.
Sur le fond, précisons en toute honnêteté qu'on n'a pas tout compris au livre. C'est souvent très dense, bondissant d'une référence philosophique à un texte littéraire russe, en privilégiant l'érudition à la clarté de l'argumentation
Alors, quid du Moyen Âge ? R. Brague explique bien qu'il ne s'agit pas de « revenir au Moyen Âge » et prend ses distances par rapport à la vision obscurantiste de la période. Il insiste avec raison sur le fait que les médiévaux n'étaient ni + ni - bêtes/violents/gentils que nous
En réalité, il propose surtout de s'inspirer de certains philosophes médiévaux, notamment Thomas d'Aquin, notamment pour repenser notre lien à la nature. Leur pensée, très riche, permettrait de voir dans la nature une création digne de respect plus qu'un objet à exploiter
De même R. Brague plaide-t-il pour un retour à l'idée de Dieu, seule à même de donner du sens au monde, à nos vies et à nos relations sociales. A ses yeux, le monde sécularisé est un monde silencieux dans lequel on vit bien, mais sans savoir pourquoi.
L'idée est intéressante. Le problème, c'est que très souvent elle se teinte d'une touche nettement conservatrice, voire franchement réactionnaire – même si R. Brague critique cette attitude, reste qu'elle imprègne largement sa pensée
On le voit par exemple quand il mentionne comme en passant les « prétendues familles de même sexe »... Oui oui, « prétendues », comme si les familles homoparentales (et même ce mot pose déjà problème) n'étaient pas des vraies familles... #malaise slate.fr/dossier/36307/…
Dès lors l'analyse est comme faussée par cette perspective réactionnaire. La critique de l'époque contemporaine vire à un simple « c'était mieux avant, quand on croyait en Dieu et qu'on avait de vraies valeurs morales »
Du reste, la réception de l'ouvrage est révélatrice : R. Brague a par exemple été invité à parler au Cercle de Flore, club d'extrême-droite issu de l'Action Française. Le « retour au Moyen Âge » est pensé pour parler à un certain type de public...
En conclusion : un ouvrage intéressant, souvent stimulant, mais qui retombe (un peu malgré lui !) dans l'ornière du "c'était mieux avant". Alors que l'épine dorsale du livre (comment se nourrir des pensées d'hier pour affronter les défis d'ajd ?) est plus riche que ça !
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Un mari jaloux, une femme adultère, et des perroquets... Ce sont les ingrédients d'un conte du Moyen Âge, datant du XIVe siècle.
Je vous le raconte ! Un thread ⬇️
Ce conte est inséré dans un roman, Le Chevalier errant, écrit à la fin du XIVe siècle par Thomas de Saluces.
C'est l'histoire d'une femme "mal mariée", autrement dit mariée à un vieil homme (motif classique des fabliaux). Jaloux, il la fait surveiller par trois "papegaux", ces oiseaux qu'à l'époque on ne nomme pas encore des perroquets...
Cette année, en partenariat avec @Histoirepublik, @boite_histoire et @maglhistoire, je co-organise et co-préside le premier Prix du Jeu de Société Historique !
Un thread pour vous présenter ce prix... ⬇️
Le but de ce prix est de récompenser un jeu, publié en 2024, qui utilise l'histoire, la réinvente, s'en sert pour proposer une expérience ludique. Tous les types de jeux, tous les formats sont éligibles. Voilà un texte qui présente le Prix !
Pour cette première édition, le jury se compose de 5 historiens et historiennes (Martin Gravel, Soizic Croguennec, Claire Milon, Pauline Ducret et moi-même), de Julia Bellot, journaliste à @maglhistoire, et de Romane Penet, stagiaire à @boite_histoire
On est en 607 après J.-C., dans le domaine royal de Bruyères.
Une terrible dispute oppose Brunehaut, la grand-mère du roi, et Colomban, un moine irlandais. Celui-ci vient en effet de traiter les princes de... fils de pute 🗯️🤬.
Un thread ⬇️!
Revenons en arrière. Brunehaut, veuve du roi Sigebert d'Austrasie, grand-mère de l'actuel roi Thierry II, est une femme puissante, qui a la charge des enfants du roi. Elle les mène devant Colomban, célèbre abbé de Luxeuil, pour obtenir sa bénédiction. Mais celui-ci refuse !
Pire : il les insulte, en disant "ils ne deviendront jamais rois, car ils nés d'une prostituée".
La colère de Brunehaut est terrible et Colomban paye cher sa provocation, car il est chassé de son monastère. Mais comment comprendre ce clash ?
Comment ça, vous ne connaissez pas ce mot ? "Gaber" ? C'est un verbe médiéval, qui veut dire se moquer des autres en se vantant.
Selon une légende, Charlemagne aurait lancé un concours de gabs à la cour de Byzance... Un thread ⬇️!
Dans Le pèlerinage de Charlemagne, une chanson de geste du XIIe siècle, Charlemagne et ses chevaliers en route pour Jérusalem se retrouvent à Constantinople, à la cour de l’empereur byzantin nommé Hugon. C'est bien sûr une scène fictive.
Une nuit, Charlemagne et ses chevaliers, bien bourrés, se lancent dans un concours de gabs. Il s'agit donc de se vanter d'accomplir un truc incroyable, en essayant de surpasser celui qui vient de parler.
Un peu comme une battle de rap, quoi.
Connaissez-vous les 7 péchés capitaux ? C'est comme les 7 nains, généralement on en oublie un...
En 1475, un enlumineur propose une superbe version illustrée dans un Livre d'heures copié à Poitiers (@MorganLibrary MS M.1001).
Un thread ⬇️!
On commence par l'orgueil, en latin "superbia". Le péché est représenté par un beau jeune homme s'admirant dans un miroir, monté sur un lion. En bas, le démon associé au péché est Lucifer, pointant vers une femme dédaigneuse et méprisante...
Numéro 2, l'envie. Incarné par Belzébuth, ce péché est symbolisé par la pie (oiseau voleur) et, en bas, par des gens qui convoitent le bien d'autrui.
Au XVe siècle, on se met à imprimer un peu partout en Europe. Mais l'imprimerie coûte cher et se lancer dans l'aventure exige souvent de dresser un contrat précis entre imprimeur, auteur, éditeur, libraire... Un thread à partir d'un ouvrage récent ⬇️!
Catherine Rideau-Kikuchi édite ici des contrats d'imprimeurs, trouvés dans les archives de plusieurs villes du nord de la péninsule italique, entre 1470 et 1528. Bravo à l'autrice car les recueils de sources sont toujours précieux ! @EditionsCG
@EditionsCG Ici, focus sur un contrat du 22 mai 1499, conclu à Bologne entre Filippo Beroaldo, humaniste, professeur de rhétorique à l'université, et Benedetto di Ettore Faelli, libraire et imprimeur.