En avril, à Nantes, des manifestants ont brûlé un mannequin portant un masque d'#EmmanuelMacron. Une pratique « moyenâgeuse » ? Et bien... oui ! Il existe en effet une longue tradition médiévale où l'on utilise ainsi des effigies. Un thread ! ⬇️ #histoire#medievaltwitter
Le Moyen Âge occidental connaît de nombreuses formes de rituels de dérision. Certains relèvent de décisions judiciaires, comme la course des amants adultères dans les villes du Midi - l'image est assez explicite... #voilavoila#CerseiLannisteronpenseatoi
D’autres sont à l’initiative des habitants d’une communauté, par exemple le charivari : un vieil homme épousant une jeune femme a de fortes chances de voir débarquer sous ses fenêtres des jeunes gens qui vont bruyamment se moquer de lui...
Lorsque l’on ne veut pas ou qu'on ne peut pas mettre la main sur la personne à atteindre, il est possible de lui faire subir un processus dégradant en utilisant des objets de substitution
Les médiévaux ont souvent eu recours à des animaux négativement connotés. Par exemple, en 1364, alors que Pise est en plein conflit avec Florence, les habitants décident d’envoyer au gibet des ânes portant les noms de grands magistrats florentins...
Lors des Fêtes des fous, des mannequins à l'image des seigneurs ou des clercs sont frappés, pendus ou brûlés : c'est une façon d'inverser l'ordre établi, tout en ne formulant pas de critique précise - il ne faudrait pas non plus irriter un puissant...
On peut également utiliser des portraits ou des armoiries. Le fait de renverser un portrait ou une armoirie est notamment très fréquent : c'est une façon simple de critiquer la personne. Pas un hasard que ce soit encore utilisé aujourd'hui, tant le symbole est puissant
En 1438, des chevaliers anglais qui avaient juré de ne plus faire la guerre au roi de France se parjurent. En punition, on expose aux portes de Paris des tableaux les représentant pendus par les pieds à un gibet, enchaînés par des diables, des corbeaux leur picorant les yeux
En 1467, à la mort du duc de Bourgogne Philippe le Bon, les Liégeois allument dans les rues de la ville des brasiers au sein desquels ils jettent des figurines représentant le duc. Le but était de montrer que son âme allait brûler en enfer... #désoléPhilippe
Les sociétés médiévales sont des sociétés d'honneur : ces invectives placent l'humilié dans une situation très délicate. Certains (rares) portent le cas devant des tribunaux, d'autres se font justice eux-mêmes
Les cours de justice médiévales semblent avoir rarement condamné de tels actes. Aujourd'hui, c'est plus ambigu : les « décrocheurs » d'un portrait d'Emmanuel Macron ont été relaxés en première instance... mais condamnés en appel
De fait, au Moyen Âge non plus, on ne peut pas se moquer de tout le monde : s’attaquer aux représentations royales et notamment à ses armoiries conduisait à s’exposer à de graves sanctions, puisque le contrevenant était accusé de lèse-majesté !
Ces formes de dérision sont parfois pleines d'humour. En 1468, une lettre place par exemple le sceau d'un noble anglais, accusé de parjure... dans le dessin du cul d'un cheval ! Belle façon de dire ce que vaut sa parole...
L'intérêt de ces pratiques n'est pas à négliger. Actions collectives, mi-improvisées mi-préparées, elles articulent politique et comique, interpellent sans commettre de véritable violence, si ce n'est symbolique. Ce faisant, elles permettent la négociation
Ces usages de "l'image infamante" montrent que, en plus des manifestations et des grèves, d'autres formes de contestation sont possibles. On le voit bien en ce moment, entre ces avocats jetant leur robe et ces profs qui dansent le lac des Cygnes !
L'inventivité politique médiévale, pleine d'humour, pourrait peut-être inspirer les luttes de demain. Mais à condition de laisser les ânes tranquilles 😉 ! Notre article du jour à retrouver sur notre site : actuelmoyenage.wordpress.com/2020/01/23/mac…
• • •
Missing some Tweet in this thread? You can try to
force a refresh
Connaissez-vous les 7 péchés capitaux ? C'est comme les 7 nains, généralement on en oublie un...
En 1475, un enlumineur propose une superbe version illustrée dans un Livre d'heures copié à Poitiers (@MorganLibrary MS M.1001).
Un thread ⬇️!
On commence par l'orgueil, en latin "superbia". Le péché est représenté par un beau jeune homme s'admirant dans un miroir, monté sur un lion. En bas, le démon associé au péché est Lucifer, pointant vers une femme dédaigneuse et méprisante...
Numéro 2, l'envie. Incarné par Belzébuth, ce péché est symbolisé par la pie (oiseau voleur) et, en bas, par des gens qui convoitent le bien d'autrui.
Au XVe siècle, on se met à imprimer un peu partout en Europe. Mais l'imprimerie coûte cher et se lancer dans l'aventure exige souvent de dresser un contrat précis entre imprimeur, auteur, éditeur, libraire... Un thread à partir d'un ouvrage récent ⬇️!
Catherine Rideau-Kikuchi édite ici des contrats d'imprimeurs, trouvés dans les archives de plusieurs villes du nord de la péninsule italique, entre 1470 et 1528. Bravo à l'autrice car les recueils de sources sont toujours précieux ! @EditionsCG
@EditionsCG Ici, focus sur un contrat du 22 mai 1499, conclu à Bologne entre Filippo Beroaldo, humaniste, professeur de rhétorique à l'université, et Benedetto di Ettore Faelli, libraire et imprimeur.
Le plus souvent, on y représente des animaux plus ou moins fantastiques et des scènes du quotidien.
Mais, quand on y regarde de près, on s’aperçoit que ces scènes cachent parfois... des violences sexuelles. Un thread ⬇️!
Je vulgarise ici un excellent et passionnant article écrit par @M_PerezSimon et Delphine Grenet @Grenet81020939, dans ce volume. Merci aux autrices qui me l’ont envoyé et ont relu ce fil ! Poke @RCPPMassoc
@M_PerezSimon @Grenet81020939 @RCPPMassoc Les autrices rappellent que ces scènes de violence n’ont le plus souvent pas été vues ni nommées par les chercheurs. Ainsi de cette sculpture de cheminée de Bruges, intitulée « scène de séduction », alors que les gestes de la femme montrent qu'elle repousse une tentative de viol.
Au VIIIe-IXe siècle, les conquêtes arabes balaient la planète. Une question se pose aux gens : faut-il se convertir ? Au milieu du IXe siècle, Hunayn ibn Ishaq, un médecin chrétien de la cour du calife, distingue 6 raisons de se convertir à l'islam. Un thread ⬇️!
Je tire ce thread du livre suivant : Etienne de la Vaissière, Asie Centrale 300-850 (@BellesLettresEd), plus précisément p. 452-457 !
@BellesLettresEd 1/ La force. Lors des conquêtes, les conquérants imposent souvent l'islam à la pointe de l'épée. Mais cela ne dure pas, et ensuite on n'a aucune trace de violence d'Etat généralisée. L'apostasie est en théorie punie de mort mais c'est rarement appliqué.
C'est en forgeant qu'on devient... forgeronne ! Eh oui, au Moyen Âge, on rencontre des femmes forgeronnes dans les sources : pas dans la fiction, dans la vraie vie. Des femmes qui travaillent le fer et le feu, fabriquant armes et outils...
Un thread ⬇️!
Ces forgeronnes sont peu nombreuses. C'est logique. Les sources médiévales s'intéressent le plus souvent aux hommes, aux chefs de famille, et par ailleurs les femmes sont exclues des guildes ou corporations, et donc des sources de ces institutions.
Mais on en croise de temps en temps ! Ainsi de cette "Alice la Haubergière", c'est-à-dire littéralement "la fabricante de hauberts", active dans les années 1300-1310 à Cheapside (Angleterre), ou de "Eustacha l'Armurière", active en 1348.
Y a-t-il un "techno-féodalisme" ? Cette comparaison est très présente en ce moment...
Petit fil pour montrer 1/ pourquoi le concept est peu pertinent scientifiquement et 2/ pourquoi cette comparaison s'inscrit dans une histoire longue du médiévalisme ⬇️
L’hypothèse du "techno-féodalisme" : l'économie numérique a régressé vers des sites privés, qui seraient en fait de nouveaux « fiefs », dirigés de manière autoritaire par des patrons (= les nouveaux seigneurs), imposant leurs outils aux usagers (= les nouveaux serfs).
Selon ces deux auteurs en particulier, cette nouvelle économie serait "féodale" car articulée autour de la recherche d'un monopole et d'une rente, et pas du profit. Les techno-seigneurs (= Musk) toucheraient une rente, tout en se déconnectant du système de production.