Thread by @vincentglad

[Thread] Il y a urgence en France à aborder la question du contact tracing humain, angle mort de notre politique de déconfinement.

Si l'on opte pour cette stratégie, il faut dès maintenant mobiliser des moyens. Mais aussi réfléchir aux modalités de ce contact tracing.

Déjà, qu'est-ce que le contact tracing humain ? C'est une bonne vieille enquête épidémiologique, par tél ou sur le terrain, consistant à remonter les chaînes de contamination afin de les briser. C'est une des parties essentielles de ce fameux slogan: test, trace and isolate.

Ce serait en fait revenir à la stratégie qui prévalait au début de l'épidémie, avant qu'on bascule dans la fameuse phase 3. Une stratégie de prévention qui consiste à repérer les personnes contact et à cartographier la maladie pour pouvoir la maîtriser.

santepubliquefrance.fr/maladies-et-tr…

Ce travail avait été fait de manière efficace dans la station de ski de Contamines-Montjoie début février, cluster maîtrisé. En revanche, la gestion du cas de l'église évangélique de Mulhouse a été une catastrophe, l'épidémie a complètement échappé à notre système de prévention.

William Dab, ancien DGS: "Comme les Chinois l'ont fait, nous devrions investiguer les nouveaux cas, afin de comprendre comment ils ont été contaminés. Depuis la phase 3, il a été décidé de ne plus investiguer. C'est une erreur épidémiologique de base"

facebook.com/watch/live/?v=…

Le contact tracing humain est un travail minutieux, chronophage nécessitant de fortes ressources humaines. Delfraissy, prés du Conseil scientifique, chiffre les besoins entre 20.000 et 30.000 personnes. Les ressources actuelles ne dépassent pas "plusieurs centaines" de personnes.

On se dit fort logiquement qu'il faudrait massivement recruter, ou mobiliser des ressources existantes. C'est ce que font de nombreux pays. Merkel a annoncé mobiliser une task force de 20.000 personnes, la Belgique va recruter 2.000 contact tracers.

Mais en France, curieusement, cette question des ressources à mobiliser n'est pas dans le débat public. C'est pourtant urgent : il n'y a pas assez d'épidémiologistes ou de médecins de santé publique pour faire le travail, il faudrait donc recruter ET former des personnels.

On s'enferre dans le débat autour de l'app StopCovid mais on laisse totalement de côté cette problématique. C'est pourtant central pour définir le rôle de l'app : sera-t-elle une aide à ce travail humain ou l'app sera-t-elle chargée d'isoler les personnes contact toute seule ?

La mise en place d'une app nécessite de toute façon une forte mobilisation des services de santé publique. Un travail humain est obligatoire en support.

thehill.com/opinion/techno…

Jean-François Delfraissy, auditionné au Sénat : "Les Coréens ont une brigade de 20.000 personnes pour traquer les contacts. Il y a de l'humain derrière le numérique. Mais ça, on ne l'a pas en France ! Si on ne l'a pas, une app numérique ne marchera pas."

Il faut aussi dès maintenant mettre cette problématique sur la table pour réfléchir aux problématiques de vie privée. Parce que comme l'app, le contact tracing humain peut être extrêmement intrusif et pose la problématique de la gestion des données.

Question centrale : si l'on recourt à cette stratégie, qui en sera chargé en France ? Jusqu'à présent, ce sont les autorités sanitaires. Mais les expériences étrangères nous enseignent que cela peut être sous-traité à la police (Singapour) ou à l'armée (l'Allemagne l'envisage)...

On comprend l'enjeu : ce n'est pas du tout la même chose si l'on mobilise des étudiants en médecine ou si l'on fait appel au préfet Lallement pour faire l' job.

@yannguegan évoque une piste: les 19000 volontaires inscrits sur la liste pour aider l'AP-HP.

https://twitter.com/yannguegan/status/1252516706821517314

Bref, il faut que les autorités se positionnent sur cette question : va t-on miser sur le contact tracing humain comme le recommande le président du Conseil Scientifique ? Et si oui, avec quelles modalités ? Avec quelles ressources ? Avec quelles garanties pour la vie privée ?