Cet article soulignant l'importance de dire "je ne sais pas" fait écho à des questions qui à mon avis vont au-delà de la médecine.
Petite réflexion personnelle 🔽
Petite réflexion personnelle 🔽
Je ne suis pas médecin mais j'ai été chercheuse. Et dans ce contexte j'ai appris à raisonner sur la base de "on ne sait jamais, on a juste des incertitudes plus ou moins grandes et elles évoluent sans cesse avec l'arrivée de nouvelles données".
Sauf que pour dire ça avec exactitude, il faudrait sans cesser s'exprimer avec des phrases à rallonge, ce qui est pénible (à dire comme à écouter). Du coup les chercheurs ont repris le vocabulaire du quotidien, mais avec un sens un peu différent.
Tant qu'on reste dans un cercle professionnel, pas de soucis. Dès qu'on s'adresse à un public non spécialiste il faut être vigilant. Et c'est une partie du travail des médiateurs scientifiques, d'ailleurs : transmettre les informations ET le degré de certitude associé.
En général, à la louche, on se fait bien comprendre. Notamment parce qu'on vulgarise surtout les sujets sur lesquels on a des incertitudes réduites.
La donne a beaucoup changé ces derniers mois : le public est avide d'information sur un sujet que personne ne maîtrise.
La donne a beaucoup changé ces derniers mois : le public est avide d'information sur un sujet que personne ne maîtrise.
D'une part parce que c'est un sujet pluri-disciplinaire (virologie, médecine, épidémiologie, génétique, sociologie, informatique, économie... liste non exhaustive).
D'autre part parce que le virus à l'origine de tout ça est connu depuis seulement 4 mois. C'est-à-dire hier.
D'autre part parce que le virus à l'origine de tout ça est connu depuis seulement 4 mois. C'est-à-dire hier.
Une solution est de ne s'exprimer que si on a des quasi-certitudes. Donc de quasiment ne rien dire.
Une autre est d'essayer de faire toujours passer conjointement info + degré d'incertitude, mais c'est fatigant et même en essayant, des fois, on rate.
Une autre est d'essayer de faire toujours passer conjointement info + degré d'incertitude, mais c'est fatigant et même en essayant, des fois, on rate.
Une troisième correspond à la posture évoquée dans l'article en début de thread : faire comme si on savait et asséner des vérités qui n'en sont pas vraiment.
Si vous suivez un peu les médias généralistes, vous aurez constaté que cette dernière posture prend beaucoup de place.
Si vous suivez un peu les médias généralistes, vous aurez constaté que cette dernière posture prend beaucoup de place.
Parce que le problème n'est pas juste que les "spécialistes" acceptent de dire qu'ils ne savent pas. Il faut aussi que l'audience accepte d'entendre qu'on ne sait pas.
Et ça non plus, ce n'est pas gagné. Surtout en ce moment.
Et ça non plus, ce n'est pas gagné. Surtout en ce moment.
Pas parce que les gens seraient trop bêtes pour comprendre. Mais simplement parce qu'ils sont inquiets et veulent savoir.
Un message qui tient en une phrase diffuse mieux qu'un message qui tient en dix lignes, même s'il est moins juste. Surtout dans l'avalanche d'infos actuelle.
Un message qui tient en une phrase diffuse mieux qu'un message qui tient en dix lignes, même s'il est moins juste. Surtout dans l'avalanche d'infos actuelle.
Il y a des tas de gens qui passent leur temps à expliquer qu'on ne sait pas (et pour être honnête ils sont plus visibles que je ne l'aurais anticipé, dans ma bulle en tous cas) mais tant qu'il y aura quelques personnes pour affirmer sans nuance elles auront plus d'impact.
A nous en tant que public de plébisciter les prises de parole nuancées. De les mettre en avant.
Aux journalistes de ne pas interroger plusieurs "experts" jusqu'à en trouver un qui soit affirmatif et ne citer que celui-là parce que son message est plus simple.
Aux journalistes de ne pas interroger plusieurs "experts" jusqu'à en trouver un qui soit affirmatif et ne citer que celui-là parce que son message est plus simple.
Acceptons, collectivement, de ne pas savoir. Apprenons à le dire et apprenons à l'entendre.
En ayant conscience qu'on ne saura jamais vraiment mais, qu'avez le temps et les données, on deviendra de moins en moins ignorants.
En ayant conscience qu'on ne saura jamais vraiment mais, qu'avez le temps et les données, on deviendra de moins en moins ignorants.
Mais attention à l'excès inverse : évitons de tomber dans un scepticisme exagéré. On n'est jamais sûrs et certains de rien, mais il y a quand même des choses sur lesquelles notre degré de certitude est suffisamment important pour qu'on puisse se passer de précautions superflues.
Je ne vais pas exemple pas mettre de conditionnel si je vous dit que la Terre tourne autour du Soleil, que le savon mousse ou que le SARS-CoV-2 est un coronavirus. Parce qu'il faudrait vraiment des arguments très lourds pour me convaincre du contraire.
Il n'empêche sur si on me présente ces arguments un jour, je suis prête à rajuster mon degré de certitude.
Bref, le "savoir" est une notion pleine de nuances. Pas toujours formulées mais toujours existantes. Ne l'oublions jamais, surtout en ce moment.
Bref, le "savoir" est une notion pleine de nuances. Pas toujours formulées mais toujours existantes. Ne l'oublions jamais, surtout en ce moment.
