Dans tout l’Occident, les XIIe et XIIIe siècles sont marqués par une expansion urbaine sans précédent. La croissance économique aidant, les anciens centres urbains se repeuplent et de nouvelles villes apparaissent un peu partout
A partir du XIe siècle, les communautés urbaines revendiquent et obtiennent, parfois de haute lutte, des chartes de franchise leur accordant un certain degré d’autonomie. Le mouvement communal, né dans la péninsule Italique, gagne ensuite toute l’Europe du Nord.
Le modèle communal donne lieu à des institutions globalement similaires d’une ville à une autre. Le plus souvent, la commune est dirigée par un collège de consuls chargés de l’administration urbaine, du prélèvement des impôts et parfois de la justice.
Leur nombre est souvent très symboliquement fixé à douze, tendant à identifier ces magistrats aux apôtres du Christ...
Au cours du XIIIe siècle, on voit souvent apparaître un à quatre notables chargés de présider le conseil et même, lorsque la ville est suffisamment autonome, de conduire sa politique extérieure. C’est le maire, aussi appelé bourgmestre
Il faut cependant souligner qu’existent une foule de cas particuliers, car chaque ville a sa propre histoire dont les institutions sont le reflet. Consuls, capitouls, échevins, maires, jurés, bourgmestres,... Une grande variété sémantique et politique !
Partout, la commune fait émerger un modèle représentatif associant la population, ou du moins une partie de celle-ci, à la décision politique. L’intronisation des magistrats constitue notamment un temps fort de la vie civique
Dans les pays allemands, l’assemblée se tient tous les ans à date fixe, généralement sur la place principale, devant l’hôtel de ville. L’ancien et le nouveau conseil se présentent à la foule et prêtent serment de servir la communauté.
La cérémonie est aussi l’occasion de réaffirmer les fondements (réels ou réimaginés) sur lesquels repose la communauté civique. On en profite pour lire à haute voix les statuts de la ville... et, le cas échéant, pour actualiser, plus ou moins discrètement, le droit !
En Allemagne du Sud, la communauté des bourgeois renouvelle le « serment des bourgeois » qui fonde symboliquement la communauté civique (celle-ci est, au sens strict, une "conjuration", con-juratio). Les consuls rappellent en public qu’ils ont été élus « pour le commun profit ».
Qu’on ne s’y trompe pas : ces institutions ne sont pas « démocratiques ». En Allemagne, les consuls sont nommés à vie et choisissent eux-mêmes les remplaçants de leurs confrères décédés... Ce qui évidemment renforce la domination d’une petite élite
Si le nouveau conseil est intronisé et acclamé chaque année, un processus que les sources nomment parfois "electio", le processus n’a donc rien d’une élection au sens moderne.
L’idée, pourtant, est dans l’air. À Brême, un statut de 1246 stipule ainsi que « les consuls seront désormais, comme c’était le cas autrefois, nommés par la communauté des bourgeois »... mais très vite l’élite marchande revient sur ce principe !
À Kampen aux Pays-Bas, un texte du XIVe siècle précise que selon la coutume, la communauté peut choisir d’élire les échevins. Dans la marge, un commentateur a ajouté : « et alors le peuple rentre chez lui pour manger » – étonnant témoignage sur l’abstention au Moyen Âge !
Cette « communauté des bourgeois » censée participer à la vie civique n’inclut que les artisans et petits propriétaires. Exit les clercs, les locataires, les femmes, les juifs ou encore les étrangers : il n’a jamais été question de mettre en place un suffrage universel...
Les consuls cherchent quand même à mettre en place une forme de représentativité. A Dortmund, les six principales corporations de métier sont autorisées à désigner chacun deux électeurs, qui « choisissent » ensuite six membres de l’élite
Ce conseil de 18 membres est ensuite chargé de désigner les personnes qui pourront « commander la communauté de Dortmund ». Eh oui : au Moyen Âge, pas facile de rafler la mairie... !
Un mari jaloux, une femme adultère, et des perroquets... Ce sont les ingrédients d'un conte du Moyen Âge, datant du XIVe siècle.
Je vous le raconte ! Un thread ⬇️
Ce conte est inséré dans un roman, Le Chevalier errant, écrit à la fin du XIVe siècle par Thomas de Saluces.
C'est l'histoire d'une femme "mal mariée", autrement dit mariée à un vieil homme (motif classique des fabliaux). Jaloux, il la fait surveiller par trois "papegaux", ces oiseaux qu'à l'époque on ne nomme pas encore des perroquets...
Cette année, en partenariat avec @Histoirepublik, @boite_histoire et @maglhistoire, je co-organise et co-préside le premier Prix du Jeu de Société Historique !
Un thread pour vous présenter ce prix... ⬇️
Le but de ce prix est de récompenser un jeu, publié en 2024, qui utilise l'histoire, la réinvente, s'en sert pour proposer une expérience ludique. Tous les types de jeux, tous les formats sont éligibles. Voilà un texte qui présente le Prix !
Pour cette première édition, le jury se compose de 5 historiens et historiennes (Martin Gravel, Soizic Croguennec, Claire Milon, Pauline Ducret et moi-même), de Julia Bellot, journaliste à @maglhistoire, et de Romane Penet, stagiaire à @boite_histoire
On est en 607 après J.-C., dans le domaine royal de Bruyères.
Une terrible dispute oppose Brunehaut, la grand-mère du roi, et Colomban, un moine irlandais. Celui-ci vient en effet de traiter les princes de... fils de pute 🗯️🤬.
Un thread ⬇️!
Revenons en arrière. Brunehaut, veuve du roi Sigebert d'Austrasie, grand-mère de l'actuel roi Thierry II, est une femme puissante, qui a la charge des enfants du roi. Elle les mène devant Colomban, célèbre abbé de Luxeuil, pour obtenir sa bénédiction. Mais celui-ci refuse !
Pire : il les insulte, en disant "ils ne deviendront jamais rois, car ils nés d'une prostituée".
La colère de Brunehaut est terrible et Colomban paye cher sa provocation, car il est chassé de son monastère. Mais comment comprendre ce clash ?
Comment ça, vous ne connaissez pas ce mot ? "Gaber" ? C'est un verbe médiéval, qui veut dire se moquer des autres en se vantant.
Selon une légende, Charlemagne aurait lancé un concours de gabs à la cour de Byzance... Un thread ⬇️!
Dans Le pèlerinage de Charlemagne, une chanson de geste du XIIe siècle, Charlemagne et ses chevaliers en route pour Jérusalem se retrouvent à Constantinople, à la cour de l’empereur byzantin nommé Hugon. C'est bien sûr une scène fictive.
Une nuit, Charlemagne et ses chevaliers, bien bourrés, se lancent dans un concours de gabs. Il s'agit donc de se vanter d'accomplir un truc incroyable, en essayant de surpasser celui qui vient de parler.
Un peu comme une battle de rap, quoi.
Connaissez-vous les 7 péchés capitaux ? C'est comme les 7 nains, généralement on en oublie un...
En 1475, un enlumineur propose une superbe version illustrée dans un Livre d'heures copié à Poitiers (@MorganLibrary MS M.1001).
Un thread ⬇️!
On commence par l'orgueil, en latin "superbia". Le péché est représenté par un beau jeune homme s'admirant dans un miroir, monté sur un lion. En bas, le démon associé au péché est Lucifer, pointant vers une femme dédaigneuse et méprisante...
Numéro 2, l'envie. Incarné par Belzébuth, ce péché est symbolisé par la pie (oiseau voleur) et, en bas, par des gens qui convoitent le bien d'autrui.
Au XVe siècle, on se met à imprimer un peu partout en Europe. Mais l'imprimerie coûte cher et se lancer dans l'aventure exige souvent de dresser un contrat précis entre imprimeur, auteur, éditeur, libraire... Un thread à partir d'un ouvrage récent ⬇️!
Catherine Rideau-Kikuchi édite ici des contrats d'imprimeurs, trouvés dans les archives de plusieurs villes du nord de la péninsule italique, entre 1470 et 1528. Bravo à l'autrice car les recueils de sources sont toujours précieux ! @EditionsCG
@EditionsCG Ici, focus sur un contrat du 22 mai 1499, conclu à Bologne entre Filippo Beroaldo, humaniste, professeur de rhétorique à l'université, et Benedetto di Ettore Faelli, libraire et imprimeur.