La page parodique de Wikipédia sur « une femme » permet d'attirer l'attention sur l'invisibilisation des femmes dans les médias (coucou @PepiteSexiste). Or il s'agit là d'une tendance structurelle qu'on observe déjà dans la majorité des sources médiévales. Un thread ⬇️ !
Dans les chartes médiévales, en effet, il n'est pas rare de croiser des femmes qui ne sont pas nommées. Elles sont fréquemment identifiées par rapport à un homme : elles sont « mère de Pierre », « femme de Jean », « fille de Paul », etc.
Mais leur prénom individuel n'a pas été conservé par le scribe ou le notaire, alors même que souvent elles jouent un rôle important dans l'échange foncier ou économique dont traite la charte.
Un exemple, parmi littéralement des milliers possibles, rapporté par le médiéviste François Rivière @Cartulaire21 :
Même bilan du côté des chroniques, où l'on croise des femmes qui jouent un rôle politique majeur, mais dont aucune source ne donne jamais le nom...
On peut prendre l'exemple de la fille d’Isaac Comnène, dirigeant de Chypre à la fin du XIIe siècle. Cette princesse grecque est capturée par Richard Cœur de Lion, envoyée en Occident, épouse Raymond VI, comte de Toulouse, puis Thierry de Flandre...
… Puis elle revient en 1204 en Orient pour réclamer aux Lusignans son héritage, en vain, et trouve enfin refuge à la cour du roi arménien Lewon Ier. En quinze ans, la jeune fille est ainsi apparue plusieurs fois au premier plan des jeux politiques...
...Mais aucune source ne la nomme jamais : elle n’est connue que comme la « Damoiselle de Chypre ».
Evidemment, on trouverait facilement des centaines – voire des milliers – de femmes nommées dans les sources, qu'elles soient reines, nonnes, marchandes, car les femmes jouent des rôles très divers au Moyen Âge. Reste qu'on a bien là une tendance de fond.
Dans les Lignages d'Outremer, une compilation de la généalogie des principales familles nobles de l'Orient latin, cinquante filles de seigneurs restent anonymes, contre seulement dix-huit fils – alors même que le texte mentionne moins de femmes et plus d'hommes.
En Italie du sud, Thierry Stasser note qu'environ 30 % des épouses, mères ou filles ne sont jamais nommées. La proportion peut être encore plus forte : dans la Chronique de Morée, rédigée au XIVe siècle, seules dix femmes sont nommées, contre plusieurs centaines d'hommes.
Les femmes qui interviennent dans l'action – et, là encore, pour des rôles essentiels : défendre un château, conclure un traité, etc. – sont identifiées comme « la mère d'un tel » ou « l'épouse de tel seigneur », ou au mieux comme « les princesses », « les dames », etc.
Cet anonymat généralisé a souvent poussé les historiens à... inventer des noms. C'est le cas par exemple de l'épouse arménienne de Baudouin Ier, roi de Jérusalem, prénommée « Arda » par un éditeur italien du XVIIIe siècle, alors qu'aucune source médiévale ne cite jamais ce nom.
Comment comprendre cette invisibilisation ? L'auteur de la Chronique de Morée connaît forcément les prénoms de ces femmes nobles. Il choisit donc de ne pas les citer, preuve qu'il n'y accorde aucune importance. Le rôle de la femme appartient à l'histoire ; pas son identité.
Difficile de ne pas voir ici certaines continuités avec des journalistes contemporains qui se contentent d'écrire « une femme élue à la tête de tel pays » ou « une femme monte l'Everest ». Dans les deux cas, on mentionne l'acte, mais en gommant autant que possible l'actrice
Certains auteurs médiévaux vont même plus loin. Ainsi, plusieurs versions de la continuation en ancien français de Guillaume de Tyr effacent Marie de Jérusalem, épouse de Jean de Brienne, et décrivent une cérémonie de couronnement où seul son époux reçoit la couronne.
Ce qui est d'autant plus incompréhensible que c'est Marie l'héritière, Jean ne devenant roi que grâce à son mariage avec elle ! Raconter le couronnement sans mentionner Marie, c'est donc livrer un récit qui n'a aucun sens...
Pour que les historiennes et historiens du futur n'aient pas à se demander, comme le fait T. Stasser pour l'Italie du XIe siècle, « où sont les femmes », il est grand temps de prendre l'habitude de les nommer systématiquement. Notre article du jour : actuelmoyenage.wordpress.com/2020/07/23/une…
Ces petits gribouillages n'ont l'air de rien... mais ce sont des devoirs scolaires qui datent du Moyen Âge ! Et ces dessins nous en disent très long sur la culture de l'époque.
Un thread ⬇️! (inspiré de celui de @BatallitasX que je remercie) #histoire #medievaltwitter
En 1951, des archéologues soviétiques ont commencé à déterrer des manuscrits médiévaux dans la ville de Novgorod. Des manuscrits spéciaux, car écrits sur... des écorces de bouleau, un matériau peu coûteux et résistant ! On appelle cela des gramota.
Ces textes sont des lettres, des listes de courses, etc. Conservés dans les sols humides de la région, ils ont permis une fascinante plongée dans la vie quotidienne de ces populations.
Vous connaissez sûrement Robinson Crusoé. Mais saviez-vous que cette histoire s'inspire d'un texte qui date... du Moyen Âge ? Et avant d'être un roman d'aventure, c'était un conte philosophique musulman... Un thread ⬇️! #histoire
À la fin du XIIe siècle, ibn Tufayl, un médecin et philosophe andalou, écrit un petit roman philosophique intitulé "Hayy ibn Yaqdhan".
Souvent édité en français sous le titre "L'éveillé ou le philosophe autodidacte" (trad. L. Gauthier)
C'est l'histoire d'un homme qui naît seul sur une île, sans père ni mère, et qui y grandit seul. Petit à petit, son esprit se forme et se développe.
"Quel est le plus grand désir des femmes ?
- Dominer les hommes !"
Ce dialogue ne vient pas d'une affiche féministe d'ajd, mais d'un poème anglais du XVe siècle, un texte d'une étonnante modernité...
Un thread, pour cette #JourneeDesDroitsDesFemmes ⬇️ !
Ce poème s'appelle "Le Mariage de Sire Gauvain et Dame Ragnelle". Dans ce texte, le roi Arthur part à la chasse dans une forêt hantée. Il suit un cerf, se retrouve tout seul, tue l'animal. Arrive alors un chevalier très fâché contre Gauvain, donc contre Arthur...
Le chevalier propose à Arthur soit de le tuer tout de suite (merci non merci), soit qu'il revienne dans un an, tout seul : et alors, soit il aura la réponse à son énigme, soit il devra accepté d'être tué. C'est une scène typique des textes arthuriens.
Je reviens sur cet éloge du Seigneur des Anneaux (SdA) par un militant de l'extrême droite. Peut-on voir dans le SdA un message identitaire ? Sans aucun doute. Mais pas seulement... Petit thread ⬇️
Le SdA "tellement identitaire", c'est pertinent : les ennemis qui appartiennent à une race diabolique, le retour d'un roi qui rétablit les anciennes traditions, l'éloge à la fois de l'héroïsme militaire (Aragorn) et de la vie simple rurale (Hobbits), etc.
MAIS... !
Mais, donc, le truc c'est qu'on peut faire EXACTEMENT la lecture inverse : union de peuples et de races différentes, qui se battent pour la liberté contre une autorité totalitaire (Sauron est LE symbole du pouvoir panoptique), sur fond d'un refus du pouvoir (Galadriel, Gandalf)
Cette émission de @blast_france relit (réécrit) l'histoire de France à la sauce extrême gauche : ici, de Clovis à Charlemagne.
Malgré un effort pour citer sources et travaux d'historiens, le prisme militant est si fort qu'il entraîne approximations et anachronismes.
Un thread⬇️ !
Le cœur du message politique est clair et assumé : les rois du Haut Moyen Âge sont des aristocrates cruels et manipulateurs, une "mafia", exploitant le peuple dans une continuité totale avec les dominations contemporaines.
Pacôme Thiellement porte d'abord une vision assez complotiste de l'Eglise catholique, dont il fait l'héritière et la continuatrice de l'Empire romain. Disons que c'est plus complexe et que la citation ici mise en avant me semble assez fausse (en plus d'être anti-cléricale).
Je termine la lecture de ce livre, issu d'une thèse. L'autrice travaille sur les illustrations des ouvrages historiques entre 1814 et 1848, époque où l'illustration se généralise. Un thread ⬇️!
Margot Renard montre que les images ne sont pas uniquement là pour illustrer ou pour décorer : il s'agit bien pour les auteurs de trouver une formule afin de rendre leurs livres efficaces...
Ce qui est crucial puisqu'au XIXe siècle l'histoire devient le ciment d'une nation en construction. Il faut faire aimer l'histoire de France, et, très littéralement, mettre des images dans la tête des gens.