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Dernier jour de vacances d'été, récit. Coincée depuis 9 heures dans un TGV @SNCF Pau-Paris et nous sommes arrêtés... un peu après Bordeaux. (1/n) Thread tentant de transcender cette expérience ⤵️
Chronologie. 9h45: départ du train depuis Pau. 10h15: arrêt inopiné à Puyoô. 10h45: annonce que nous restons arrêtés pour une durée indéterminée car un "caténaire a été arraché". Déjà, les passagers flairent le roussi... Mais sont loin de se douter de ce qui les attend.
10h45: annonce que nous serons bloqués pour au moins 2h. 11h15: annonce que nous serons bloqués au moins 4h. 12h: annonce que nous serons bloqués au moins jusqu'à 15h ! Arrive alors...
Un membre du "COS": le "centre d'opérations spéciales" de la @SNCF. Cette division fait-elle partie de l'armée de terre ?! @jdomerchet. Quoiqu'il en soit, il annonce froidement que le caténaire a été arraché par un TER et que c'est un "désastre". Nous repartirons peut-être à 18h.
Déjà, plusieurs questions nous taraudent. 1) Comment un TER peut-il arracher un caténaire ? "- avec les fortes chaleurs", suggère le contrôleur, énigmatique.
2) Pourquoi la @SNCF n'affrète-t-elle pas un bus pour nous acheminer à Bordeaux, et de là partir en train ? "Il y a des choses que je ne peux pas vous dire"... glisse le contrôleur avec un sourire légèrement édenté, plus romanesque de minute en minute
#complot
3) Comment s'appellent les habitants de Puyoô ? Et la @SNCF fera-t-elle de nous aujourd'hui... des Poôyeux ?
Désespérés, allons adresser nos prières à l'église de Puyoô. Puisse Notre-Dame-de-Lourdes insuffler au COS le pouvoir de faire repartir notre train et réparer le caténaire !
Récession qui ? La boulangerie de Puyoô réalise sa meilleure journée de l'année. Placide, le boulanger écoule ses petits pains aux parisiens lui demandant les spécialités locales de Puyoô.
A moins que la @SNCF ne choisisse les artisans conserveurs du Béarn pour nos plateaux repas.... 🙏
L'occasion de faire de belles emplettes à la pharmacie de Puyoô
En espérant ne pas dormir dans ce centre ce soir...
Déjà l'effet domino se déroule inlassablement. Les agents, empêchés de se rendre à Dax, ne peuvent plus conduire les TER, irrémédiablement annulés, sans autre forme de procès.
Sur le quai, des passagers organisent des sitting, jouent de la guitare, boivent de la bière, contemplent un entrepôt. #LaVieÀPuyoô. D'autres appellent leur famille. Le membre du COS se montre de plus en plus fuyant sous les assauts des passagers. Une stratégie militaire savante.
Altercation avec le contrôleur d'un passager, qui, prenant l'air en comptant sur la solidarité des passagers coincés dans ce bourbier, s'est fait chiper son ordinateur ! Annonce sonore : "le passager qui a pris par erreur un ordinateur est prié de le rapporter, sans sanction"
Puis à 14h, le COS prend une décision : nous partons pour Bayonne ! Et de là rejoindrons Dax et Bordeaux. Très bien mais pourquoi ne pas l'avoir fait plus tôt ?! #specialforces
Si seulement le livre que j'avais emporté avait pu me donner un indice...
14h30: arrivons à Bayonne, l'heure à laquelle nous aurions dû arriver à Paris. Mais les passagers n'ont pas l'âme au Paquito et n'aiment pas être pris pour des jambons.
Croyons alors nous en sortir avec 4 à 5h de retard. Et c'est le drame: vers 17h, au beau milieu des Landes à Morcenx, notre TGV s'arrête en pleine voie pour un "problème de motrice". Mais qu'est-ce qu'une motrice ? Notre chauffeur s'en va la réparer.... ou du moins le croit-il
17h30 : arrivons à Bordeaux 8 heures après notre départ, un trajet de 200km qui se fait normalement en 2h en TGV comme en voiture. Les passagers ont besoin de grands vins mais le bar est vide, après avoir lui aussi fait son chiffre d'affaires de l'année (#SouvenirDePuyoô)
À Bordeaux c'est la débandade, les colonies de vacances s'achèvent dans la douleur. Ici les passagers ont la peur au ventre : devront-ils poser un congé demain à cause de ce maudit train ?!
Repartons finalement avec un retard annoncé de 6h pour un trajet qui devait en durer 4. Pensons nous en sortir ainsi. Mais la vie nous réserve d'autres surprises, et la @SNCF aussi... Mes pensées vont, émues, à @Japonline qui en fait souvent l'expérience.
15 minutes après Bordeaux, notre coeur flanche quand le TGV ralentit en rase campagne et s'arrête. Les voyageurs ont des rites nerveux, laissent s'échapper des cris de colère, font des pronostics, et oublieux de tout, tombent parfois les masques avant de les remettre promptement.
Au bout de 30 minutes d'attente l'annonce tombe comme un couperet : la motrice n'est décidément pas réparée ! Notre chauffeur s'y attèle. Mais la voix du contrôleur charrie peu d'espoir, et même une grande lassitude. Un bambin grimpé à Bordeaux réclame "Paris" ! #Rastignac #Sorel
30 minutes plus tard nous comprenons être soumis à un test de résilience pour entrer aux forces spéciales du COS. Le chef de bord annonce... que la motrice est décidément cassée et qu'il espère que nous pourrons... revenir à Bordeaux !
Revenir à Bordeaux, qui serait un sentiment d'échec et de non-sens terrible pour les voyageurs, nous est désormais présenté comme un espoir, une chance. Autrement, serons-nous hélitroyés de cette sombre périphérie ? Devrons-nous utiliser nos guibolles pour revenir à Bordeaux ?
Imbibée de la philosophie du Voyage de Céline, que j'ai terminé il y a plusieurs heures, je suis envahie du nihilisme et de la lassitude du narrateur. Devrai-je poser en pure perte un de mes précieux congés en lesquels je place tant d'espoirs ? Quelle est le but du travail ?
19h30, soit dix heures (!!) après notre départ de Pau la bien-aimée, nous retournons à Bordeaux. Et les passagers découvrent, la mort dans l'âme, qu'ils ne seront remboursés qu'à 75% d'un billet qui en coûtait déjà bonbon (environ 130 euros par tête de pipe)
Alors, les passionnés de droit, pour trouver une solution autant qu'une occupation, cherchent la jurisprudence en ligne: peut-on espérer un remboursement à 100%, voire un dédommagement pour ce qui a été infligé à notre dernière journée de congés payés d'été, si sacrés? #LaFrance
D'après l'article 1150 du Code civil, on ne peut être remboursé que des dommages prévisibles au moment de la formation du contrat. En 2012, un gus qui avait demandé 500€ pour "l'énervement et l'inquiétude éprouvés" a été débouté par la Cour de cassation
courdecassation.fr/jurisprudence_…
20h, arrivons de nouveau à Bordeaux. Attendons alors un nouveau train qui doit nous porter le salut. Mais notre patience est de nouveau testée : nous ne devrons pas monter dedans avant que les wagons ne soient renumérotés et nettoyés. Le bambin pleure, crie.
Devons-nous monter un collectif de voyageurs pour obtenir remboursement à 100% et compensation ? Devons nous plaider le geste commercial ? #AppelAuxJuristes @SNCF @ouisncf @JPFarandou
Désespéré, ce trekkeur qui avait laborieusement reconstitué son capital détente après le stress du confinement est redevenu une boule de nerfs... et envisage le pire
Le nouveau TGV est là. Les voyageurs, tous masqués, sont impressionnants de discipline et attendent l'autorisation officielle de monter même si l'on sent que le 1er à mettre un pied dans ce train déclenchera un mouvement de foule. #Danger.
20h30. Après près de 11 heures aux bons soins de @SNCF, depuis notre départ de Pau à 9h45, nous quittons Bordeaux. Mon corps ne connaît plus que le train, comme un escargot sa coquille. Je pense train, je respire train, j'attends train.
C'est la cohue, le tohu-bohu, la cohue-bohue pour obtenir les précieuses petites boîtes orange labellisées "assistance repas". Elles périmeront en mai 2021, signe que le COS sait thésauriser et gérer durablement ses stocks. Mais n'espérons pas des sushis.
Arrivée prévue à Paris vers 22h40, 13 heures après notre départ de Pau. Je salue néanmoins, de même que d'autres passagers, la patience et la sollicitude du personnel à bord qui a subi comme nous ces difficiles conditions et tenté de faire au mieux. La nuit est là.
Bilan: Avons gagné Paris à 22h50, 13h05 après notre départ de Pau. Le conducteur dit que nous serons remboursés à 100%. Avons mangé salade maïs-thon et fraises tagada. Plus aucun papier toilette dans les waters. Enfants de colonies ont retrouvés leur parents émus sur le quai.
Pudique, le panneau des arrivées de la gare Montparnasse affiche des retards de 5h ou 6h maximum, des trains à l'heure. Mais qu'importe, car enfin, c'est Paris ! Ville ravissante, ville capitale, nous t'avons tant aimée, tant attendue ! Ah, Paris !
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