Un des articles les plus difficiles qu'il m'ait été donné de faire, car à la croisée d'un sujet de fond et d'une couverture médiatique sur lesquels je suis ambivalent. Plongée dans les méandres des zones d'ombre éditoriales (et agricoles) d'un bon fromage.
Le fond d'abord : l'AOP comté n'est pas ce qui se fait de pire, elle est d'ailleurs particulièrement vertueuse sur un plan socio-économique par rapport à bien d'autres produits alimentaires français. Pas de crise du lait en Franche-Comté, les éleveurs vivent de leur travail.
En termes environnementaux, l'AOP est aussi nettement plus durable que l'industrie agroalimentaire bretonne, pour prendre un exemple connu. Mais elle a le malheur d'exister dans un écosystème particulièrement fragile, et autrefois mondialement réputé pour sa pêche à la mouche.
Revenons au journalisme : côté national, c'est assez simple, on voit bien ici comment les angles en amont (bon goût, artisanat+paysages, vertu économique pour les éleveurs) guident des articles et reportages où le manque de recherches et de complexité créent un angle mort majeur.
Du côté de la #PHR, mon sentiment est que la @VoixduJura fait un choix éditorial de fond qui est de ne pas considérer la pollution des rivières comme un problème, pas plus que l'illégalité de l'usage non autorisé du casse-caillou qui fragilise encore plus les sols.
Chez @leprogres_jura, j'ai l'impression que la faiblesse des moyens humains, et un siège régional à Lyon (donc éloigné) ne permettent pas d'en faire une priorité éditoriale : le quotidien se repose quasi-exclusivement sur le cousin du groupe @EBRApresse qu'est @lestrepublicain.
C'est chez @lestrepublicain, le quotidien du Doubs, que ça se complique : pas d'omerta à proprement parler, mais pas non plus une priorité éditoriale, avec un journaliste non-spécialisé qui produit 80% des papiers sur le sujet de sa propre initiative et via sa veille personnelle.
Et là, on rentre plutôt dans les travers traditionnels de la #PQR et de la #PHR : des papiers ponctuels dépendant des actions des uns et des autres, souvent trop courts, sans interpellation systématique des interlocuteurs du débat, @CollectifSoslrc et le syndicat de l'AOP.
Ajouté de l'absence de réflexion éditoriale pour sortir le sujet de la région (où tout le monde sait qu'agriculture=comté). Résultat : il faut @lemondefr pour qu'une meule de comté fasse l'objet d'une Une liée à la pollution, 10 ans après le début de la mort des rivières.
Qu'est-ce que je veux dire en évoquant le concept de priorité éditoriale pour un journal local ? Eh bien, par exemple, ce que fait @lamontagne_fr avec le service ferroviaire déplorable : interpellation du ministre, Unes et éditos à répétition, enquêtes, appel au public.
Le journal est alors moteur de changement, incitatif envers les pouvoirs publics et économiques, plutôt que dans un seul relais relativement passif de ce que font les autres acteurs régionaux. Il me semble que sur certaines questions, c'est là qu'est son honneur.
Par exemple, si les journaux de France 3 Franche-Comté n'ont pas forcément adopté pour priorité la pollution par les producteurs de comté, la chaîne a permis à une de ses journalistes de tenir un blog pro sur la question, passionnant à lire d'ailleurs. france3-regions.blog.francetvinfo.fr/vallee-de-la-l…
Certains des journalistes locaux concernés sont en total désaccord avec ma perspective. Mais j'ai aussi vu que des commentateurs franc-comtois du Monde et d'ASI découvraient sous nos contenus la responsabilité de l'AOP comté dans l'état déplorable de certains cours d'eau.
PS : la vidéo du Monde n'échappe pas à la critique des associatifs, par sa fin en forme de note d'espoir raisonnable. Elle est liée au choix du format "journalisme de solutions" de la rubrique plan B... qui, dans ce cas-là, semble représenter une limite.
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Toujours cette épuisante dualité des médias Bolloré : le néo-fascisme décomplexé ET l'incompétence journalistique la plus crasse (Nassira ne collabore plus avec Radio France depuis la rentrée 2022)
N'oublions pas, cependant, la veulerie de la direction de France Inter qui "comprend" l'avalanche de commentaires racistes ayant confirmé, s'il en était besoin, la teneur du tweet initial de Nassira. mediateur.radiofrance.com/non-classe/les…
Grosse grosse journée pour la direction de France Inter.
"The desire for a wise guide - a sort of prophet who boldly leaps across multiple disciplines to provide simple, readable, confident answers, tying it all together in page-turning stories - is understandable. But is it realistic ?"
"Science populists are gifted storytellers who weave sensationalist yarns around scientific “facts” in simple, emotionally persuasive language. Their narratives are largely scrubbed clean of nuance or doubt, giving them a false air of authority"
⬆️ Fonctionne aussi avec les oeuvres de Jared Diamond, Niall Ferguson et autres "conteurs d'histoires de l'humanité" : ça se lit bien, ça procure la sensation d'éclairer le temps long... et c'est inévitablement bâti sur des histoires truffées d'erreurs. student-journals.ucl.ac.uk/pia/article/id…
Je déterre ce thread puisque la questions des citations "à la française" (c'est-à-dire non fidèles au propos oral) ressort ce jour. Et que je voudrais ajouter une solution que je ne proposais pas en 2019 mais que je pratique maintenant.
Désormais, soit je respecte l'oralité quitte à découper la citation en morceaux si c'est illisible, *soit* je propose directement relecture des citations, et je me permets de les retravailler (le plus légèrement possible pour ne pas casser la musique de la personne).
Ça ne fonctionne évidemment qu'à condition d'avoir le temps de ces échanges supplémentaires... et d'être prêt à gérer une fois par an la personne qui imagine que la relecture des citations est un blanc-seing pour dire autre chose qu'à l'oral (non).
Lire les commentaires et QRT de ce tweet constitue une bien belle mise en abyme de l'angle de l'article de @PaulineBock. Autant considérer @Reporterre comme antinucléaire pourquoi pas, autant faire de même avec @ContexteEnergie me semble légèrement excessif.
Il est en tout cas vraiment très dommage qu'EDF n'ait pas daigné répondre malgré ses armées de communicants ! On aurait vraiment beaucoup aimé savoir ce qu'en pensait l'une des principales entreprises du secteur, dont des salariés insultent des journalistes sur LinkedIn.
Il y a quand même deux trucs qui me chiffonnent avec cet écosystème pro-nucléaire que je suis depuis longtemps sur les réseaux sociaux, et ce n'est pas qu'ils ne sont pas assez gentils avec les journalistes. arretsurimages.net/articles/clima…
Que voilà un bon exemple de confusion médiatique : sur le même plateau, deux "économistes" discutent de la mondialisation et des inégalités. Pas de raison de croire l'un plus que l'autre au premier abord, n'est-ce pas ?
Maintenant, ajoutons un éclairage tout simple, trouvable en deux clics par les journalistes produisant l'émission : les pages Scholar de chacun de ces deux "économistes", ici donc invités pour parler des inégalités. Je vous laisse regarder, on se retrouve au tweet suivant.
Nous avons donc un enseignant en management sur notre gauche, dont le travail de recherche porte sur le management ("sciences de gestion" en France, oui c'est trompeur). Et sur notre droite, un économiste spécialiste des inégalités de tout premier plan scientifique.
"The 12-volume compilation of the Holy See’s documents on the Second World War, completed in 1981, which to date has constituted the official record of Vatican activity during that period, contains no reference to the negotiations", writes @DavidKertzer.
"There is no indication that the pope ever brought up the Nazis’ campaign against Europe’s Jews as an issue. (Nor, for that matter, was the pope then expressing any opposition to Mussolini’s own “racial laws” as long as they affected only Italy’s Jews.)"
"The pope repeatedly denied that the Catholic clergy was involved in the political realm. If the pope in fact thought it proper for the Catholic clergy to criticize any of the Nazi regime’s policies other than those that directly affected the Church, he did not insist"