Ces travaux sont bien venus car ils éclairent dans le cas du covid-19 la réalité d'une inégalité sociale face à la maladie.
Néanmoins, ce n’est pas la pauvreté monétaire, c’est-à-dire le fait d’avoir peu d’argent, qui explique que l’on tombe malade du covid-19. Le virus ne regarde pas le compte en banque des gens.
La pauvreté monétaire n’est qu’un indicateur d’une réalité sociale plus importante : la place dans le rapport de production – autrement dit le capitalisme - et la capacité de résister aux ordres des propriétaires des moyens de production.
Le virus se diffuse par contacts longs et rapprochés et. Quelles sont les métiers qui supposent le plus de contacts non réductibles par le télétravail, la suspension de l’activité ou l'amélioration des conditions d’hygiène ?
L’hôtellerie-restauration, le transport et la logistique, les services à la personne, l’entretien, l’industrie agro-alimentaire, etc.
Dans tous ces secteurs, la grande mode du confinement a été de reconnaitre qu’ils étaient essentiels (donc impossible à suspendre ; stay at work !) mais très mal rémunérés.
Le rapport de force des travailleurs avec le capital y est défavorable depuis longtemps et il a été extrêmement difficile d’obtenir la suspension de certaines de ces activités, le télétravail ou le respect de conditions d’hygiène drastiques.
C’est d’ailleurs parce que le rapport de force y est défavorable que ces travailleurs ont aussi de petites rémunérations et peu de reconnaissance sociale.
Ces petites rémunérations impliquent que ces travailleurs habitent en périphérie, qu’ils utilisent plus souvent les transports en commun bondés et qu’ils vivent dans des logements surpeuplés.
Ce n’est donc pas la pauvreté qui rend malade, c’est l’intensité de l'exploitation.
Qu’est-ce que cela change d’un point de vue d’économie politique ?
L’augmentation des salaires est bonne à prendre mais elle ne changera pas les rapports de production et tout ce qu’ils impliquent de subordination dans la division sociale du travail.
La prise en charge gratuite des soins est bonne à prendre mais elle arrive trop tard : en quoi le fait de rembourser les soins gratuitement implique-t-il l'obligation de prendre un risque pour sa santé ?
Quand il faudra recommencer à envoyer les plus exploités en première ligne, rien n’aura changé d'un point de vu sanitaire...
... même si les salaires sont meilleurs, même si les soins sont gratuits.
D'où l'intérêt de focaliser l'attention sur les rapports de production plutôt que sur les inégalités monétaires qui n'en sont qu'une conséquence.
Ce n'est qu'en renversant les rapports de production qu'il sera possible pour les travailleurs de définir eux-mêmes sous quelles conditions le travail n'engendre pas de risques démesurés pour la santé - peu importe leur niveau de rémunération et la gratuité des soins.
La santé aussi c'est la lutte des classes.
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Quelle que soit la manière dont on compte, la Sécurité sociale est toujours plus efficace que les complémentaires santé.
Un petit fil (1/7)
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En moyenne, les frais de gestion des complémentaires santé s'établissent à 19%.
Cela veut dire que sur 100 € hors taxe, les complémentaires prennent 19 € pour les divers frais de gestion et 81 € reviennent aux cotisants sous forme de prestations.
Cependant, lorsque l'on souscrit à une complémentaire santé, il faut aussi payer une taxe. Il n'y a pas de TVA mais une TSA : taxe de solidarité additionnelle. Le plus souvent 13,27%.
Sur 100€ dépensé par le cotisant... seulement 70,25€ lui reviennent.
Même si le principe de conventionnement existe depuis 1928-30, les syndicats majoritaires refusent de signer dans de nombreux départements jusqu'en... 1960 sous un gouvernement de De Gaulle.
Il contourne les syndicats par des conventions individuelles.
Ce n'est qu'en 1971 qu'on a la 1ère convention nationale avec tarif opposable uniforme sur le territoire.
Le tarif opposable est quelque chose très récent !
Et qui n'a pas duré très longtemps...
3 citations (Castel, Piketty et Lordon) qui expliquent à quel point la construction de l’État social en France doit à la guerre plus qu'à la bienveillance des classes dominantes vis à vis des personnes en souffrance ou aux outils de démocratie représentative :
1/4
Robert Castel : jusqu'en 1914, l’État social ce ne sont que des discours.
Thomas Piketty : "Le paradoxe, c’est que les institutions sociales-démocrates ne sont pas le produit du socialisme démocratique et électoral."
Comme en 2021, en 2023 les coût de gestion des complémentaires santé est supérieur aux coût de gestion du reste des opérateurs publics (dont sécu).
7,849 milliards contre 7,
1/5
Si les complémentaires coûtent plus de 50% du total des frais de gestion, elles ne financent que 12,1% des dépenses de santé.
Ce système très inefficace de double assurance place la France au sommet des pays avec les coûts de gouvernance du système de santé les plus élevés au monde. La France est 4è derrière la Slovaquie, les États-Unis et la Suisse...
Selon Bruno Le Maire, "il y a eu des abus dans la consommation de médicaments, il faut faire attention, il faut que les choses aient un prix."
Voilà pourquoi il veut augmenter la franchise médicale.
Un fil pour montrer qu’il s’agit d’une stratégie absurde.
Pour aller vite, l’idée est que l’assurance (publique ou privée) est un problème car elle rend le patient insensible au prix. Or, s’il ne paie pas il va avoir tendance à abuser. Une partie de la théorie néoclassique développe cette idée avec le concept d’aléa moral.
D’après Philippe Batifoulier, la théorie de l’aléa moral appliquée à la santé a été une "machine de guerre" contre l’assurance santé. Elle a justifié la multiplication de restes à charge comme la franchise médicale (pas seulement pour les médicaments). journals.openedition.org/regulation/111…
Comment expliquer qu’une réforme aussi importante pour la vie des gens puisse être adoptée par le mensonge, contre la majorité de l’opinion, contre tous les syndicats, en brutalisant le parlement et en exerçant une répression policière massive contre les opposants ?
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👉Mensonge : sur le déficit excessif du système, sur une retraite "pour les femmes", sur la volonté de rassurer les marchés, sur les 1 200€, sur les carrières longues, sur l’indice sénior, etc. Même Macron trouvait hypocrite en 2019 de décaler l’âge de départ à la retraite.
👉Contre la majorité de l’opinion : les sondages sont relativement stables avec 90% des actifs contre et plus de 2/3 de la population contre. Cela se retrouve dans les statistiques de soutien au manifestations – et même de soutien à ce que certains appellent les violences.