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16 Oct, 113 tweets, 18 min read
Bienvenue dans le live-tweet du colloque "Les féminismes matérialistes. Héritages épistémologiques et politiques, réappropriations contemporaines " Ce matin, session "Peut-on encore parler de classe des femmes?" pantheonsorbonne.fr/evenements/fem…
On commence avec une conférence d'Isabelle Clair intitulée « Le féminisme matérialiste face au féminisme poststructuraliste » elle revient sur un article coécrit avec Maxime Cervulle publié dans la revue Comment s'en sortir ?
Elle revient sur une controverse ; avec Cervulle, ils n'ont pas voulu inverser l'antagonisme pour rejouer le conflit. Sortir de "l'affrontement pour l'hégémonie". En revenant sur cette expérience, se rend compte que les positions reflètent leur trajectoire à chacun.e.
Elle voudrait revenir sur les raisons pour lesquelles il et elle ont "buté" sur le corpus. Une difficulté lors de leur premier contact avec le féminisme matérialiste : comment penser la sexualité ?
Quand Clair était en thèse, c'était une question qui se posait à elle. Du fait de sa discipline (études de genre très liées à la sociologie du travail), difficulté pour penser ses propres objets (hiérarchisations des sexualités, etc.) Manquait de références.
Or, au début des années 2000, réception et diffusion de théoriciennes queer/post structuralistes féministes en France et remise en valeur d'autrices comme Guillaumin ou Wittig, qui avaient pensé la sexualité.
En même temps qu'elle s'auto-formait aux théories du genre, elle a constaté que la sexualité constituait un nid de conflits. "Virage sexuel" des études de genre française en sciences sociales, qui est allé en s'amplifiant. On a pu le constater - cf. Bozon.
Aujourd'hui, l'objet sexualité c'est deux fois plus de thèses que l'objet travail. Parler de sexualité c'était parfois perçu comme le fait de faire le jeu de l'idéologie de genre(rejouer un clivage,travailler sur un objet de femmes, relativiser l'héritage fém matérialiste, etc.)
Texte de Delphy publié dans un ouvrage dirigé par Maruani en 2005:sur les relations entre féminisme et marxisme, elle parle d'une"école". Acte d'institution retrospectif:délimite, nomme les auteur.e.s,distribue une part du travail collectif à chacune(sans mention de divergences)
Point de ralliement auquel on peut s'identifier par proximité théorique mais aussi par filiation dans un moment où "prolifération". Institution des écoles en sciences sociales : notamment livres de synthèse. Ex: Lorena Parini (2006).
Les usages de l'appellation se font entre 1 pôle descriptif et 1 pôle instituant: identifier une origine,pour s'y rallier ou s'en distinguer.Depuis article de Lagrave (1990) dans les Actes de la recherche en sciences sociales : peu de tentative de constituer ce champ en "objet".
LE féminisme matérialiste? Ce singulier masque des divergences. Tenir compte de cette pluralité est nécessaire car les concepts ont connu des destinées très diverses. Hétérogénéité théorique présente dans les fondations mêmes de l'école.
A cela s'ajoute: le fait que la recherche féministe ait changé de place par rapport à celui qu'elle occupait il y a plusieurs années, le temps qui a passé, et la prise en compte de la controverse qui est un principe structurant pour la constitution de traditions intellectuelles.
Ce contexte d'adversité est à prendre en compte pour comprendre cette constitution. S'est fait contre les "différencialistes", contre les "luttes des classes", via la scission de 1981 de Questions féministes, et contre adversaires nouveaux (post-structuralistes et queer).
Qd le féminisme matérialiste est mentionné dans un texte, il est très fréquent que le queer le soit également. Dans le texte de 2005 de Delphy, elle rapproche Wittig et MacKinnon, ce qui peut être contestable...2005, l'année de la traduction en français de Trouble dans le genre!
Donc l'opposition contre la théorie queer est structurante. Contre l'ancrage disciplinaire de ces théories, contre la "supercherie qu'on pourrait changer de genre", contre l'idée que "tout n'est que discours", etc. = des affirmations qui reviennent souvent.
Ces attaques brouillent la discussion et positionnent la divergences sur le plan de la "trahison" plus que du débat. Rendent difficiles l'explicitation des divergences théoriques qui sont réelles.
Une autre chose à interroger pour contextualiser les débats contemporains: si le fém mater constitue un pt de ralliement, cela veut dire que "féminisme" = mot légitime pour qualifier un courant de recherche?
Une des raisons pr lesquelles est + un mot respectable : est peut-être lié aussi à la traduction de l'ouvrage de Butler... car le mot "féminisme" est dans le sous-titre, il faut le rappeler.
C'est une hypothèse qu'il faudrait étayer par une enquête.
Deuxième conférence, de Pauline Clochec, intitulée «Classes de sexe et transsexualité». Elle a organisé avec Noémie Grunenwald une journée d'étude intitulée "Matérialismes trans" @ENSdeLyon en 2019 : triangle.ens-lyon.fr/spip.php?artic…
Continuité d'une tradition qui est doublée par une pluralité. En 2001, alors que les faiblesses du courant dit "postmoderne" commençaient à être identifiées, Stevi Jackson présentait le fém mat comme une "Théorie de moyenne portée", plus proche de l'empirique.
Une partie des études trans s'est inscrite dans le courant post-structuraliste et queer : difficulté historique donc pour rapprocher fém matér et questions trans. En + certaines fém matérialistes qui considèrent que trans = attaque masculiniste contre classe des femmes.
Mais avec les travaux de Viviane Namaste et l'ouvrage _Matérialismes trans_ qui paraîtra chez @HysteriksEtCie en 2001, ce rapprochement apparaît comme possible.
Proposition de P.Clochec: Eprouver la pertinence heuristique du concept de "classe de sexe" à partir du cas limite du changement de sexe. (An)historicité de la classe ? Unité de la classe? Caractère politique de la classe?
Phénomène de changement de sexe pâtit souvent d'une approche anhistorique (qui présuppose une naturalité des gpes de sexes et de leur division) qui aurait existé "de tous temps et partout"... or, les formes qui ont existé sont particulières.
Au contraire, il faut historiciser : il importe de saisir la forme prépondérante actuelle du changement de sexe, la transsexualité, comme dépendante d'un certain régime de genre. Plusieurs conditions, notamment socioculturelles et médicales.
Transsexualité est donc = produit sociohistoriquement constitué par les conditions contemporaines. De même, mes classes de sexes sont aussi constituées historiquement par une "doxa de sexe" (pas seulement enjeu économique).
Les classes de sexe contemporaines, en plus de caractère de classe, mais aussi catégorie de statut. Rapport personnel de dépendance de la femme envers l'homme: social et symbolique. Cela va avec cissexisme : constitutif de la doxa de sexe.
Répression de toute "mobilité de sexe" et de changement de sexe. transsexualité =Produit marginal de la doxa contemporaine. Transgression (mais pas de la binarité). Négation de la justification naturaliste de l'ordre des sexes.
Stigmatisation qui fait que la population trans a pris part aux mobilisations féministes. Activisme également dans mouvements lesbiens.
Intégration des femmes trans de la classe des femmes= met à mal l'unité de la classe des femmes? Classe = expérience pratique ou critères objectifs économiques? "Classe des femmes"= nie une hétérogénéité ? Cf critique queer.
P.Clochec voudrait contester cette critique.
Psychologisation de l'expérience trans par Stoller. Codée en termes d'identité de genre&de ressenti ou trouble "intérieur". Déterminant dans la constitution d'un diagnostic. Cette psychologisation avec "identité de genre" a été partiellement reprise dans certaines études de genre
Ressenti intérieur permanent qui est repris dans les théorisations queer, qui se focalise sur un état "pré transition". Or, par la transition les personnes trans en viennent à être traitées socialement selon leur sexe d'arrivée comme les personnes cis...
"Transfuge de sexe" ou "transfuge social de sexe à l'autre" (déclassement ou promotion) = une approche sociologique de la transition (cf. thèse d'E. Beaubatie).
Pour en savoir plus sur les travaux d'Emmanuel Beaubatie : iris.ehess.fr/index.php?1203
Types de travail et place dans le travail et expériences qui positionnent les femmes trans dans la classe de sexe des femmes (discriminations sexistes à l'embauche, sur représentation parmi les TDS, etc.)division structurelle qui traverse les sous groupes de la classe des femmes.
Autre constat: soumission à l'hétérosexisme. => postulat idéologique de la disponibilité des femmes trans à la prédation sexuelle masculine. cf aussi sur les discours qui vantent le courage des hommes cis qui sont en couple avec femmes trans.
Enfin : arrivée dans la classe des femmes = soumission et maltraitance médicale systématique. Femmes appréhendées comme capricieuses, inconscientes, légères. Surmédicalisation doublée d'une méconnaissance de l'expérience des femmes.
Certes pas homogénéité de l'expérience sociale mais transversalité dans la classe de sexe. Changement de rôle de sexe = plus pertinent qu'une approche psychologique. Caractère social et processuel de la transexuation (plus juste que "transidentité").
L'expérience de la transexuation ne fait pas "éclater" la classe des femmes dans hétérogénéité. Plutôt que prolifération des identités queer, il est plus pertinent de choisir un modèle qui par la transition qui permet de penser à partir de la classe de sexe.
Attention: il ne s'agit pas de "revenir à Marx" pour trouver une solution à une aporie féministe... (chez Marx déjà le concept de classe est en tension). Un des modèles marxiens: les classes ne sont pas pleinement constituées avant d'entrer dans une relation antagoniste (lutte).
Teneur politique de ce modèle, qui définit la classe à partir de la lutte. Couples "pour un autre"/"pour soi", "masse"/"organisation" sont plus justes pour le penser (plutôt que "en soi"/"pour soi").
La transformation d'une masse en une classe pour elle-même implique non la seule conscience mais une organisation autonome dans la lutte. Consciousness raising group ou conscientisation = on ne s'appuie par sur une classe préexistante, mais on "fait classe"!
Classe des femmes : aussi produit de la lutte et non pas seulement condition transversale qui préexiste (sinon tend à en faire quelque chose de substantiel). Mais minoration de la pertinence du concept de "classe des femmes"?
Caractère politique de la classe des femmes qui médiatise la conscience : Invisible lives de Namaste qui s'appuie sur un exemple de revendications de TDS: "l'inclusion des transsexuelles MtoF ne se posait pas" : déjà incluses.
Idem, Noémie Grunenwald montre que la question ne se pose pas non plus dans les groupes d'autodéfense féministe. Evidence de l'appartenance relève non pas d'une psychologie mais d'une pratique de résistances. Ce qui médiatise la réunion c'est la lutte politique.
Conclusion : la prise en compte de la transsexualité ajoute certes un élément d'hétérogénéité mais ce n'est pas un élément *contre* ce concept de classe de sexe.
Delphy en 1996 écrit à propos de l'"angoisse à propos de leur identité" éprouvée par des gens. Delphy ne pensait pas à la transsexualité en écrivant cela. Mais c'est une angoisse corrolaire qui est présente dans le cissexisme.
en 2021* bien sûr !!!
Nous passons à la dernière conférence de la matinée, «L'idéologie du genre» par Elsa Dorlin, dont le dernier ouvrage portait entre autres sur l'autodéfense féministe : editionsladecouverte.fr/catalogue/inde…
Distinction entre "science" et "idéologie". E. Dorlin revient sur le travail de Michèle Le Doeuff, qui a été sa directrice de DEA. Donc c'est avec elle qu'elle va essayer de capter cette question d'abord. Puis elle reviendra sur un texte précis de Delphy paru en 1975.
Enfin, elle reprendra un texte de Donna Haraway, fondateur selon elle pour l'épistémologie des sciences. D'autant plus qu'elle est critiquée de façon malveillante et injuste par Bourdieu...
Le Doeuff a travaillé sur les rapports entre philosophie et féminisme à une époque ou "philosophe féministe" était presque oxymorique. C'est là qu'elle élabore le concept de "masculinisme".
Le premier lieu où s'élabore le savoir c'est le cabinet du philosophe et dans ce cabinet, le corps / la chair du philosophe sont pensés comme une distraction. Travail pour s'en extraire pour en revenir à un "soi" qui serait le lieu d'élaboration de la connaissance.
Long enfermement du penseur... qui est contemporain de l'enfermement des fous, des femmes, des prostituées... et donc ce n'est pas seulement la déraison qui est délimitée : la pensée elle-même est internée. Tour d'ivoire. L'institution close isole pour "mieux protéger".
On va apprendre dans ce grand enfermement à se "contenir". économie de la permissivité pour les femmes qui est un dispositif de contrôle de l'accès au savoir bien plus efficace que la pure et simple interdiction. Cf médecins qui s'inquiètent de l'effemination des philosophes.
Et forcément, figure de la pathologisation = figure féminine = Elisabeth de Bohême. Figure sexuée. Rappelons qu'à l'époque, "le sexe" = les femmes.
Le Doeuff va travailler sur les traités d'éducation des filles et des femmes au XVIIe siècle. Elle retrouve Poullain de la Barre, Marie de Gournay, Gabrielle Suchon... mais ds les traités aristos : éduquer les filles c'est pour les rendre "jolies" avec conversation agréable
"Que quelqu'un soit incapable de philosopher réconforte dans l'idée que la philosophie est capable de quelque chose". Michèle Le Doeuff
Le philosophe sort parfois de son étude, pour se divertir. Le sujet de connaissance revient au monde pour s'y détendre plus que pour y vivre à proprement parler. Monde social comme un "jardin", monde de promenade.
Les philosophes connaissent parfaitement l'espace privé. Donc on ne peut pas dire "espace privé" = espace où on cesse de penser. L'activité savante, qui brouillait une distinction privé/public, va donner droit de cité dans les deux lieux.
Le café, comme le laboratoire= espace à la fois public et clos. La communauté de témoins, c'est aussi ce qui donne autorité à ce dont on peut attester et donne à l'expérience sa validité gnoséologique. Le café: les hommes se retrouvent, construction d'une autorité.
"Quand on est femme et philosophe, il est utile d'être féministe pour comprendre ce qui vous arrive" Michèle Le Doeuff. Une activité prétendument désincarnée a investi le sexe pour définir son territoire et élaborer une vision d'autorité sur le monde.
Dimension historique d'un rapport de savoir-pouvoir d'exclusion. La question pour Le Doeuff n'est jamais "est-ce que les femmes philosophent différemment?" elle prendra d'ailleurs des distances avec les féministes qui critiquent cartésianisme et rationalisme moderne (S.Bordo).
Etre philosophe et féministe, c'est au fond la même chose, dit-elle. Car une féministe est "une femme qui ne laisse personne penser à sa place", écrit Le Doeuff. Philosopher et être féministe = une volonté de juger par soi-même et pour soi-même.
Le Doeuff en vient à travailler sur la situation contemporaine ... or, là où il y a du féminisme, c'est chez les sociologues (Liliane Kandel, Christine Delphy...) et un peu en histoire. Ces chercheuses sont au fond de véritables philosophes !
En philosophie, une forme de manquement, d'échec... c'est dans cette perspective là qu'elle va élaborer sur la dimension masculiniste de l'esprit philosophique. Critique de la raison sexiste. Elle va s'interroger sur l'accès aux lieux mais aussi sur la constitution de ces lieux.
Luttes idéologiques qui contribuent à exclure le féminisme de la philosophie ; elle aborde cela mais aussi sa propre expérience de l'oppression, qu'elle prend comme un objet philosophique parmi d'autres.
Un matérialisme étroit reviendrait à dire que seuls ceux qui souffrent d'une structure peuvent occuper la place de la critique de cette structure, d'après Le Doeuff.Le savoir philosophique n'est pas ramené à l'idée que seule l'expérience vécue ferait terrain pour la philosophie.
La finalité de la recherche féministe c'est aussi de s'interroger sur l'institutionnalisation de l'exclusion des femmes de la sphère du savoir.
Dans le texte de Delphy de 1975, elle s'intéresse à la constitution d'une "science féministe". "Nous sommes femmes, nous sommes sociologues, nous sommes donc scientifiques, que signifie l'éruption du féminisme dans la sociologie?"
Delphy ne semble pas imaginer que les intellectuelles du mouvement des femmes puissent être autre chose que sociologues.
Renversement de l'idéologie : penser qu'un changement est possible présuppose de considérer le caractère social de la situation. Idéologie du fondement naturel : sa critique, c'est cela l'enjeu pour Delphy.
C'est depuis cette oppression qu'il est possible de déployer une science féministe. Le concept d'oppression est appréhendé comme point de départ de toute étude comme de toute démarche féministe. "Prémisse théorique" écrit Delphy, celle de l'oppression comme ce qui est.
D'où le fait que Delphy critique le queer : car selon elle négation du réel, ne prend pas l'oppression comme prémisse théorique. Mais quid de prendre un modèle comme celui-ci si celui-ci est parfois utilisé pour justifier la domination? Quelque chose qui serait "premier".
Parvenir à expliquer l'oppression ne peut se faire qu'à partir des luttes ou depuis des luttes. Pas d' "observation" de l'oppression mais elle est postulée, car le travail se fait depuis les luttes.
Cette "science féministe" = rendre intelligible l'expérience humaine en raison des luttes qui la produisent, la façonnent, la déterminent.
Dans ce texte de 1975, elle écrit sur le travail situé avant l'heure et elle énonce que "le point de vue d'où les faits ont été regardés est le point de vue qui a constitué ces faits en faits". L'endroit depuis lequel on peut produire une sociologie féministe = lutte sociale.
"Toute connaissance qui nie l'histoire qu'elle prétend expliquer est idéologie" Delphy.
C’est fini pour ce matin, RDV à 14h pour la suite avec Sophie Noyé !
Sophie Noyé intervient, « Penser le sujet féministe entre classe et multitudes ». Elle va revenir sur son travail de thèse: theses.fr/160398800
Elle va revenir sur la notion de classe des femmes. Celle-ci est liée à l'idée de "rassemblement" (opposée à l'idée de dispersion ou de fragmentation des sujets en lutte). Elle est matérielle (structure socioéconomique, dans des rapports de [re]production).
A confronter au "sujet multitude" des réflexions queer, comme dans le travail de Preciado. Il s'agit de rendre compte de la diversité des minorités de genre et de sexualités. Multiplicité des corps qui s'élève contre régime qui les définit comme normaux/anormaux.
Rosi Braidotti : c'est aussi le nomadisme. Si la classe des femmes tend à privilégier l'unité alors que les queer soulignent le risque d'essentialisation que contiendrait cette démarche, l'articulation classe/multitude = comment concevoir des unités pol non essentialistes?
A travaillé sur des collectifs queer, créés entre le début des années 2000 et 2010. Les Panthères rose, la Barbe, collectif Tirésias, Garces..ce féminisme queer se caractérise par une forte hybridation d'idées et de pratiques. Approches intersectionnelles et postcoloniales notamt
Héritage assez clair et revendiqué des mouvements gays et lesbiens révolutionnaires des années 1970. L'appartenance à un féminisme matérialiste par contre ne va pas du tout de soi... bien que revendication d'un féminisme "radical". Le fem mater est parfois associé à transphobie
Pourtant les pratiques militantes révèlent une reprise des théories matérialistes aux côtés des approches queer. Ces groupes apparaissent un peu comme les premier à "joindre" ses courants, pas toujours de façon explicite, bricolage un peu sous théorisé.
Contraste entre la controverse académique et théorique très clivée et bricolage hybridant militant dans la pratique. Peut-être est-ce un retour à une forme d'hybridation initiale?
Utilisation de la notion de patriarcat (comme mode de production spécifique avec travail domestique gratuit des femmes exploité par les hommes) : ces collectifs reprennent cette analyse qui part de l'enjeu matériel.
Voir le travail de Marie-Emilie Lorenzi : theses.fr/197992692
Se traduit notamment par l'organisation en non-mixité qui a une grande ampleur dans ces groupes (alors qu'elle était plus rare dans les années 70, cf. travaux d'Alban Jacquemart). Militante aux Tumultueuses : "les patrons ne sont pas non plus invités aux réunions des ouvriers"
Cela semble aller dans le sens d'une analyse "classe contre classe" et pourtant on ne parle pas de "classe de femmes" dans ces groupes. Permanence d'une référence queer à des "sujets multitudes". Pour rendre compte de la diversité.
Valorisation des identités gouines-lesbiennes comme spécifiques et différentes de celles de femmes. Reprise de Wittig ? Qui serait comme "chaînon manquant" entre féminisme matérialiste et queer ?
Squat "le trou de balle", "transpédégouine et féministe" : combiner une réflexion sur l'oppression des femmes mais avec toute une réflexion sur la normativité de genre et sur la sexualité : radar.squat.net/fr/toulouse/tr…
Ou autre stratégie : être flou.e sur la dénomination. Terme de "minorisé.e.s" employé de façon vaste. Collectif "la marche des tordu.e.s", avec "tordu.e" comme traduction de "queer". La valorisation d'un sujet pluriel va avec une attention au caractère singulier des oppressions
Non mixité : provisoire et organisationnelle ? ou définition du sujet féministe ? En tout cas ici elle ne s'en tient pas au sujet femme, repose sur une autodéfinition, et l'idée est d'être au plus près de l'expérience de chacun.e dans un espace bienveillant.
Même si ces collectifs utilisent la notion de patriarcat, ce qui revient le plus c'est "hétéropatriarcat" ou "cishétéropatriarcat" et l'accent est mis sur comment ça forme système. Mécanismes communs ou transversaux de domination.
D'où l'importance de l'hétérosexualité dans la compréhension du patriarcat. Comment celui-ci n'exploite pas que la classe des femmes. Travail salarié, travail domestique, travail reproductif, travail de care, travail du sexe.
Panthères roses "le travail domestique et le travail du sexe sont à envisager sous le même angle, la care économie, économie des soins et du travail d'amour" .La division sexuée du travail ne concerneraient pas q les femmes mais ttes les personnes opprimées par l'hétéropatriarcat
Mais en réalité, comme l'a montré P. Clochec, la notion de classe permet de penser la multiplicité. Repenser l'idée de classe en argumentant que ce qui unit les identités dissidentes du cishétéropatriarcat c'est un partage générale de genre.
Débat N.Fraser / J.Butler pour savoir si l'oppression des minorités sexuelles est "simplement culturelle" : ce débat s'est précisé avec la deuxième vague queer qui représente un "tournant économique".
Travaux sur la précarité économique des LGBT, par exemple Gianfranco Rebucini. Les couples gays et lesbiens sont plus pauvres (différence de salaires) que les autres en France. Sectorisation/ségrégation horizontale dans les emplois également.
Il existe une division du travail en raison de l'orientation sexuelle qui est liée à la division sexuelle du travail (les hommes gays sont davantage dans les métiers "féminins" et les lesbiennes sont moins susceptibles que les femmes hétéros d'être dans des métiers techniques)
Kevin Floyd dans son livre sur un marxisme queer : il insiste sur le fait que le monde queer ne repose pas sur une identité prédéfinie : editionsamsterdam.fr/la-reification…
"Alors que le terme de formation souligne un contexte objectif, l'expression 'monde queer' met l'accent sur l'expérience subjective" K. FLOYD
Autres notions que "classe" ou "multitude"? Exemple: l'idée de "coalition" et notamment "coalition hégémonique", articulant Gramsci et post-structuralisme, par exemple chez Chantal Mouffe et Ernesto Laclau
Articulation entre description d'une oppression et action stratégique, enjeu d'un vécu commun et en même temps contestation d'une unification... les travaux sur la construction hégémonique d'un sujet permettrait de dépasser cela.
Le sujet politique ne se définit pas à partir d'un substrat objectif mais à partir d'une pratique politique, qui constitue l'intérêt qu'elle représente. "Les intérêts des acteurs sont constitués par un processus politique de formation hégémonique" Laclau et Mouffe.
Le regroupement dans les collectifs étudiés se fait en désignant un camp antagoniste (antagonisme qui est fondamental dans les travaux de Mouffe et Laclau) - on ne définit pas le "nous" mais on est d'accord sur qui sont les adversaires.
Identité politique: se définit en déterminant avec qui on s'allie et surtout ... contre qui.
Voir aussi le travail d'Emeline Fourment sur la gauche radicale de Göttingen : cairn.info/revue-societes…

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