C’est bientôt l’heure du Live Tweet ! Pour vous faire patienter jusqu’à 18h30, on vous présente les différentes intervenantes de notre table-ronde autour de leur enquête « Les nouveaux travailleurs des Applis » (PUF, 2019) 👇
Sarah Abdelnour est maîtresse de conférences en sociologie à l’université Paris-Dauphine #IRISSO @Paris_Dauphine. Elle a réalisé une thèse de sociologie à l’EHESS sur le régime de l’auto-entrepreneur.
✏️Les nouveaux prolétaires (Textuel, 2012) et Moi, petite entreprise (PUF,2017)
Pauline Barraud de Lagerie est maîtresse de conférences en sociologie à Paris-Dauphine #IRISSO @Paris_Dauphine.
✏️ Allez lire « Les patrons de la vertu. De la responsabilité sociale des entreprises au devoir de vigilance » (PUR, 2019), ouvrage tiré de sa thèse de doctorat.
Anne Jourdain est maîtresse de conférences en sociologie à l’université Paris-Dauphine #IRISSO @Paris_Dauphine.
S’inscrivant en socio économique et en socio du travail, ses recherches actuelles portent sur la marchandisation d’activités domestiques et de loisir, et en not. Etsy.
Cette nouvelle édition de #NumokLive sera animée par @pascalferry 👋🎙️
Rejoignez-nous, ça commence dans quelques minutes !
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#Numok2020
Pascal Ferry : Le thème qui réunit les contributions de votre ouvrage est l'extension des activités productives et ses conséquences.
Publié en 2019
Sarah Abdelnour : Ravie de présenter les facettes de cette enquête collective sur l'économie des plateformes. (powerpoint à l'appui, désolés...)
(mais vous pourrez retrouver cette présentation sur Facebook en rediffusion ;-) )
Dans quelle mesure ces plateformes et applis numériques ont un impact sur les manières de travailler et sur les statuts d'emploi ? Ce sont de nouveaux espaces qui modifient les règles du jeu en matière de travail et d'emploi.
Ce sont des entreprises capitalistes, de Uber à la Ruche qui dit Oui, plateformes qui permettent de commander des produits ou services ayant exigé un travail.
S. A. présente 2 exemples spécifiques :
- Les plateformes de micro-tâches
- Les plateformes de transport
Les plateformes de micro-tâches permettent de faire réaliser des tâches que l'entreprise pouvait avant faire faire par un prestataire unique, à une multitude d'entreprises (réalisation de CR d'entreprises...). Ces plateformes promettent un complément de revenus aux usagers.
Exemple de tâches sur FouleFactory : retranscrire un morceau d'entretien, reconnaitre sur une photo s'il s'agit d'un t-shirt ou d'une robe, rémunéré quelques centimes à quelques euros -> attire car le temps de travail semble faible.
Côté travailleurs, on a une intensité très variable : quelques minutes par mois pour la majorité, quelques heures par mois à quelques heures par jour (5%).
MAIS : pour tout le monde, les gains sont très faibles, moins de 5 euros par mois. Un très petit nb d'enquêté gagne + de 50 euros par mois.
Pourquoi ? Bcp de demandes et peu de tâches, pénurie face au nb de travailleurs.
Quelles motivations de ces micro-travailleurs ? Intérêt pour le gain et la liberté d'organisation mais aussi divertissement : s'amuser, apprendre de nouvelles choses. Les usagers intensifs ne forment qu'une petite partie.
Cela explique p-ê la faible mobilisation des travaillleurs et des pvrs publics (le phénomène peut paraitre anecdotique). Sources d'inquiétude : logique de dérégulation du travail, retour à une forme de tâcheronnat, situation de travailleurs intensifs sont plus des précaires.
A l'autre bout du spectre du travail sur les plateformes : VTC et chauffeurs UBER -> activité très largement à temps plein, générant revenus censés permettre de vivre, et visibilité plus importante dans l'opinion publique.
Enquête : questionnement ciblé sur les travailleurs des plateformes de travail comme lieux d'échange d'une force de travail, coordonnée et contrôlée par la plateforme.
Quelles mobilisations possibles pour les travailleurs des plateformes, indépendants, travaillant à distance et en concurrence les uns contre les autres ? Tout ce qui contribue à permettre la grève n'existe pas pour eux.
Mais pourquoi faire grève ?
- Un métier initialement valorisant et lucratif, espoir d'une ascension sociale.
Endettement de certains qui achètent une voiture car chute des rémunérations (changement des politiques des plateformes, qui baisse les tarifs après avoir fidélisé ses travailleurs dans un nouveau pays).
Arrivée massive de nouveaux chauffeurs, qui bénéficient au début d'aides sociales mais à durée limitée.
- Se rendent compte qu'ils sont dans une indépendance sous dépendances
Travailler à crédit, dépendance accrue aux applis, remise en cause de l'autonomie du travail, temps de travail allongé donc conséquences sur la vie personnelle...
Difficultés d'une grève d'indépendants en ligne :
- obstacles des précaires
- obstacles des indépendants
- obstacles des TPF (ex : ratent les majorations de tarifs qui ont lieu pendant leurs mobilisations !)
L'une des solutions : déconnexion massive mais ne fonctionne pas, "car il y aura toujours des esclaves qui courent après la majoration" (propos trouvés sur un forum Facebook)
Pouvoir de nuisance : blocages routiers ou jettent de la farine et des oeufs sur ceux qui continuent à travailler.
Chahuter les plateformes :
- les actions aux sièges des plateformes : conflictuel ou négo
- les deux franges des mobilisés sont présentes : communauté professionnelle haut de gamme ET "jeunes de banlieue" exploités en colère
- blocages des centres d'accueil des chauffeurs
Le 2ème grand volet d'action : interpeller les pouvoirs publics en demandant une régulation.
- actions symboliques devant lieux de décision pltq (Sénat...)
avec une institutionnalisation du mouvement :
- syndicalisation (représentants avec un discours plus politique)
Ils vont parfois en justice : un chauffeur VTC est bien SALARIÉ de la plateforme qui l'employait (décision de mars 2020 à la Cour de Cassation)
Pascal Ferry : les questions seront traitées après la présentation d'Anne Jourdain. Merci Sarah Abdelnour pour cet exposé extrêmement clair.
Anne Jourdain : Marchandiser ses loisirs sur internet : une extension du domaine du travail ?
Présente des plateformes numériques différentes, notamment Etsy, plateforme de vente en ligne d'objets faits main, créée en 2005 aux USA, dév en français en 2012.
2 millions de vendeurs vendeuses dans le monde, vendant de tout. 35 millions d'acheteurs.euses. Prélèvement de 5% sur les frais de transaction de cette plateforme. Chaque vendeur.euse créé sa "boutique" en ligne. L'une des promesses d'Etsy : "Faites de votre passion un métier."
L'idée est que tout un tas d'amateurs de créations et d'artisanat d'art pourrait se professionnaliser, se concentrant sur la fabrication des objets ; et la mise en ligne via la plateforme leur ouvrirait des débouchés internationaux, permettant de vivre de leur passion.
Qui sont les vendeurs et vendeuses Etsy ?
- Des femmes à 88%
- Des urbaines
- Plutôt jeunes et diplômées
- Des aspirantes professionnelles mais aussi une majorité d'amateures.
Amateures ? Des femmes qui à côté de leur activité sur Etsy ont un travail souvent salarié à plein temps qui n'a rien à voir avec la fabrication d'objets.
Les chiffres d'affaires sont en réalité très faibles : la moitié des vendeuses gagnent moins de 10 euros par mois sur la plateforme.
Seulement 1% des vendeuses réalisent un chiffre d'affaires mensuel supérieur au smic mensuel brut.
Qui sont les vendeuses à succès ?
- Proportionnellement, ce sont plus des hommes (reproduction d'une forme de domination masculine car investissent davantage professionnellement leurs activités).
- Les vendeuses à succès surinvestissent le travail numérique (présence en continu sur les réseaux sociaux, travail sur l'algorithme d'Etsy...)
- et ne fabriquent pas elles-mêmes les objets vendus (externalisation de la production pr se concentrer sur le travail d'e-reputation)
Pourquoi marchandiser en ligne si les revenus sont aussi faibles ?
- Etsy représente un canal de commercialisation parmi d'autres
- Pour toutes, marchandiser en ligne présente des bénéfices non-économiques : développer son loisir, sociabilité, reconnaissance sociale, identification à la figure valorisée de l'entrepreneure...
Pascal Ferry : merci pour cette présentation ! Pauline Barraud de Lagerie est aphone et son discours a été porté par ses collègues.
P. Ferry : On a l'impression que bcp de ces promesses ne sont pas honorées dans le monde des VTC, Uber, par contre dans le monde du loisir, peut-on dire que les répercussions de cette économie des promesses est positive pour les travailleurs et travailleuses ?
S.A : il y a qqch de l'ordre de la promesse sociale pour de nombreux jeunes (repris par les discours politique), discours venant des plateformes qui mettent en avant qu'elles donnent du travail à des gens qui sinon seraient désoeuvrés, & qu'elles jouent, qqpart, un rôle 'social'
Rêve d'accès à l'indépendance, mais promesse non tenue : au lieu d'un patron sur leur dos, ils ont une appli qui les surveille et parfois les sanctionne, des clients qui les notent...
La promesse économique s'évapore aussi assez vite.
Anne Jourdain : L'expression d'économie des promesses fonctionne bien en effet, bcp de nos travaux s'attachent à dire que nombre de ces promesses sont déçues. Dans le domaine du loisir, la déception est proportionnelle, ou dépend du sens donné par la vendeuse à son activité.
C'est sûr que les ambitions de professionnalisation, rêves d'indépendance, ne sont pas réalisées car les revenus sont extrêmement faibles. Bcp se reconvertissent, créent de petites entreprises, mais la survie de l'entreprise dépend bcp du soutien familial...
... et s'appuie sur le salariat classique.
P.Ferry: Pas mal de questions ds le chat sur cette usine mondiale ou division du travail infinie -> la technologie est le vecteur par lequel ttes ces promesses pourraient se réaliser, mais l'IA génère elle-même une forme de tâcheronnage.
P. BdL : Parfois le micro-travail, travail humain coûte moins cher que l'IA. Et l'IA a besoin du travail humain : il faut former les robots parfois à l'aide de la parole par exemple.
A. Jourdain : Ce que bcp de vendeuses n'avaient pas anticipé est l'énorme travail numérique à faire pour être visible, construction chronophage de l'e-réputation et dont les compétences ne sont pas également partagées par toutes (différences générationnelles)...
P. Ferry : Question à propos des chauffeurs : ces notes attribuées par les clients ne sont-elles pas un outil de contrôle de plus en plus fort ? Les consommatrices et consommateurs sont complètement partie prenante de cette pression qui s'affirme de plus en plus ?
Sarah Abdelnour : paradoxe de l'innovation technique et technologique est qu'on créé des entreprises ou des salariés dont les pratiques passent sous le radar, difficulté à contrôler tout cela.
Les plateformes ont un fonctionnement très monopolisitique. Les notes font partie du modèle de ces plateformes numériques : techniquement, pas novateur, on pouvait déjà recontacter les usagers par tél pour savoir leur degré de satisfaction.
Mais ça s'est dév et devient important, pour les entreprises, c'est une manière d'organiser la surveillance des travailleurs, c'est sous-traité au consommateur.
Les notes sont un élément important, pour les chauffeurs de VTC il y a une grosse pression pour se maintenir à une certaine note. Le rôle de contremaitre régulier du travail bascule de l'entreprise au consommateur.
La capacité de sanction de la plateforme est régulièrement mise en cause.
Pascal Ferry : à propos de l'économie domestique, les plateformes permettent à nouveau un travail à domicile, qui dans l'histoire récente s'est peu à peu réglementé par des résistances et des luttes ; y-a-t-il des réactions des travailleurs ? Emergence d'acteurs syndicaux ?
Sarah Abdelnour porte la voix de Pauline Barraud de Lagerie : Ex au 19e siècle : une grosse commande séparée en plusieurs tâches plus modestes, on retrouve cet intermédiaire et l'exécution du travail à domicile.
Avec pour résultat qu'à la fois le travail à domicile a été réglementé, et le rôle des intermédiaires venus redistribuer le travail a été interdit ! Va-t-on aujourd'hui retrouver cette forme de contrôles ?
On travaille aujourd'hui sur la manière dont les institutions s'inquiètent à, s'intéressent à ces formes de travail et mettent en place des formes de régulation.
Il y a aussi des initiatives venant des travailleurs et travailleuses elles-mêmes : coopératives (livreurs à vélo), organisation syndicale ou parasyndicale (VTC plutôt)...
Aucune appli coopérative n'arrive à percer : il faudrait étudier comment les grandes plateformes de type capitalistes parviennent à empêcher l'émergence d'entreprises plus respectueuses des droits des travailleurs.
Pascal Ferry : une dernière question à propos de la gouvernance centralisée de cette gestion de plateforme : des perspectives du côté de la blockchain ?
S. Abdelnour: cela fait partie de solutions techniques permettant de contourner le monopole -> mais cela laisse penser que la solution ne serait que technique. N'est-ce que la facilité et la fluidité technique qui en fait le succès ? Le problème est + du côté des pltqs de marché.
P. Ferry : Peut-on aller s'inspirer du côté d'autres Etats ?
Sarah Abdelnour : Du côté des réponses institutionnelles : cf dans le micro travail des plateformes comme Fair crowd Work redonnent un peu de transparence sur les pratiques de ces entreprises. C'est de la régulation de type soft law (P.BdL)
Localement il y a eu des décisions pour réguler les VTC (à New York par ex). Une multitude d'initiatives est possible, de la part des travailleurs ou décisions de pltq locale, pour limiter l'emprise de ces grosses entreprises et prendre la défense des métiers qui ont été impactés
Pascal Ferry : Merci à vous trois, la Ville de Paris en matière de régulation contre Airbnb est un terrain local à observer de plus près.
FIN de ce LiveTweet, toute l'équipe de #Numok espère que cette discussion vous a intéressé.e.s ! A très bientôt et bonne soirée 👋❤️

#NumokLive #Numok2020

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