[Thread] Ces dernières heures, on a entendu beaucoup de bêtises concernant les émeutiers américains pro-Trump. La plus récurrente a sans doute été celle-ci:
"Au départ, j'ai cru à une insurrection, à un vrai danger, et quand j'ai vu la bande de pieds nickelés, perche à selfies et costumes ridicules, je me suis dit qu'il n'y avait aucun risque".
Il s'agissait de moquer l'insurrection ratée en la qualifiant de post-moderne, en n'y voyant qu'une bande d'excités sans grand danger (et, tout de même, quelques tatouages, slogans et symboles haineux). Avec des variantes, bien sûr.
A mon avis, rien n'est plus faux. Ceux et celles qui tiennent ce genre de propos ont tous.tes été à l'école et pensent savoir exactement ce qu'est le fascisme en se rappelant leurs cours d'histoire de troisième, à savoir un truc forcément discipliné,
prévisible et portant la petite moustache. D'autres, lecteurs-trices de Serge Berstein et ennemis d'autres historiens comme Zeev Sternhell considèrent que le fascisme des années 30 n'existe plus et n'existera plus jamais.
Ils pensent d'ailleurs que la France serait un pays prémuni contre le fascisme, qu'il n'y aurait aucune raison de s'inquiéter des répercussions de ce qu'il se passe aux USA chez nous.
Cette posture empêche de penser et ne nomme pas les choses correctement. Elle refuse les faits, elle refuse une analyse intelligente de notre contexte actuel. Or, quel est ce contexte? Une droitisation de la pensée d'en haut qui court depuis des années dans la société
, un enfermement des électeurs dans deux catégories ("progressisme/souverainisme") appartenant toutes deux à des courants droitiers, une gauche en miettes, exclue de facto du jeu politique, une certaine bourgeoisie de droite qui ne rechigne plus à employer le vocabulaire du
suprémacisme blanc après l'avoir abandonné par honte après la Seconde Guerre mondiale, une bourgeoisie de gauche qui se plie peu à peu aux desiderata de la première, un retournement de sens total des mots créant une confusion idéologique.
Et une humanité confinée et frustrée de tout depuis bientôt un an.
Ceux et celles qui demeurent incapables de constater ces faits objectifs sont au mieux dans le déni, au pire dans un accord intellectuel tacite avec le retour d'un air qui pue terriblement.
Pour s'en convaincre, il faut relire Zeev Sternhell ou même Daniel Guérin, qui insistait déjà sur le caractère clownesque et grotesque du fascisme des années 30, notamment dans ce court extrait à propos d'un membre de "l'aile gauche" du parti nazi:
" Botté et ceinturonné, cravate noire sur sa chemise brune, court sur pattes, chauve, un peu obèse, la lèvre inférieure proéminente, Gregor Strasser fait plus grotesque que martial. Dans le civil, il était apothicaire, et la panoplie dont il s’est affublé ne réussit pas à
camoufler son allure de petit-bourgeois vulgaire. Mais il est très loin d’être sot. Il passe pour le plus doué et le plus « gauchiste » des dirigeants nazis. Certains disent même qu’il est le véritable chef du parti.
En fait, sa forte personnalité fait ombrage à Hitler, qui le fera abattre comme un chien, le 30 juin 1934."
Poke @LeditdeMathieu pour m'avoir rappelé que Daniel Guérin parlait effectivement de ce sujet.
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[Thread] Je ne sais pas si certains d'entre vous suivent les débats sur l'école à l'Assemblée, mais ce qui est en train de se passer est gravissime...
C'est l'idée de l'école telle que portée depuis 45 qui est en train d'être enterrée, au profit d'une vision passéiste revêtue des habits de la III° République (patriotisme suranné, ségrégation entre élèves) mais sans contenu et avec une orientation clairement entrepreneuriale.
Je veux bien qu'on me dise que c'est de la com', reste qu'à force de saupoudrage, on crée un état d'esprit général et une direction. Là on fonce tout droit vers un abîme.