Thread by @Navo_

Analyse de cette blague, un thread.

https://twitter.com/xaviergorce/status/1351447398397190144

En préambule, je précise que je suis plutôt pour que quelqu'un avec qui je ne suis pas d'accord s'exprime. Et surtout pour que tous ceux qui réagissent à ce dessin s'expriment aussi sans qu'on leur réponde "gnagnagna on peut plus rien dire".

Ce n'est donc pas un appel au cancel, ni une demande de renvoi de ce dessinateur par Le Monde. Chacun fait ce qu'il veut pour répondre à ce dessin, par contre. Perso, j'aimerais l'analyser et j'explique pourquoi :

La plupart du temps, le débat se cristallise autour du "second degré" et du "t'as pas compris". Parfois, le contexte manque, la même blague faite par @Sale_Con ne sera pas prise de la même façon que par Zemmour.

(C'est d'ailleurs un autre débat très intéressant sur "est-ce que l'intention de l'auteur compte ?" On l'aura une autre fois, c'est pas le sujet. C'est pas le sujet parce que : )

En l'occurrence, cette blague se tient d'elle même parce qu'il y a une mécanique dedans qui est très claire. Il faut répondre à la question "Qu'est-ce qui en fait une blague ? Quelle est l'effet comique ?"

L'effet comique vient de la complexité de la phrase, c'est le même effet que pour l'épisode de Kaamelott "Perceval relance de quinze" (qu'on appelle Le Cul De Chouette) ou la version 2999 du baseball dans Futurama, etc.

Y a plein d'exemples. L'idée c'est qu'un des protagonistes dit quelque chose de très complexe et l'autre (qui représente le spectateur) est interdit devant tant de complexité. On rigole de voir cette personne être aussi incompréhensible.

"Ah là là, se dit-on, il se prend vraiment la tête lui !" et on rigole.

Hors, que nous dit cette blague ? Elle nous dit "Ah là là, elles se prennent vraiment la tête, ces victimes d'inceste" et "Ah là là, ils se prennent la tête ces gens qui ont à cœur de reconnaître autre chose qu'un modèle hétéronormé, cisnormé, toutnormé !"

Techniquement, dans sa structure et par le cœur même de son ressort comique, elle ne dit rien d'autre.
On en vient à ce qui m'agace : la mauvaise foi de celleux qui défendent cette blague face à celleux qui ne l'apprécient pas.

La seule défense honnête serait de dire "Moi, elle me fait rire parce que je suis d'accord avec ce qu'elle dit : ces victimes d'inceste qui se plaignent sont relous". À la limite, agree to desagree, on se parle plus où on débat de ce sujet.

Tous les autres arguments sont juste le fruit de la mauvaise foi de ceux qui savent qu'ils sont d'accord avec ce que dit cette blague mais qui ne l'assument pas.

"On peut plus rien dire !" Si. Il l'a dit. Et comme - bonne nouvelle - on peut tout dire, on peut te répondre que c'est de la merde.

"Tu comprends pas l'humour !" Si. Justement. C'est parce que j'ai compris ce que dit cette blague que je dis que je ne suis pas d'accord et que je ne la trouve pas drôle.

"T'es trop sensible !" Non. Ce n'est pas une question de sensibilité, tu serais surpris d'à quel point dans les milieux concernés, certain·e·s sont capables de blagues bien plus hardcore mais bien plus intelligentes.

"C'est du second degré" Ce n'est pas ça, le second degré. Rien n'indique dans cette blague que c'en est. Tout un tas de procédés existent pour signaler le second degré. Il n'y en a aucun. Tu ne peux pas juste chier sur ma moquette et me dire "second degré !"

"Ça crée la discussion !" Je peux tuer ton gamin et lancer une discussion sur le meurtre ? Tu vas me remercier et te dire que ça valait le coup ?

Ce ne sont que quelques exemples de réponses possibles, il y en a plein, toutes partent d'une mauvaise foi crasse au départ.

Voilà.
C'était ma petite pierre à l'édifice.