Thread by @DocteurGonzo4

#Thread Il semble aujourd’hui plus facile d’envisager la fin du monde que la fin du capitalisme.

Car l’Etat est un instrument central du capitalisme. Il convient d’en tirer toutes les conséquences et de réfléchir à une nouvelle figure de l’Etat, séparée de l’économie.

Notre époque, dans laquelle le puritanisme, l’hypocrisie des bons sentiments et l’impuissance militante semblent conspirer pour rendre impossible ne serait-ce que le fait d’imaginer une alternative cohérente à notre enfer civilisationnel.

Parmi les signes de l’asphyxie, le syndrome de panique devant tout ce qui peut se présenter comme different, comme si toute altérité préparait une intolérable discrimination, comme si la pensée était congestionnée, et incapable d’inventer de nouvelles manières de faire société.

Le rôle de la gauche est de provoquer des pensées chez les gens. Pour cela elle doit prendre au sérieux la pensée des autres, de ceux pour qui l’Etat moderne et tout ce qui lui est associé sont des contingences historiques et une infortune accidentelle, non un destin inéluctable.

Nous avons l’habitude de déplorer les méfaits de la colonisation. Les aveux de culpabilité sont routiniers. Mais il nous manque l’effroi devant l’idée peu répandue que nous nous sommes pris pour la tête pensante de l’humanité et que nous continuons à le faire.

Les sociétés sans État, comme celles des sociétés autochtones d’Amérique du Sud, ne manquent de rien si ce n’est de la volonté d’être approprié par un État. Ces sociétés possèdent en effet des chefs sans pouvoir, là où nous préférons la servitude volontaire.

Ces société nous pose la question : comment penser une nouvelle figure de l’Etat dans le monde des sociétés de contrôle, où la société tend à s’identifier totalement à l’instance qui l’unifie, et où l’individu intériorise l’Etat qui le contrôle et le modèle en permanence ?

L’anthropologie permet d’élucider les conditions d’autodétermination ontologique des autres (peuples, sociétés, civilisations) afin de nous en inspirer en bonne intelligence plutôt que d’utiliser les images qu’on s’en fait -romancée ou diabolisée- pour perpétuer de vieilles idées

La posture «humaniste» dominante pense que les amerindiens nous ressemblent et aspirent à être comme nous, c’est à dire à vivre sous le signe de la sainte trinité de l’Homme moderne : l’Etat, le Marché et la Raison : le père, le fils et le Saint esprit de la théologie capitaliste

Comme nous ils auraient l’instinct de la rationalité infuse du Capital, ils seraient des individualistes possessifs & des maximisateurs génétiques, et convoiteraient le pouvoir et l’argent. Ainsi on leur octroie des «réserves» pour qu’ils survivent et si possible se «développent»

À cet évolutionnisme culturel s’ajoute un darwinisme social en vogue, prôné jusque dans les plus hautes sphères administratives française, qui sont acquises, avec LREM, aux théories rances des néo-libéraux, des libertariens et des managers.

Ce type de pensée s’infiltre à l’université, et surtout dans les médias, poussé par des intérêts privés qui instrumentalisent nos propres modes de pensée contre nous

Avec pour seul horizon, un universalisme réac, myope et reproductif de la figure de l’Etat comme modèle universel

L’Anthropologie vise à transformer l’image que nous avons de l’Autre, définie par sa distance par rapport à Nous, souvent par le défaut/le manque (sans État, sans écriture, sans religion etc), en une figure doté d’autonomie par rapport à l’image que nous nous faisons de nous même

Des lors, la figure de l’Autre acquiert une valeur critique et heuristique.

C’est ce qu’a fait Levi-Strauss avec son concept de « pensée sauvage » ou Clastres avec son concept de « société contre l’Etat »

La pensée sauvage n’est pas la pensée des sauvages, mais la puissance sauvage de toute pensée, dans la mesure où elle n’est pas domestiquée en vue d’obtenir un rendement.

Une pensée résistante, voire indépendante de la Trinité capitaliste.

Une nouvelle image émerge ainsi de ce qu’est la société, l’économie, la politique, la pensée, et le monde lui même. Une image inspirée de sociétés + sophistiquées que la nôtre sur le plan politique, car entraînées à contrer l’émergence des formes de dominations qui nous minent.

Dans le monde entier, nous voyons l’appareil juridico-policier des États Nationaux apporter son soutien total aux efforts des multinationales pour assiéger définitivement les biens communs et écraser avec violence la moindre résistance au Capital.

Le militantisme politique et l’activisme écologique deviennent une forme de terrorisme, et plus globalement, nous avons tous été transformé en terroristes virtuels face à l’appareil d’Etat, miroir du fascisme intérieur que nous nous imposons tous. m.reporterre.net/Demeter-la-cel…

En fait, nous sommes tous susceptibles d’être confrontés à devoir choisir entre être amérindien (c’est à dire à résister, à habiter les marges, la limite de la clôture du système) ou demeurer dans les centres fortifiés, identifiés au colonisateur, au service des dominants.

Le concept de « société contre l’Etat » n’est pas un libertarianisme qui prônerait la fin de l’interventionnisme du Gvt central dans la vie des individus : un éloge du libre marché, un auto-capitalisme en somme, qui correspondrait plutôt à « la société contre l’individu ».

La société contre l’Etat, c’est la lutte de la Terre contre l’Etat déterritorialisateur. C’est une intentionnalité politique et collective qui s’exprime dans le refus de l’unification par une instance surcodante et surplombante.

La « société contre l’Etat » est un modèle de société basé sur l’inhibition structurelle de la tendance des individus à convertir l’autorité, la richesse et le prestige en coercition, en inégalité et en exploitation.

Clastres accorde un privilège à l’intentionnalité politique. Il stipule que les sociétés amérindiennes se caracterisent par le contrôle politique de l’économie d’un côté (blocage de l’accumulation par la redistribution) et le contrôle social du politique d’un autre côté.

https://twitter.com/DocteurGonzo4/status/1344103085774409729

Notre société est capable d’engendrer des moments exceptionnels et révolutionnaires dans lesquels la vie est vécue comme une séquence inventive

Et les intensités permanentes opposés consciemment ou non à la forme État sont tout autant constitutive de nous même que cette dernière

Nous ferions bien de nous inspirer des autres afin de faire évoluer notre propre modèle social, en créant des institutions capables d’assurer un contrôle démocratique de l’économie, sur la base de la Sécurité Sociale par exemple, afin de soumettre l’Etat à la volonté des citoyens

https://twitter.com/docteurgonzo4/status/1338158642877632513