Thread by @Collabblues

Je vais en profiter pour rappeler que la 🇫🇷 a été très très longtemps en retard et restrictive sur la notion de changement de sexe des citoyens transgenres.
Ce n'est qu'en 1992 que la Cour de cassation (composée de vieux messieurs blancs) ouvre cette possibilité.

https://twitter.com/SirYesS25095892/status/1359204059207639043

Faut dire que la CEDH ne leur avait pas trop laissé le choix, elle avait plombé le cul de 🇫🇷 le 25 mars 1992(n° 13343/87, Botella c./ France) sur sa position.
Donc, la Cour de cassation accepte (Cass. plén., 11 déc. 1992, n° 91-11900), MAIS, impose des conditions drastiques :

- une expertise judiciaire (aux frais du demandeur)
- une opération de chirurgie qui va rendre, de fait, stérile la personne et qui aboutit à reconstruire les organes génitaux du sexe qu'elle revendique, vaginoplastie et phalloplastie.

Ces conditions seront un obstacle important pour les personnes transgenres et la Cour de cassation (composée de moins de vieux bonhommes blancs et de plus de vieilles bonnes femmes blanches) ne va pas changer sa jurisprudence d'un iota (Cass. 1re civ., 7 juin 2012, n° 10-26.947)

Ce en dépit des tentatives de cours d'appel plus avancées, qui se feront systématiquement taclée en cassation, sur appel tout aussi systématique du Parquet.
Mais la loi du 20 novembre 2016 va tout changer en collant un coup dans les rotules de la jurisprudence de la Cour.

Le législateur prend, pour la première fois, une législation complète sur le changement de sexe et introduit une série d'articles dans le code civil qui vont définir les conditions préalables pour obtenir le changement de sexe sur l'état civil (art. 61-5) :

1° La personne se présente publiquement comme appartenant au sexe revendiqué ;
2° Elle est connue sous le sexe revendiqué de son entourage familial, amical ou professionnel (notez le ou);
3° Elle a obtenu le changement de son prénom afin qu'il corresponde au sexe revendiqué ;

Ces conditions ne sont pas cumulatives mais sont des preuves de la volonté réitérée et affirmée de la personne de vivre selon le sexe qu'elle estime être le sien.
Mais il est certain que plus on coche de cases, plus le tribunal sera convaincu que le demandeur s'investit.

Rien n'empêche le tribunal, d'ailleurs, dans une même décision de prononcer le changement de sexe et le changement de prénom (art. 61-7).

Le tacle à destination de la cour de cassation se trouve dans l'article 61-6 "Le fait de ne pas avoir subi des traitements médicaux, une opération chirurgicale ou une stérilisation ne peut motiver le refus de faire droit à la demande."
Plus d'opérations stérilisantes.

Ca n'empêchera pas 🇫🇷 de reprendre une fessée en 2017 par la CEDH pour la jurisprudence de sa cour de cassation antérieure à la loi dalloz-actualite.fr/sites/dalloz-a…
L'arrêt est à lire, car décrivant avec précision le parcours du combattant des personnes transgenres avant la loi de 2016.

L'audience que décrit, avec bcp de justesse @SirYesS25095892, où le tribunal reçoit avec bienveillance la demanderesse au changement de sexe est aujourd'hui la norme, mais est aussi à des km de ce que la Cour de cassation imposait aux juridictions de 1ère instance et d'appel.

D'un point de vue européen (continent, pas 🇪🇺), 🇫🇷 quitte le peloton de ceux qui exigeaient la stérilisation (soit 24 pays en 2017) et rejoint 🇩🇪🇦🇹🇩🇰🇪🇪🇪🇸🇭🇺🇮🇪🇮🇸🇮🇹🇲🇹🇳🇱🇵🇱🇵🇹🇬🇧🇸🇪 qui ouvre le changement de sexe sans stérilisation.

On notera d'ailleurs que dans plusieurs de ces états, ce sont les plus hautes juridictions qui ont bousculé l'ordre établi, ce qui en dit long sur le conservatisme de la Cour de cassation 🇫🇷.

Depuis lors, surtout, la 🇭🇺 de Viktor Orban, toujours en pointe sur les droits de l'homme, est revenu sur la possibilité du changement de sexe et a fait voter une loi qui interdit cette possibilité "au nom des valeurs chrétiennes".
Même 🇹🇷 d'Erdogan l'autorise pour l'instant...