Thread by @crisetchuchote

Ce thread pour dire mon état proche du désespoir après de nombreuses excursions prévues et non prévues dans la médecine hospitalière française ces dernières semaines (hors corona).

Eh bien, ça pose des grosses questions, et, même si je comprends la fatigue des soignants, les bonnes questions sont à se poser, parce que je constate et ressens un réel changement, hélas dans le sens de la descente

Les familles ne peuvent plus être auprès des malades et leur importance est pourtant capitale. Je peux témoigner que si tu es faible ou handicapé, pas capable d'expliquer tes symptômes, et de poser des questions, tu es super mal soigné.

Interrogatoire inexistant, examen clinique = juste la ou ça fait mal et encore, examens complémentaires à la volée, sans réflexion préalable sur indication, sans comparaison aux ex antérieurs, et résultats ne pas communiqués, ni au patient ni à sa famille.

Sur 14 jours d'hospitalisation, 10 jours de télé sans le son, parce que le personnel n'a pas apporté au patient les écouteurs pour la télé (ils sont dans leur tiroir). Pas de connexion internet, car code gratuit pas donné par personne, donc appels compliqués car sans réseau

Sortie sans consigne de suivi, sans aucune indication sur reprise du traitement anti-thrombotique habituel. Pas de calci donnée à la maison alors qu'était faite à l'hôpital. Bas de contention ? poursuivre ou pas ?

Retour aux urgences. Seule question posée à l'accueil à l'arrivée, et encore pas aimablement: "Carte vitale" .

Compte rendu sur lequel ne figure aucun résultat d'examen, ni même tous les examens effectués. Pas d'indication donnée sur la manière de les récupérer. Il faut réclamer l'ordonnance promise et le secrétariat râle que faite au dernier moment!

Les seuls qui sont vraiment efficaces et intransigeants: les gardes des accueils qui ne laissent passer aucun accompagnant, parce que ce sont les ordres.

Et pendant ce temps, que voit t'on dans les médias. Les médecins hospitaliers qui viennent donner leur avis sur les confinements, mais pas sur le bordel hospitalier. Les médecins libéraux qui bataillent pour savoir combien on va les payer pour vacciner

Et pendant ce temps la, un syndicat tout soudain retourne sa veste, et décrète que les vaccins devraient être faits par tout le monde, pharmaciens comme médecins, pendant que d'autres crient au scandale que les pharma aient le droit de vacciner du Covid

Et pendant ce temps la, les médecins se plaignent en cabinet d'une baisse de clientèle, parce que les masques et mesures barrières ont fait drastiquement diminuer les gastro et les grippes, et qu'en fait ça démontre que les médecins vivent des gastro et des grippes

Ca devrait les questionner les médecins. De voir qu'une bonne part de leur revenu est issu de maladies virales bénignes Les gens faibles, les trucs complexes, compliqués, les patients lourds, personne n'en veut parce que le rapport qualité prix n'est pas correct selon eux

Mais au lieu de batailler pour qu'on rémunère correctement leurs actes médicaux, ils continuent à se plaindre, la tête basse, d'être les mal lotis de la santé, alors qu'ils devraient défendre la tête haute la qualité de ce qu'ils sont capables de faire et qu'il faudrait payer

Je n'ai pas cette idée de la médecine. Mon point de vue est simple et m'a permis de vivre très confortablement d'un métier que j'aimais pratiquer. C'est que faire la médecine de qualité est la seule option qui rapporte plus que faire de la médecine vite et mal

Ca veut dire prendre le temps de faire de la clinique correctement, de demander les bons examens, d'en faire le suivi, de restituer les résultats, d'accompagner moralement. Même si au final tu vas gagner éventuellement un peu moins d'argent que celui qui fait vite et mal,

Tu vas gagner un truc en plus et d'importantce: ta propre estime, ce qui vaut cher. Celle d'avoir fait avec conscience un métier qui te fait vivre correctement dans tous les cas, celle de ne pas être fonctionnarisé, de ne pas mesurer tes efforts.

Et la, franchement, trop de signaux sont au rouge. Je vois des médecins en rébellion contre le système qui ne leur convient jamais, des accueillants mal lunés, je vois des administratifs au pouvoir, je vois des malades désœuvrés, des gens seuls à l'hosto pour y vivre ou y mourir

Je constate que l'humanité médicale et soignante se dilue dans toutes ces luttes intestines, financières, syndicales, et je suis inquiète de la dégradation massive de la qualité du soin en lui-même, sans parler de la qualité de l'accueil et de l'écoute que l'on doit aux patients.

Les soignants sont fatigués, épuisés, ont besoin d'aide morale autant que d'être correctement payés pour ce qu'ils font. Je suis d'accord et veux défendre ça. Mais ce n'est pas une raison pour que les soins aux patients se délitent ainsi.

Ce soir, je suis venue exprimer ma déception de la qualité médicale ressentie, et pas que par moi, selon ce que j'entends autour de moi. C'est pour moi la lutte prioritaire. Battons-nous pour que la qualité soit la, soit appréciée, soit valorisée.

Car la qualité, ce ne sont pas des croix dans des cases d'audit de qualiticien qui n'a jamais vu un patient. La qualité de la médecine, c'est l'interrogatoire, l'examen clinique, les explorations adaptées, et l'information et accompagnement des malades. ça, prioritairement ça...