On cherche à comprendre l'ascension fulgurante de Michel Karabadjakian au sein de la MPM. En quelques mois, ce fonctionnaire, qui avait rencontré Alexandre Guérini, est passé de directeur de la propreté urbaine à directeur général adjoint de la propreté.
La présidente lit la déposition d'Eugène Caselli, qui explique avoir promu Michel Karabadjakian au cours d'une réunion politique, sur suggestion de Jean-Noël Guérini qui dit avoir eu de très bons "retours" sur lui. "Est-ce que vous n'avez pas été poussé sur ce poste ?"
La question déstabilise l'intéressé." Ouais, ouais, j’ai été poussé. On peut dire incompétent.
On peut dire que j’étais un pion, qu’on m’a poussé là."
JN Guérini est interrogé sur cette promotion. "Vous n'êtes pas en accord avec Mr Caselli quand il dit que vous avez soufflé le nom de Mr Karabadjakian ?" "Oh non ! Et quelle autorité aurais-je ? Je n'étais que conseiller communautaire." Coup d'œil à son avocat avant de s'assoir.
Le marché de tri des déchets de la MPM a-t-il été attribué à à la société d'un proche d'Alexandre Guérini grâce à l'intervention de Michel Karabadjakian ? La présidente tente de démêler la pelote de laine face à un M. Karabadjakian visiblement embarassé.
En effet, le marché est d'abord attribué à une autre société. "On a l'impression que vous voulez bloquer la décision qui vient d’être tenue", lance la présidente à Michel Karabadjakian.
"J'avais beaucoup de pression", souffle-t-il. "De qui ?"."De Mr Guérini." "Lequel ?" "Alexandre Guérini. Je sais que je joue gros, gros. J'avais beaucoup de pression d'Alexandre Guérini, à tel point qu'en commission d'appel d'offres, je m'emporte avec les élus." 1/2
"Ce qui m'est défavorable. Quand je sors de la commission, je ne comprends pas ce qui se passe. J'avais des grosses pressions pour ne pas attribuer le marché à la société Sita", initialement choisie.
La présidente interroge à présent Alexandre Guérini. "Est-ce que c’est pas gênant malgré tout que quelqu’un qui est chef d’entreprise puisse présenter des personnes, ensuite en mesure de lui attribuer des marchés, à un président de communauté de commune ?"
Alexandre Guérini se lance dans de longues explications. La présidente lui demande d'aller "droit au but".
"Je ne comprends pas à quel titre vous voulez discuter avec le DGA. Désolé, je suis rigide.
_J'ai connu plus rigide.
_Merci, mais vous me connaissez pas très bien encore."
Face à ce dialogue de sourd (ou cette partie de ping-pong, au choix), la présidente décide de diffuser de nouvelles écoutes. #Guerini
Dans une de ses écoutes, après lui avoir passé un "savon", A. Guérini demande à M. Karabdjakian la tête d'un fonctionnaire qui ne va pas dans son sens.
« A la fin du mois, tu lui dis qu’il se cherche un autre poste. Je veux plus le voir. Le mec, il joue pas collectif, il s’en cague. Qu’est-ce que c‘est que ce mec ? C’est un fatigué ou quoi ? Il a pas le sens politique, il a le sens de l'égoïsme. »
La présidente redemande à Michel Karabadjakian :" pourquoi il peut avoir ce contact avec vous et pourquoi il peut vous parler comme ça ?". Ce dernier évoque d'abord une "emprise psychologique." "Je suis un homme sous influence, isolé."
"Je crains de m'attirer les foudres de M. Alexandre Guérini. Des cris, ça peut présager autre chose que de crier. Dans ces conversations, vous avez vu la violence ? Je n'ai jamais subi ça dans ma vie. Je suis terrorisé."
"Mais Mr Guérini n'est rien pour vous. Ce n'est pas votre supérieur hiérarchique. Est-ce que vous craignez de lui physiquement ?"
Court silence
"Oui. Oui. Oui. Bah oui."
Stupeur de la présidente.
"Vous craignez qu'il vous frappe ?
_Ou qu'il me fasse frapper."
Alexandre Guérini reconnaît s'occuper "des affaires qui ne [le] regardent pas", mais sans "tirer profit" de ces affaires. La présidente cherche à savoir pourquoi, non sans ironie. "J'ai trouvé, vous êtes un lanceur d'alerte."
Dans une nouvelle écoute, Alexandre Guérini s'en prend violemment à Michel Karabadjakian. "Ca fait quatre fois qu'on le refait, et quatre fois que vous mettez pas ce qu'on dit !"
"Est-il normal qu'un candidat à un marché en décrive les règles du jeu ?", s'agace la présidente.
Le ton monte entre Alexandre Guérini, qui contourne les questions par des explications techniques, et la présidente Céline Ballérini, qui se fâche, le tout, fun fact, en prenant inconsciemment l'accent corse de l'entrepreneur.
Les différentes écoutes laissent entrevoir un A. Guérini virulent envers M. Karabadjakian qui n'a pas fait "ce qu'il lui dit". "Il vaut mieux pas qu'on se voit parce qu'on va se fâcher." M.Karabadjakian promet de modifier l'appel d'offres, alors que c'est légalement impossible.
Interrogée par la présidente sur ce point, M. Karabadjakian justifie ces paroles par la "peur".
"J'avais peur de l'avoir contre moi.
_Est-ce que, un jour, vous lui avez tenu tête ?
_Je ne crois pas."
La dernière écoute est particulièrement troublante. Message vocal d'Alexandre Guérini. Pour comprendre, Dariès à l'époque est le même directeur des déchets dont il a réclamé la tête quelques semaines plus tôt. 1/3
"C'est Alexandre Guérini. Dis-moi. Euh... J'ai trouvé un remplaçant à Dariès. Donc tu recevras les instructions, mais moi, à partir du 1er septembre, je ne veux plus Daries directeur. Tu recevras les instructions mardi. " Il donne même le nom du successeur choisi. 2/3
"Je vais avertir mon frère [Jean-Noël Guérini] aux Etats-Unis. Il est à Los Angeles. Je prends les choses différemment. Eugene [Caselli] recevra les ordres de procéder à son remplacement. Tout sera son contrôle." 3/3
Interrogé sur ce point, Alexandre Guérini lance, dans un lapsus savoureux : "Ce qui n'est pas vrai, c’est que je n’ai appelé personne pour procéder à ce remplacement. Euh, ce qui est vrai pardon !"
Diffusion d'une nouvelle écoute entre Michel Karabadjakian et Alexandre Guérini. Ce dernier vient d'apprendre qu'un marché du papier, habituellement dans le marché du tri, va être lancé. La nouvelle déplaît fortement à Alexandre Guérini :
Alexandre Guérini à Michel Karabadjakian :
"Il faut pas... Il faut le laisser dans le marché du tri. Tu as bien compris ?
_Très bien.
_Tu comprends ce que je veux te dire ? Arrête tout ça. Il faut pas que ce soit exceptionnel.
_Ah, d’accord. Ok. J’ai compris."
Depuis ce matin, les échanges entre la présidente et Alexandre Guérini ont des airs de bras de fer. Ce dernier répond souvent à côté, via moults détails techniques, tandis qu'elle tente de recentrer le débat.
Karabadjakian à la barre. La présidente l'interroge :
"Et donc, le 7 août (jour de cette conversation), vous bloquez tout ?
_Oui, je bloque tout."
Nouvelle écoute qui laisse une fois de plus transparaître les liens entre les deux protagonistes.
Guérini à Karabadjakian (on le rappelle, cadre de la communauté urbaine de Marseille) :
"Ah pourquoi tu me l'avais pas dit ça ? Tu devais me le dire !" Silence de Karabadjakian.
Mon côté prude vous épargne le langage fleuri d'Alexandre Guérini en colère, visiblement assez préoccupé par le derrière des gens qui le contrarient.
A. Guérini à la barre. On revient à cette sempiternelle question autour de laquelle on tourne depuis ce matin : pourquoi est-il intervenu dans ces dossiers ?
La pause déjeuner a visiblement porté ses fruits, A. Guérini a légèrement changé de discours sur ce point crucial.
Il se présente comme une sorte de Monsieur propre du Parti socialiste. "Je suis adhérent du PS et considéré a ce tire comme une des personnes qui soient susceptibles de donner un avis sur le traitement des déchets." Une mission qui n'a toutefois rien d'officielle.
S'en suit une longue explication, sur le même ton que précédemment. Avec, tout d'un coup, cette phrase sur ses interventions : "J'aurais dû le faire en catimini... ou pas le faire du tout. Je suis peut-être le recordman des écoutes téléphoniques."
Alexandre Guérini se débat péniblement alors qu'on évoque son rôle dans une grève des éboueurs du 1er arrondissement. Pour rappel, les services préconisent Bronzo pour la collecte de déchets de ce secteur, mais la commission d'appel d'offres choisit une autre société.
S'en suit une grève des éboueurs qu'Alexandre Guérini aurait encouragé pour mettre la pression sur l'attribution de marché de collecte. Dans un message téléphonique, voilà ce qu'il dit au dirigeant de la société Bronzo :
"Je suis sorti du bureau de mon frère avec qui tu sais." Qui tu sais = Eugène Caselli. "Il a rien voulu entendre. Il a peur pour sa sécurité. Simplement pour te dire que je pense qu’il faut il y ait un tiens bon. Et pas que. Il faut une démarche juridique."
Alexandre Guérini livre à la présidente des explications pour le moins alambiquées. "Je n'ai pas parlé de ça avec mon frère. On était dans son bureau, mais il était suffisamment grand pour que je puisse m'écarter avec Caselli."
La présidente lui fait par ailleurs remarquer qu'il est difficile de vouloir la propreté à Marseille avec une grève des éboueurs. Alexandre Guérini justifie cette fois son intervention par une volonté de "soutien aux salariés."
Alexandre Guérini rappelle Michel Karabadjakian. Il cherche à obtenir des documents officiels de la commission d'appel d'offres pour casser le marché. Il l'appelle, et comme il l'a fait précédemment, donne ses ordres. S'en suit ensuite cette conversation
"Je sais que tu es dans le camp des autres, dans le camp de ceux qui veulent me mettre en prison." Guérini accuse Karabadjakian de trahison pour ne pas avoir respecté ses doléances. 1/2
Alexandre Guérini durcit le ton. "Aujorud’hui j’ai le sourire. Tu devrais etre très inquiet. Quand je parle comme ça, de manière trrès posé, prends des Doliprane". Mais aujourd'hui, il n'y voit aucune menace.
A défaut d'avoir retrouvé Eugène Caselli, la présidente lit sa déposition lors de l'enquête. Eugène Caselli raconte notamment qu'Alexandre Guérini se faisait respecter car se présentant comme le frère de, et imposant de par sa carrure et son attitude, suscitant la crainte. 1/2
Un portrait qu'Alexandre Guérini tient à rectifier spontanément sur un point. "Ce qui m'a blessé de sa part, c’est de prétendre que quand je rentrais dans une pièce, j’y apportais une atmosphère glaciale. C’est mal me connaître. Moi, je n’apportais que de la chaleur humaine."
La président insiste, et Alexandre #Guerini lâche : "Je n'ai jamais profité à quelque niveau que ce soit de la position politique de mon frère."
Pour Alexandre Guérini, il n'y a aucun souci à faire jouer son carnet d'adresses pour faire des signalements, et prend pour cela un exemple qui fait bondir la présidente Ballérini : 1/2
"A l'époque, si je cours sur la Corniche et je trouve un cadavre de chat, j'appelle Mr Karabadjakian en lui disant que cela dégage une odeur pestilentielle. Est-ce que j'ai fait quelque chose du mal ?"
"C'est fou que vous ayez ces réflexes là, s'indigne la présidente. Il n'est pas nécessaire d'appeler le DGA pour enlever le cadavre d'un chat ! Mais heureusement que vous n'avez pas le numéro du président de la République ! " #Guerini
"Ne venez pas vous plaindre si après on se demande si vous ne demandez pas des passe-droits quand, pour un cadavre de chat, vous appelez le DGA ! " #Guerini
La cour cherche à comprendre comment Alexandre Guérini a eu très vite une emprise sur Michel Karabadjakian qu'il ne connaissait pas. Ce dernier évoque déjà un isolement. Et ajoute : "Je n'étais pas en capacité de l'envoyer. On ne peut pas envoyer balader Alexandre Guérini."
Un avocat de la partie civile fait remarquer que le poste de DGA est un poste révocable et demande à Michel Karabadjakian s'il craignait de perdre son poste en cas de désobéissance à Alexandre Guérini. 1/2
"Ca fait partie de l'équation. Monsieur Caselli aurait pu me décharger de mes fonctions." 2/2
Note de service : je suis toujours en vie. L'avocat d'Alexandre Guérini s'est lancé dans une explication longue et quelque peu floue sur les différents marchés visés ici. Echanges plus ou moins musclés avec la cour pour qu'il clarifie son propos.
Au tour de l'avocat de Karabadjakian. Il rappelle les propos de son client durant l'enquête, se disant partagé entre la pression exercée par Alexandre Guérini et son souci de servir la collectivité. D'ailleurs, Karabadjakian avait pu fournir à A. Guérini des documents tronqués.
L'audience est suspendue, et les témoins n'ont pas été entendus. On est parti pour une bonne soirée. La présidente avertit : les débats les prochains jours devront être moins longs. #Guerini
Reprise de l'audience. La pause a été marquée par un incident. Le procureur Perrin a intercepté pendant la pause, par hasard, aux WC, une conversation entre Alexandre Guérini et un autre prévenu, Raymond Bartolini, sur ton qui lui semblait inapproprié, semblable à des pressions.
Des propos que la présidente qualifie de "particulièrement fâcheux". "Il semble particulièrement malvenu de votre part de pouvoir être dans des situations pour le moins ambigües." Alexandre Guérini s'excuse.
Mr Dariès se présente devant le tribunal, le même dont Alexandre Guérini avait réclamé la tête dans une écoute téléphonique diffusée plus tôt dans la journée.
De nouveau Alexandre #Guérini à la barre, interrogé par le tribunal. Le procureur prend la parole.
L'audience se conclut sur cette phrase d'Alexandre #Guerini :
"Le seul procès qui compte, c'est le procès des électeurs."

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16 Mar
Le soleil brille, le vent souffle et le deuxième jour du procès #Guerini commence, à suivre en LT ici. En attendant les premières prises de parole, retour sur la journée d'hier dans mon papier ci-dessous. @20Minutes
20minutes.fr/justice/299919…
On se concentre aujourd'hui sur le pan de l'affaire concernant les marchés publics de la communauté urbaine Marseille Provence Métropole, impliquant Alexandre Guérini et un cadre de la MPM, Michel Karabadjakian.
Aujourd'hui était prévue l'audition d'Eugène Caselli comme témoin. "Je ne sais pas si on va retrouver monsieur Caselli, sourit la présidente. On n'a pas de nouvelles de notre côté."
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