Le 18 mars 1871, tout ce que Paris compte d’écrivains, d’éditeurs, Verlaine, Millière, Courbet... accompagnent le cortège funèbre de Charles Hugo, fils de Victor, vers le Père Lachaise en une procession aux accents prophétiques. Récits de VH et de Goncourt: ⤵️⚰️
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Victor Hugo dans Choses vues :
« 18 mars — À la gare, on nous reçoit dans un salon où l’on me remet les journaux qui annoncent notre arrivée pour midi. Nous attendons. Foule, amis.
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À midi, nous partons pour le Père-Lachaise. Je suis le corbillard, tête nue, Victor [fils] est près de moi. Tous nos amis suivent, et le peuple. On crie : Chapeaux bas !
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Place de la Bastille, il se fait autour du corbillard une garde d’honneur spontanée de gardes nationaux qui passent le fusil abaissé. Sur tout le parcours jusqu’au cimetière, des bataillons de garde nationale rangés en bataille présentent les armes et saluent du drapeau. 🇫🇷
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Les tambours battent aux champs. Les clairons sonnent. Le peuple attend que je sois passé et reste silencieux, puis crie : Vive la République ! 🥁
Il y avait partout des barricades qui nous ont forcés à de longs détours.
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Au cimetière, dans la foule, j’ai reconnu Millière, très pâle et très ému, qui m’a salué, et ce brave Rostan. Entre deux tombes une large main s’est tendue vers moi et une voix m’a dit : — Je suis Courbet. 6/
En même temps j’ai vu une face énergique et cordiale qui me souriait avec une larme dans les yeux. J’ai vivement serré cette main. C’est la première fois que je vois Courbet. »
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Récit d'Edmond de Goncourt dans son journal :
« Samedi 18 mars — Ce matin, la porteuse de pain annonce qu’on se bat à Montmartre.
Je sors et ne rencontre qu’une indifférence singulière pour ce qui se passe là-bas. 🙄 8/
La population en a tant vu depuis six mois, que rien ne semble plus l’émouvoir.
J’arrive à la gare d’Orléans, où est déposé le corps du fils Hugo. Le vieux Hugo reçoit dans le cabinet du chef de gare. 🚂
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Il me dit : "Vous avez été frappé, moi aussi… mais moi, ce n’est pas ordinaire, deux coups de foudre dans une seule vie !" ⚡️ 10/
Et le convoi se met en marche. Une foule étrange, dans laquelle je reconnais à peine deux ou trois hommes de lettres, mais où il y a un grand nbre de chapeaux mous, au milieu desquels s’infiltrent, à mesure qu’on avance et qu’on traverse les quartiers à cabarets,
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des soulards, qui prennent la queue en titubant. La tête blanche de Hugo, dans un capuchon, domine derrière le cercueil ce monde mêlé, semblable à une tête de moine batailleur du temps de la Ligue. 🙏
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Tt autour de moi, on parle de provocation, on plaisante Thiers, et Burty m’agace horriblement avec ses ricanements et son apparente incompréhension du mouvement révolutionnaire, qui se prépare autour de nous. Je suis très triste et plein des plus douloureux pressentiments. 13/
Les gardes nationaux armés, parmi lesquels le convoi s’ouvre un chemin, présentent les armes à Hugo, et nous arrivons au cimetière.
La bière ne peut entrer ds le caveau… Vacquerie prononce un long discours.
Nous revenons. L’insurrection triomphante prend possession de Paris.
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Les gardes nationaux foisonnent, et partout s’élèvent des barricades, couronnées de méchants gamins. Les voitures ne circulent plus. Les boutiques se ferment.
La curiosité me mène à l’Hôtel de Ville, où,... 15/
[🖌️ : Tardi]
sur la place et au milieu de petits groupes, des orateurs parlent de mettre à mort les traîtres. Au loin, sur les quais, dans un brouillard de poussière, des charges inoffensives de municipaux, pendant que des gardes nationaux chargent leurs fusils, rue de Rivoli,... 🚧🚧
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et que des voyous donnent l’assaut, avec des cris, des huées, des pierres, aux deux casernes derrière l’Hôtel de Ville.
En revenant, sur les trottoirs, des badauds causant de la fusillade de Clément Thomas et de Lecomte. » 17/
A partir du 20 mars 1871, la révolte parisienne contre le gouvernement se propage en France : toutes les grandes villes proclament leur Commune ! Récit par Jules Guesde, avec mention de la « collaboration ardente de l’élément féminin » s'il vous plaît :⤵️🍒 1/
« Ce n’est que le 20, le 21 même dans ctns départements, qu’on apprit les événements du 18, càd l'attaque nocturne des canons de Montmartre, la résistance victorieuse de la garde nationale et la retraite à Versailles du gvt de MM. Thiers, Jules Favre, Picard, Jules Simon, etc.
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Ds cette dépêche — véritable chef-d’œuvre de mensonge — l’exécution des généraux Clément Thomas et Lecomte qui, outre qu’elle s’expliquait amplement par les antécédents et la conduite présente des "victimes", n’était, en réalité qu’un incident dû à l’exaspération populaire, 📨
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J2
Le 19 mars 1871, Geneviève Breton, jeune fille de la bourgeoisie intellectuelle, consigne dans son journal son effroi face à la mort des généraux Lecomte et Clément Thomas dans la nuit. ⤵️✍️🍒 1/
Le canon m’a réveillée cette nuit ! On se bat dans les rues. Le drame recommence aussi terrible, aussi sinistre qu’avant…
Aujourd’hui tout est fini, plus d’espérance, plus d’illusion, plus même d’inquiétude. Le pays est perdu ! l’honneur est souillé… 😔
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Oui,les temps sont revenus de la Terreur et du sang! on a fusillé cette nuit 2 généraux livrés par leurs troupes aux émeutiers: Clément Thomas, un républicain, il est mort debout les yeux ouverts, fusillé par ses soldats.L’autre, je ne sais plus son nom 3/
J 2
Émile Zola raconte l'insurrection de Paris dans les deux derniers chapitres de son roman La Débâcle. Au chapitre VII, il peint le matin du 19 mars 1871 comme une « aube de la Commune » : ⤵️🌇🍒 1/ #150ansCommunedeParis
« Le 19, Paris s’était réveillé sans gouvernement, plus surpris qu’effrayé d’apprendre le coup de panique qui venait d’emporter à Versailles, pendant la nuit, l’armée, les services publics, les ministres ;
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et, comme le temps était superbe, par ce beau dimanche de mars, Paris descendit tranquillement dans les rues regarder les barricades. Une grande affiche blanche du Comité central, convoquant le peuple pour des élections communales, semblait très sage. 3/
André Léo racontera quelques mois plus tard le 18 mars 1871 comme le produit d’une opération sciemment menée par Thiers, ce "petit machiniste" : ⤵️👨🔧🍒
« De l'aveu de tous les journaux modérés, l'attaque du 18 mars fut une provocation. Le départ immédiat du gouvernement de tous les services publics, l'enlèvement des caisses et de tout le matériel de l'administration, montre un plan arrêté d'avance. ⚙️⚙️
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L'émeute devint une révolution. Le grand courage du petit machiniste de ce drame ne faiblit pas. 😈
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Éloge lyrique du 18 mars par Jules Vallès, adressé à un enfant qui évoque le personnage de sa trilogie, Jacques Vingtras :
« Le 18 mars te l’a sauvé belle, gamin ! ⤵️🍒
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Tu pouvais, comme nous, grandir dans le brouillard, patauger dans la boue, rouler dans le sang, crever de faim et crever de honte, avoir l’indicible douleur des déshonorés !
C’est fini ! ✊
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Nous avons saigné et pleuré pour toi. Tu recueilleras notre héritage. Fils des désespérés, tu seras un homme libre. »
...où vint le rejoindre Clément Thomas, reconnu tandis qu’en vêtements civils il étudiait les barricades de Montmartre.
Suivant les lois de la guerre ils devaient périr.
Au Château-Rouge, quartier général de Montmartre, le général Lecomte signa l’évacuation des buttes.
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Conduits du Château-Rouge à la rue des Rosiers, Clément Thomas et Lecomte eurent surtout pour adversaires leurs propres soldats.
L’entassement silencieux des tortures que permet la discipline militaire amoncelle aussi d’implacables ressentiments. 🤬
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