Le dernier ouvrage auquel Piketty vient de contribuer contient une impressionnante somme de données sur l'évolution de l'électorat des partis de gauche dans 50 pays (1/n) 
Les auteurs déterminent le profil sociologique d'un courant politique en fonction de sa capacité à attirer deux électorats: les 10% les plus éduqués et les 10% les plus riches en termes de revenu.
Mettre l'accent sur le rôle du "capital culturel" et du "capital culturel" dans les choix électoraux invite à convoquer Pierre Bourdieu, en particulier son célèbre graphique quadrant des capitaux absolus et relatifs.
A partir des données de Piketty, on peut représenter "à la Bourdieu" l'évolution du profil sociologique de l'électorat de gauche dans quelques pays: France, Allemagne, Italie, Espagne, Suède, Royaume-Uni.
Précision: par "gauche" on entend tous les partis progressistes (communistes, socialistes, écologistes etc.)
Commençons par France. Au début, était le prolétariat: en 1955, les électeurs très éduqués et riches se détournaient radicalement, et avec la même intensité, de la gauche. En 2015, c'est l'inverse: la gauche recrute de + en + de bourgeois, et pas toujours les + éduqués
Comment passe-t-on de Germinal à la Startup Nation?
En 2 temps:
1955-2005: la gauche recrute de plus en plus de cols blancs modestes (montée de l'Etat Providence)
>2005 : les mieux dotés en capitaux économiques et culturels se tournent vers la gauche (cadres, indépendants)
En 2 temps:
1955-2005: la gauche recrute de plus en plus de cols blancs modestes (montée de l'Etat Providence)
>2005 : les mieux dotés en capitaux économiques et culturels se tournent vers la gauche (cadres, indépendants)
La période "bobo", dont on se gargarise tant dans les milieux bourgeois traditionnels anti-intellectuels, a peu duré. La Gauche fut le plus souvent la voix des classes populaires et moyennes. La nouveauté, c'est le basculement vers les classes bourgeoises au sens strict.
La situation française est donc paradoxale. Ce n'est pas du tout le cas en Allemagne puisque la gauche y reste proche des classes moyennes et populaires dont le capital est d'abord culturel.
Même chose au Royaume-Uni
L'Italie est un cas intéressant. Au départ, la Gauche est soutenue par un prolétariat très peu éduqué, puis elle recrute de plus en plus de salariés mieux lotis grâce à leur diplôme, connait sa période bobo dans les années 1990, puis bascule dans les classes moyennes nanties.
La success story de la gauche italienne, c'est le passage du paysan rouge de calabre au petit patron cossu de Toscane.
Terminons par la gauche suédoise. L'électorat le plus éduqué et le plus riche ne vote pas pour cette gauche qui reste le premier choix de l'électorat dominé culturellement mais aussi, et dans une moindre mesure, économiquement. En Suède, le gilet-jaune est et reste à gauche
Je n'ai fais là que présenter d'une autre façon les résultats du livre. Mais l'ouvrage ne contient pas que des chiffres! C'est aussi un somme historique qui couvre 50 pays. Le "renversement " sociologique de la gauche française, souligné par les auteurs, n'en ressort que mieux.
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