Thread by @FlorianLitzler

Depuis un an, nous journalistes avons passé pas mal de temps dans les hôpitaux. Depuis 2 jours j'y suis à nouveau, mais pour moi.
L'occasion de prendre conscience de certaines choses, parfois oubliées par nos caméras.
Thread #Covid #hopital #soignants #Deconfinement 👇

Mercredi beaucoup ont frappé avec joie leur foie à coup de pintes en terrasse, quand mon intestin, lui, décidait de me tuer.
La revanche, sous forme d'appendicite avec une belle péritonite.
Rien à voir avec le Covid, mais l'animal a quand même tenu un rôle dans cette aventure

Dans nos télés radios et journaux avant-hier on laissait vivre les cliquetis des verres, on racontait la foule, on cherchait les pops des bouchons de champagne.
Et ça fait du bien. Je réussissais même, courbé par la douleur, à sourire en voyant les gens déjeuner dehors

De quoi en oublier le Covid ! Ce fut le cas pour certains, sans masque de la soirée. Debout entassés devant le bar, ou assis collés à 8 sur une table de 4, elle même collée à la table d'à côté. Et toujours là après 21h.
Je le voyais à la télé, je le voyais de ma fenêtre.

Le Covid s'est rappelé à moi quand le Dr. qui traduit mon scan m'informe qu'il faut m'opérer d'urgence, que c'est sérieux, mais qu'il ne peut pas m'envoyer dans un hôpital.

Parce que si je suis une urgence, il y en a d'autres plus urgentes encore.
"Il y a toujours bcp de Covid"

A l'hôpital je risque d'attendre, très, trop longtemps. Ou d'être tout simplement refoulé, me dit-il. C'est arrivé à deux de ses patients la semaine dernière.
Il m'oriente vers une clinique, où une équipe incroyable m'a pris en charge. Et opéré hier.

Je suis journaliste et mercredi, j'aurai trouvé curieux de faire un sujet "L'épidémie continue". Peu l'ont fait d'ailleurs, je crois.
Mercredi il fallait parler des terrasses, pas des terrassés. On voulait du positif, on en a besoin. Mais pas au prix de la réalité.

Une réalité dont j'ai pris pleinement conscience grâce à ce que j'ai vécu. J'ai fait des dizaines de sujets Covid depuis + d'un an. Au point de l'attraper dans une zone rouge en Italie. J'ai raconté en boucle la fatigue, le manque de moyen et la volonté increvable de nos secours.

Sauf que putain, ça prend une toute autre dimension quand c'est de vous qu'ils s'occupent.

C'est pour cela que j'écris. Pour parler des soignants, dont beaucoup avant-hier, hier, n'étaient toujours pas en terrasse mais à leur poste. C'est leur job oui. Mais ils le font avec une abnégation sans limite. Et ça c'est remarquable.

J'ai été soufflé par leur force, leur gentillesse, leur écoute et leur patience, même quand pour la 4eme fois j'ai appelé l'infirmière par erreur en m'allongeant sur la télécommande dédiée.
Ces gens vivent l'enfer depuis plus de 15 mois et arrivent à vous apaiser d'un regard.

Je me suis retrouvé face à des médecins, infirmières, aides soignants qui brillaient de tant bienveillance et d'entrain. De celle qu'on a quand on commence un job dont on rêve depuis longtemps. Alors que sous les charlottes les cheveux étaient gris. Et les yeux parfois cernés.

Alors merci. Merci beaucoup. Mais ces mots ne sont pas le meilleur moyen de leur dire. Ni de simplement les applaudir à 20h. Le mieux, je pense, c'est de retrouver la vie qu'ils s'acharnent à défendre. Mais de le faire avec raison, de ne pas se précipiter, de ne pas tout gâcher.

Donc oui, retournons en terrasse, profitons et chauffons leurs la place !
Mais je veux le faire bien. Sans me coller au voisin. Je n'irai pas dans un bar où les tables ne respectent pas la distance minimum. Et même si c'est relou, je remettrai mon masque entre deux gorgées.

Astuce : boire cul sec

Je ne juge pas ceux qui se seraient trop lâchés. Et je ne leur ordonne pas de changer. Ce n'est mon taff.
J'ai simplement observé et je vous raconte.
La vie totalement d'avant c'est peut-être d'abord dans les hôpitaux qu'on doit la retrouver. C'est eux qui sont en première ligne.

En attendant soyons bourrés, peut-être, mais ne soyons pas trop cons.

A distance, santé !

Et merci à Jean-Michel, Jordan, Joëlle, Alessio et les autres de m'avoir, l'air de rien, sauvé la vie.