En philo, «Sommes-nous responsables de l’avenir ?», ça donne que des copies type :
1. Si je travaille bien j’aurai de l’argent 2. Mais il y a des imprévus dans la vie 3. Pas facile mais quand on veut on peut
La Start-Up Nation a bien fait son œuvre de lessivage des esprits.
Par-delà le dépit de la médiocrité philosophique que ça engendre, c’est intéressant parce que cela permet de caractériser l’arête centrale de ce que Lordon a pu appeler «épithumogénie néolibérale» :
• L’avenir est envisagé sous un rapport presque exclusivement individualiste ;
• «Être responsable de» ne réfère plus à la situation morale de «devoir répondre de» mais à l’incidence efficiente de «avoir un impact sur» ;
• L’être humain n’est plus envisagé comme sujet, mais comme agent : plus comme être de conscience, mais comme être de puissance ;
• L’idée de responsabilité collective n’est jamais (vraiment, jamais !) envisagée : ne restent que le hasard et la responsabilité individuelle – dénuée de tout aspect éthique, et ramenée à un misérable : "dans la vie, on a bien ce qu’on s’est donné les moyens d’obtenir".
Sur une quarantaine de copies ayant opté pour ce sujet dans mon lot, le nombre de candidats ayant perçu le problème nodal du sujet – i.e. quelque chose comme : peut-on avoir des obligations envers des êtres qui n’existent pas encore ? – s’élève très précisément à : zéro.
N.B. Il y a des collègues qui apportent d’autres sons de cloche pour leur lot de copies. Ne sombrez donc pas dans le désespoir ! 🙂
Et certains semblent penser que j’en veux aux élèves. Nullement. J’en veux à l’environnement causal (dont l’école) qui a produit ce résultat.
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⬇️THREAD – Grand oral du bac⬇️
— Comment Jean-Michel Blanquer demande officiellement aux enseignants d'évaluer les candidats sur leur timbre de voix, leur accent, leur empathie, leur humour, leur hygiène, leur sourire, leur déhanché ou le caractère "provocant" de leur tenue.
En pleine formation aux attendus du grand oral (épreuve reine du nouveau baccalauréat Blanquer), je dois me dire totalement consterné par les attendus figurant dans les documents qui nous ont été officiellement transmis.
Passons sur le moins grave : la désormais usuelle novlangue managériale débilitante. Où l'on vous enjoint d'expliquer à votre élève qu'il doit viser "une synergie entre fond et forme", "une parole authentique et incarnée" afin de "devenir un sujet plein, porteur de sens".