Savez-vous qu’en 1965 un avion de renseignement US survole et prend en photo le site d'enrichissement #nucléaire militaire de Pierrelatte entraînant une crise diplomatique et géopolitique ?
Pourquoi ? Comment ?
Thread : 1965, espionnage à Pierrelatte
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1/ En octobre 1945, moins de 3 mois après les bombardements US d’Hiroshima et Nagasaki, le général de Gaulle crée le Commissariat à l’Énergie Atomique avec à sa tête Frédéric Joliot-Curie.
2/ 3 ans plus tard, dans une France en ruine, démarre le 1er réacteur nucléaire français, la pile Zoé au fort de Châtillon, surprenant les américains qui redoutent que la France démarre un programme militaire et/ou transmette des informations aux Soviétiques.
3/ Le CEA est donc "dirigé" par Frédéric Joliot-Curie, communiste convaincu, que les services de renseignements US suivent de près. Mais Joliot-Curie est un pacifiste convaincu et il est éjecté de son poste au CEA pour sa proximité avec le mouvement communiste et…
4/... son positionnement sur la bombe ! Alors qu’en 1949, le monde entre de plein fouet dans la guerre froide, avec l'explosion de la 1ère bombe soviétique sur le site de Semipalatinsk (Kazakhstan), l'ambition militaire française n’est pas encore clairement affichée.
5/ Les français se lancent dans la construction de réacteurs militaires à uranium naturel (production de plutonium) à Marcoule (photo G1), qui démarrent milieu-fin des 50’s. La France tente alors d’entretenir une forme de mystère sur ses ambitions nucléaires militaires.
6/ Alors que l’Allemagne se disloque en deux blocs en 1949 et l’Europe des 6 voit le jour, un projet européen d’usine d'enrichissement de l'uranium est envisagé fin 50’s notamment par la France, qui pousse fortement cette idée, l'Allemagne de l’Ouest (RFA) et l’Italie.
7/ L’idée est d'alimenter en uranium enrichi des réacteurs civils utilisant ce combustible qui commencent à voir le jour en Europe. Les USA, leaders du marché des réacteurs et redoutant un enrichissement militaire de l'uranium, sont opposés à ce projet d’usine.
8/ En 1958, un accord est signé entre la Communauté européenne de l'énergie atomique (EURATOM) et les USA pour une collaboration sur le nucléaire civil, incluant vente de réacteurs US à l’Europe et fourniture d'uranium faiblement enrichi à un prix avantageux.
9/ Avec cette aide, des États européens commencent à douter de l'intérêt d’une usine d’enrichissement. De retour au pouvoir en 1958 face à la menace de guerre civile, de Gaulle annule le projet européen. L'usine d’enrichissement sera française et militaire !
10/ Le 13 février 1960 à Reggane dans le Sahara algérien, la France réalise son 1er essai nucléaire (Bombe A, Gerboise Bleue avec le plutonium de Marcoule) et devient la 4ème puissance atomique mondiale. La course vers la bombe H est lancée.
11/ En effet, si les premières bombes sont dites « A » (au plutonium), certains pays utilisent déjà des bombes H (thermonucléaire), bien plus puissantes : Les USA dès 1952 (Ivy Mike, photo 1), l’URSS en 1953 (RDS-6s, 2) ou encore le Royaume-Unis en 1957 (Grapple X, 3).
12/ Pour ses réacteurs (à uranium naturel), la France n’a pas besoin d'uranium enrichi mais ce n’est pas le cas pour certains réacteurs des sous-marins et certaines bombes H ! Il faut donc construire une usine en France pour ne plus dépendre des USA.
13/ Le site de Pierrelatte est choisi par le CEA en raison de la présence du canal Donzère-Mondragon (vidéo sur la construction) et sa source d’électricité (centrale hydroélectrique de Bollène) qui permet également de pomper l’eau et diluer les effluents radioactifs.
14/ Il existe différents procédés pour enrichir l'uranium. Le concept retenu est l'enrichissement par diffusion gazeuse, qui consiste à diffuser de l’hexafluorure d’uranium gazeux à travers des parois poreuses, le tout avec un système de cascade en étages.
15/ L’usine de Pierrelatte doit comprendre 4 usines correspondants à 4 stades de l’enrichissement : usine Basse (Uranium enrichi jusqu’à 2%), moyenne (7%), haute (Jusqu’à 25%) et très haute (jusqu’à 95%).
16/ Une motion de censure est déposée par l'opposition en 1962 contre ce projet d’usine d’enrichissement. Mais celle-ci échoue et le projet est définitivement lancé ! Le général de Gaulle visite le site de Pierrelatte en construction en septembre 1963.
17/ Quelle est la situation en juillet 1965 ? A Pierrelatte, les usines basses (en haut) et moyennes (à droite) fonctionnent déjà et les usines hautes (à gauche) et très hautes sont encore en construction…
18/ D’un point de vue géopolitique, la France est, depuis sa création en 1949, membre de l’Organisation du traité de l'Atlantique nord (OTAN). L'United States Air Forces in Europe (USAFE) dispose de nombreuses bases aériennes en Europe (12 en France).
19/ Le 17 juillet 1965, un avion de l’US Air Force McDonnell F-101 Voodoo (vidéo d’une autre mission) décolle de la base de l’USAFE de Ramstein (Allemagne) pour une mission de reconnaissance au-dessus de l’Europe. L’avion se dirige vers le sud de la France.
20/ En début d'après-midi, l’’avion Vautour 2N n°345 de l'armée française décolle de Nîmes pour une mission de “recherches et interceptions d’opportunités”. Le temps est clair et l’avion vole sur un axe Lyon-Orange. Tout à l’air calme quand soudain à 16 h 54…
21/ Le pilote du Vautour aperçoit un appareil non identifié volant à très basse altitude. C’est le RF-101 Voodoo de l’US Air Force, qui semble effectuer des allers/retours au-dessus de l’usine de Pierrelatte dans une zone interdite de survol.
22/ Le Vautour s’approche du Voodoo qui tente alors de “semer” l’avion français. Après une minute, le Voodoo revient voler au-dessus de l’usine. Le Vautour le rejoint à nouveau. Le Voodoo allume ses moteurs post combustions et fuit vers le nord.
23/ Alors que le Voodoo se pose à 18h06 à Ramstein en Allemagne, le pilote du Vautour français fait un compte-rendu complet de l'événement à ses supérieurs à Nîmes.
24/ L’avion US est identifié. Il appartient à la quatrième force aérienne tactique alliée (A.T.A.F.) à laquelle sont rattachées les forces aériennes françaises en Allemagne à la suite d'accords de "coordination " qui datent de septembre 1960.
25/ Il est évident que le Voodoo a réalisé des photos de l’usine nucléaire militaire de Pierrelatte. En effet, ce Voodoo de reconnaissance est équipé d'appareils de prises de vues dans son “nez”. L’allié US aurait donc espionné Pierrelatte !
26/ L’affaire fait grand bruit et la France demande immédiatement des explications aux Américains qui n’en donnent pas ! 2 jours plus tard, la presse fait les gros titres de cette histoire.
27/ 175 clichés auraient été pris lors du survol de l’usine. Les spéculations vont bon train sur les raisons de ce survol : véritable espionnage (Les usa disposent de satellites beaucoup moins visibles) ? Tentative d’intimidation ? Pari risqué ?
28/ Finalement, si le survol de Pierrelatte n’a que peu d'intérêt en matière d’espionnage, il va créer un véritable incident diplomatique à un moment crucial des relations entre la France de De Gaulle et les USA de Lyndon B. Johnson (photo à la Maison Blanche en 1963).
29/ Le 22 juillet, le département d’État présente officiellement ses excuses pour “la violation involontaire des règles de circulation aérienne en France qui a été commise pendant des vols d'entraînement de routine”.
30/ Les USA, qui attendaient plutôt une faute du Général de Gaulle pour fustiger la France, sont embarqués dans une sale affaire. L’incident fait les gros titres des journaux jusqu’en URSS et en Chine et embarrasse les USA.
31/ Pour de Gaulle (vidéo de février 1966), l’incident de Pierrelatte est un événement de plus pour critiquer l’influence américaine, le fonctionnement de l’OTAN et affirmer l'indépendance militaire (atomique !) de la France.
32/ Lyndon B. Johnson édicte une directive secrète (n°336) pour prendre des mesures spéciales pour empêcher toutes activités américaines en France qui pourraient gêner inutilement les relations des États-Unis avec la France.
33/ Si l’affaire du survol des Pierrelatte va petit à petit être oubliée, elle va (avec bien d’autres événements) jouer un rôle dans les relations entre France et USA. Le 7 mars 1966, la France quitte l’OTAN avec fracas.
34/ En 1967, l’usine de Pierrelatte est achevée. De Gaulle inaugure l’usine et Robert Hirsch, administrateur général du commissariat à l'énergie atomique, remet alors au chef de l'État un précieux cadeau : un lingot d'un kilo d'uranium 235 enrichi !
35/ Évidemment, les USA continuent à espionner le programme nucléaire militaire français (Photo satellite US "KH-7” de Pierrelatte et Cadarache et Mururoa en 1967) et assistent en quelques années à la naissance de la dissuasion nucléaire française.
36/ En 1971, 1 an après la mort de de Gaulle, la France dispose d’une force de dissuasion basée sur la triade nucléaire (Mirages IV, missile sol-sol et sous-marin nucléaire lanceur d’engins) et des bombes H comme ici lors de l’essai Canopus de 1967 en Polynésie française.
37/ La maîtrise de l’enrichissement de l'uranium acquise à Pierrelatte entraînera le passage des réacteurs uranium naturel graphite gaz (UNGG) aux réacteurs à eau sous pression avec la construction d’une usine, civile cette fois-ci, toujours à Pierrelatte : Eurodif.
Savez-vous que cette superbe tour aéroréfrigérante accueille un manège ? Qu’elle est située sur le site d’une ancienne centrale #nucléaire allemande devenue un parc d’attraction ?
Fil : Kalkar, une histoire de neutrons rapides et de sensations fortes…
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1/ Avant-propos : Merci @Kako_line pour l’invitation à travailler sur le sujet des tours aéroréfrigérantes décorées.
Celle de la centrale nucléaire de Kalkar en Allemagne a sans doute l’histoire (thread non exhaustif) la plus incroyable !
C’est parti.
2/ Dès le début de l’ère nucléaire, l’idée de surgénération (capacité d'un réacteur nucléaire à produire plus d'isotopes fissiles qu'il n'en consomme) est en vogue et les projets de piles couveuses (breeder) se multiplient (Experimental Breeder Reactor I dans l’Idaho, USA, 1951).
Point de situation au 5 septembre 2023 concernant la situation à la centrale #nucléaire de #Zaporijjia.
🇺🇦🇷🇺☢️Un fil à dérouler🧵🔽
1/ Sur la situation générale de la centrale #nucléaire : 5 réacteurs sur 6 sont en arrêt à froid. Le réacteur 6 est en arrêt à chaud et produit de la vapeur pour des besoins de sûreté depuis le 13 août 2023 (notamment pour le traitement des déchets radioactifs liquides).
2/ Le réacteur 4 a été transféré d’arrêt à chaud vers arrêt à froid en raison d’une fuite d'eau depuis le circuit primaire vers le circuit secondaire au niveau d’un des générateurs de vapeur (GV) du réacteur survenue le 10 août.
Point de situation au 20 juin 2023, avec un éclairage historique, concernant la sûreté de la centrale #nucléaire de Zaporijia depuis la destruction du barrage hydroélectrique de #Kakhovka.
Un fil à dérouler 🔽🇺🇦🇷🇺🧵
1/ Dans la nuit du 6 juin 2023, le barrage hydroélectrique de #Kakhovka, sur le Dniepr (Nova Kakhovka, oblast de Kherson) est détruit entrainant en aval de fortes inondations aux conséquences humaines, sanitaires et environnementales dramatiques.
2/ Construit dans les années 1950, le barrage (photos) a créé en amont le réservoir de Kakhovka sur le Dniepr, long de 240 km et jusqu'à 23 km de large. L’ensemble barrage/réservoir permet notamment l'irrigation de terres agricoles du sud de l'Ukraine et du nord de la Crimée.
Le Plan particulier d'intervention (PPI) présente une cartographie des communes impactées par des mesures en cas d’accident #nucléaire dans un rayon de 0-20km autour d’une centrale.
Thread : Tour d’horizon des cartes des PPI pour les 18 centrales nucléaires en exploitation.
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1/ Avant-propos : Un PPI propose une représentation cartographique du risque et est dimensionné sur un accident et des conditions météos donnés.
Les conséquences/mesures d’un accident « réel » peuvent bien entendu déborder ou non de la cartographie du PPI.
C’est parti. ⬇️🧵
2/ Cartographie du PPI de la centrale nucléaire de Belleville (Cher).
On en parle moins donc c’est le moment de faire un point sur la situation de la centrale #nucléaire de #Zaporijjia.
Point de situation au 6 mai 2023
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1/ Tout d’abord, les 6 réacteurs ne produisent plus d’électricité. Au moins 5 sur 6 sont même en « arrêt à froid ». Jusqu’alors, un ou deux des réacteurs étaient maintenus en « arrêt à chaud » pour alimenter en chaleur le site et la ville voisine d’Enerhodar.
2/ Si les réacteurs ne produisent pas d’électricité, ils ont toutefois besoin d’être refroidis pour des raisons de sûreté et donc d’être alimentés en électricité. Une seule ligne électrique de 750 kV fonctionne actuellement sur les 4 disponibles avant le conflit.
19 octobre au 18 décembre 1964 : Le réacteur #nucléaire PAT (prototype à terre) du CEA Cadarache) « prend la mer » pour une croisière fictive autour du monde.
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Tous les jours, sur la base d'un rendement de propulsion supposé, l'énergie produite est transformée en milles marins et la position du « bateau » reportée sur la carte.
En réalité, le réacteur ne bouge pas, au fond de sa « piscine ».
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Ce type de réacteur sera installé à partir de 1971 sur les sous marin nucléaires lanceurs d'engin français (SNLE), dont le premier sera le Redoutable.