Après la publication du #motuproprio du pape François « Traditionis custodes », une grande question m’habite : pourquoi ?
(Art 1) La messe de Paul VI devient « l’unique expression de la lex orandi du Rite romain ». Mais alors quelle valeur aura donc le missel de 1962 qui pourra encore être utilisé sur autorisation ? Le texte remplace le motu proprio de B XVI, ce qu’il dit était donc faux ?
L’art. 2 ne fait qu’un rappel d’un état de fait : l’évêque est maître de la liturgie dans son diocèse. Ce rappel semble négliger qu’une partie des évêques est idéologiquement opposé à la célébration de la messe en forme extraordinaire.
L’art 3 dans son premier § clôt la discussion sur le « concile pastorale », il faut reconnaître « la validité et la légitimité de la réforme liturgique édictée par le Concile Vatican II et le magistère des Souverains pontifes ».
Jusqu’ici le magistère ne se discutait pas mais des points du Concile oui, même sur des questions liturgiques. @BishopAthanas1 le rappelait dans le dernier club des hommes en noir, il y a des erreurs factuelles. Ces discussions semblent désormais interdite. Il faut tout accepter.
J’ai un gros doute de traduction sur le § j’attends une traduction française officielle mais l’erection de paroisses personnelles pour la célébration de la FERM semblent interdite. Et la messe selon le missel de 1962 semble désormais réduite aux lieux privés et chapelles.
(La célébration dans les églises paroissiales semble interdite)
Le § 3 rend obligatoire les lectures en langue vernaculaire et les traductions officielles validées par les conférences épiscopales. Outre que certaines traductions sont plus que litigieuses, le caractère universel des lectures en latin (n’importe quel étranger avec un missel…
… peut suivre) va être perdu. Dommage.
Le § 4 demande que le célébrant selon le missel de 1962 ait les compétences pour bien célébrer (connaissances du latin, etc) en plus d’une communion ecclésiale, une charité pastorale. C’est déjà le cas. Je m’étonne que ces rappels soient toujours a sens unique.
Pourquoi les mêmes requêtes ne sont jamais faites pour les prêtres qui célèbrent selon le missel de Paul VI ? C’est automatique chez eux ?
La CEF autorise le français pour la célébration de la messe mais la règle reste le latin. En outre, pour chanter le grégorien comme le demande les textes, j’espère que tous les prêtres ont les connaissances minimales de la langue de l’Eglise.
Je lis le § 5 comme un punition. Les paroisses déjà érigées doivent être surveillées et les fidèles + prêtres pourront les voir supprimées au bon vouloir de l’évêque. Si toutes les paroisses qui ne font pas grandir spirituellement leurs fidèles étaient supprimées…
Le § 6 est une rupture en interdisant la création de nouveaux groupes stables qui pourraient demander la célébration selon le missel de 1962.
L’article 4 oblige les prêtres à demander l’autorisation de célébrer la messe selon le missel de 1962. Ce pourrait être de la simple subsidiarité si l’évêque ne devait pas donner son autorisation ou son refus après consultation du siège apostolique. Là c’est un centralisme.
L’article 5 oblige les prêtres qui avaient déjà l’autorisation de célébrer selon le missel de 1962 à redemander l’autorisation. Des évêques qui l’avaient accordé à contre cœur vont se faire une joie de refuser.
L’article 6 fait passer les instituts de vie consacrée et sociétés de vie apostolique relevant antérieurement de la commission Ecclesia Dei sous la coupe de la Congrégation pour les Instituts de Vie Consacrée et les Sociétés de Vie Apostolique. Problème :
Celle-ci ne connaît pas assez les « tradis » et leurs spécificités pour les gouverner efficacement. Plusieurs de ces instituts et sociétés avaient alerté en ce sens.
L’article 7 est sur un point de compétences.
L’article 8 plus important abroge toute décision antérieure qui irait contre un point de ce Motu proprio.
La conclusion demande l’application immédiate.
En bref, c’est une réouverture en bonne et due forme de la guerre liturgique et un formidable bazar qui va suivre. La stratégie du chaos a ses limites. Je crois qu’elles sont ici : vatican.va/content/france…
Première surprise le pape affirme que Jean-Paul II et B XVI ont autorisé la célébration selon le missel de 1962. Elle n’avait pourtant jamais été interdite.
Pour rappel de Summorum Pontificum « Art. 1. Le Missel romain promulgué par Paul VI est l’expression ordinaire de la lex orandi de l’Église catholique de rite latin.
Le Missel romain promulgué par saint Pie V et réédité par le Bienheureux Jean XXIII doit être considéré comme expression extraordinaire de la même lex orandi de l’Église et être honoré en raison de son usage vénérable et antique.
Ces deux expressions de la lex orandi de l’Église n’induisent aucune division de la lex credendi de l’Église ; ce sont en effet deux mises en œuvre de l’unique rite romain. »
Le pape François cite la lettre du pape Benoit XVI qui accompagnait Summorum Pontificum et rappelait que des jeunes « se sentaient attirées par [la FERM] et y trouvaient une forme de rencontre avec le mystère de la Très Sainte Eucharistie qui leur convenait particulièrement »
Plus largement les arguments de BXVI sont repris « deux expressions d’un même rite » « enrichissement des deux formes » « pas de risques de minimiser la portée de VII », etc.
C’est ensuite que ça se corse !
Le choix du pape est motivé par les retours des évêques suite à la grande consultation de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi. Il suffit de lire ce qui a fuité pour se rendre compte des mensonges et du mépris qui transparaissent du retour de la CEF.
Chaque évêque devait faire un retour personnel, la CEF a fait une synthèse d’une partie des réponses d’évêques français. La mauvaise foi y est omniprésente.
Devant les difficultés rencontrées pour avoir une « unité du corps ecclésial aux sensibilités liturgiques différentes » le pape écrit donc son motu proprio. Je ne vois pas bien en quoi l’unité va être renforcée.
Les textes de JP II et B XVI auraient été écrits par magnanimité. Les fidèles et prêtres auraient visiblement dû accepter et remercier mais aussi se taire en échange. Je crois poindre ici un zeste de cléricalisme.
Une autre motivation a l’écriture de ce motu proprio viendrait des abus liturgiques « des deux côtés ». Je me gausse. S’il fallait restreindre une des deux formes à cause d’abus, je crois que le pape s’est trompé de côté.
Vient ensuite la question du Concile VII, douter du Concile (le tout ? Une partie ?) ce serait in fine douter de l’Esprit Saint qui y a soufflé. Surprenant passage.
Comme le rappelait @Ch_DICKES (dans le Vatican - Vérités et légendes, je crois) si l’Esprit Saint souffle lors des conclaves, les cardinaux peuvent faire la sourde oreille. Pourquoi serait-ce différent lors d’un Conciles ?
Le passage le plus important est, à mon sens, ici « Celui qui veut célébrer avec dévotion selon les formes antérieures de la liturgie peut trouver dans le Missel romain réformé selon le Concile Vatican II tous les éléments du rite romain,
en particulier le Canon romain qui constitue l'un de ses éléments les plus distinctifs ». Il y a ici un changement profond de mentalité vis-à-vis de ça que disait B XVI.
Loin de constater que la réforme liturgique n’a pas porté les fruits attendus, le pape pense qu’elle contient de quoi satisfaire tout le monde. En l’imposant de force, il oblige les mécontents à aller chercher ce qui pourrait les nourrir spirituellement.
Prières au bas de l’autel et rite pénitentiel propre sont balayés. Place du silence également. La symbolique renforcée sur la dimension sacrificielle dans le missel de 1962 n’est même pas abordée.
La dernière motivation du pape est le sentiment de voir se créer un sentiment d’appartenance parallèle à une « vraie Église ».
Là encore la volonté de l’unité est au centre. Là encore un sentiment criant d’injustice vis à vis d’un 2 poids 2 mesure m’envahît.
Là encore la volonté de l’unité est au centre. Là encore un sentiment criant d’injustice vis à vis d’un 2 poids 2 mesure m’envahît.
L’Allemagne fait bien pire que les plus intégristes des « tradis » et les sanctions sont invisibles.
Le pape rappelle bien dans cette lettre destinée aux évêques que sa décision suit leurs requêtes en ce sens.
Autre point clé de cette lettre : « Les indications sur la manière de procéder dans vos diocèses sont principalement dictées par deux principes :
- d’une part, assurer le bien de ceux qui sont enracinés dans la forme précédente de célébration et [passage incroyable]qui doivent revenir en temps voulu au rite romain promulgué par les saints Paul VI et Jean Paul II,
- d’autre part, arrêter l’érection de nouvelles paroisses. »
Le pape ajoute un point qui ne sera pas lu par une bonne part des évêques « Dans le même temps, je vous demande de veiller à ce que chaque liturgie soit célébrée avec décorum et fidélité aux livres liturgiques promulgués après le Concile Vatican II,
sans les excentricités qui peuvent facilement dégénérer en abus. »
Le pape termine en invoquant la prière des évêques pour qui lui même prie. Oui, nous aussi fidèles prierons pour Lui et eux. Avec encore plus de ferveur lorsqu’ils nous méprisent et surtout ne nous comprennent pas.
Le lien vers la lettre vatican.va/content/france…
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