Thread by @reorens

Inondations - La vague.
#Verviers #Ensival #Pepinster #Eupen
Thread [1/40]

Ce n'est pas un fantasme : on l'appelle aussi "onde de crue" ou "front d'onde".
Elle peut se propager en aval d'un barrage suite à une rupture ou une "vidange rapide".

➡️ barrages-cfbr.eu/IMG/pdf/colloq…

[2/40] On a beaucoup parlé du déchaînement de la #Helle et de son rôle potentiel dans la formation des deux "vagues" observées à Béthane (chez Corman), Verviers ou Pepinster dans la nuit du 14 au 15 juillet.

https://twitter.com/reorens/status/1419238976964136961

[3/40] Ce fil s'intéresse au barrage de la #Vesdre en s'appuyant sur une publication de 2016 issue des actes d'un colloque sur la sûreté des barrages et consacrée à celle des barrages-réservoirs en Wallonie.

➡️ barrages-cfbr.eu/IMG/pdf/colloq…

[4/40] Pas parce qu'elle accréditerait l'hypothèse d'une responsabilité exclusive dans la gestion de l'ouvrage (quod non).
Mais parce qu'elle peut, elle aussi, apporter un éclairage sur la formation et la propagation d'"ondes de crue".

[5/40] Les auteurs y envisagent plusieurs scénarios de "dysfonctionnement" d'ouvrages de retenue, comme une rupture ou une "vidange rapide", ainsi que leurs conséquences hydrauliques en aval.

[6/40] Mais faisons d'abord un petit bond dans le temps. En avant, cette fois.

Juin 2019 : la @RTBFinfo rapporte qu'il n'existe toujours pas de plans d'évacuations préventives spécifiques en lien avec la sûreté de nos barrages.

rtbf.be/info/regions/l…

[7/40] On retrouve Damien Ernst @DamienErnst1, qui s'inquiète, à raison, du danger potentiel.
On y apprend aussi que, faute de "plans internes" finalisés, parmi les 3 scénarios d'urgence déjà envisagés, celui du "risque grave et imminent" prévoit la "vidange urgente" des lacs.

[8/40] On y retrouve aussi Catherine Delcourt, alors commissaire d'arrondissement.
Elle explique que sur les 5 barrages-réservoirs que compte la province, 2 "plans internes" d'urgence sont finalisés, 3 en voie de l'être et que la question sera ensuite analysée...

[9/40] ... "Et si la réponse est : c'est suffisamment interpellant, préoccupant pour qu'on prépare un plan d'évacuation, eh bien, on le fera !"

[10/40] La "surverse" (débordement) voire la "rupture", c'est le scénario du pire qu'on a cherché à éviter à Eupen.
En pareil cas, des lâchers d’eau doivent être réalisés "quelle que soit la situation à l'aval" (Bruwier, 2013).

➡️ matheo.uliege.be/bitstream/2268…

rtl.be/info/regions/l…

[11/40] Si on avait procédé à une "vidange rapide" par évacuateur de crue de surface et vidange de fond de lac, le débit théorique max. se serait élevé de 300 m3/s.
Fort heureusement, l'ampleur des lâchers d'eau effectués les 14 et 15/07 n'aurait pas dépassé les 150 à 200 m3/s.

[12/40] L'article de 2016 fait écho à un autre article consacré à l'optimisation de la gestion du barrage, publié en 2015 et déjà évoqué ici.

➡️ nhess.copernicus.org/preprints/2/57…

Celui-ci, plus accessible, analyse spécifiquement la format° et la propagation des "fronts d'onde de crue".

[13/40] Il dresse aussi une bonne synthèse de l'histoire et des principales caractéristiques des barrages-réservoirs en Wallonie.

Parce que sa lecture est intéressante, voici de nouveau le lien pour y accéder :

➡️ barrages-cfbr.eu/IMG/pdf/colloq…

TLDR ? Aperçu de qq éléments d'intérêt.

[14/40] En dépit de l'absence de législation particulière sur l’édification, la gestion ou le contrôle des ouvrages en Belgique, la sécurité des barrages de retenue est une préoccupation centrale.

[15/40] Dès les années 80, le Comité belge des grands barrages s'est penché sur l’impact hydraulique en aval des ruptures ou des "vidange rapides".
Les premières études détaillées sont lancées dès les années 90. Elles dressent les premiers jalons de la gestion des risques.

[16/40] L'objectif, on l'a vu, c'est éviter la "surverse".
Pour y parvenir, la gestion des niveaux d'eau et des dispositifs de "délestage" des barrages (vannes de déversoir, de vidange) est régie par des "notes de manutention" auxquelles se réfère le personnel technique sur site.

[17/40] Le TFE défendu à l'ULiège en 2013 en donne un bon aperçu.

➡️ matheo.uliege.be/bitstream/2268…

La publication de 2016 donne aussi à voir une courbe annuelle de manutention des eaux, qui sert également à optimiser les volumes, pour la product° d'eau potable ou le soutien d'étiage.

[18/40] Mesures en temps réel, relevés hebdomadaires, analyses mensuelle, trimestrielle et annuelle, inspections des galeries, (rovers) plongeurs... :
la stabilité et l'intégrité des ouvrages sont surveillées en permanence.

[19/40] Une visite dans les "entrailles" du barrage de la #Gileppe, que nous avait offerte la RTBF en juillet 2020, donne un aperçu des coulisses et de certains des appareils de mesure qui entrent en considération.
Comme le pendule à bain d'huile...
rtbf.be/info/regions/l…

[20/40] Après la régionalisation, le MET se penche à son tour sur ces impacts en aval en cas de "dysfonctionnement majeur".
Méthodologiquement, on opte pour la modélisation numérique "bidimensionnelle".
Les scénarios sont nombreux, les paramètres aussi.
Bref, ce n'est pas simple.

[21/40] Mais "dans les cas de fronts consécutifs à la rupture d’un barrage ou à des vidanges rapides, l’effet convectif est dominant" et "relativise l’utilité de modèles de turbulence sophistiqués".

Voir les pages 278 et suivantes :
➡️ barrages-cfbr.eu/IMG/pdf/colloq…

[22/40] Le modèle numérique de terrain (MNT) peut même être amené à évoluer pendant la simulation.
Par exemple, parce que la propagation de l'onde est entravée par des bâtiments ou par le charriement de sédiments ou d'objets.

[23/40] Le papier s'intéresse à la simulation de toutes les "défaillances" possibles.
Y compris la "vidange rapide par l’évacuateur de crue (...) et vanne(s) de fond". Ainsi que le dysfonctionnement de retenues multiples sur un même cours d’eau.

[24/40] Revenons à Eupen et Béthane.
Les auteurs ont étudié ces questions individuellement pour les deux barrages, de la Vesdre et de la Gileppe, mais aussi des scénario combinatoires de ruptures simultanées ou différées, avec différents coefficients de frottement (p. 283-4).

[25/40] Ils se sont également penchés sur les barrages du Ry de Rome (Couvin), de Bütgenbach et Robertville, et de la Plate-Taille et de l'Eau d'Heure.

[26/40] Objectif "ultime" de ces travaux ?
"Fournir aux décideurs des informations pertinentes et synthétiques sous forme de #cartes pour la mise en place de gestion de #crise appropriée (système d’#alerte, planification des secours) et des politiques d’urbanisme" (p. 287).

[27/40] Le modèle fournit une série de cartes de risque *brutes* avec hauteurs d’eau, débits, vitesses max. et "temps de préavis".
Elles sont ensuite traitées afin de prendre en compte les incertitudes et "adapter en conséquence l’étendue spatiale de la zone affectée par l’onde".

[28/40] La publication offre un aperçu d'une de ces cartes dans son état brut et finalisé.

[29/40] L’œil averti reconnaîtra les boucles de la Vesdre autour de Verviers.
En voici une superposition.

*** REMARQUE TRÈS IMPORTANTE ***
En 2016, la forme finale de ces cartes était encore en cours de discussion. L'article précise bien que l’exemple donné n'est qu’illustratif.

[30/40] Ces cartes de risque doivent alimenter les "plans internes d'urgence" dont il était question au début de ce fil.
Leur adoption a été d'abord imposée par l'arrêté royal (AR) du 16/02/2006 "relatif aux plans d’urgence et d’intervention".

[31/40] Abrogé, il est aujourd'hui remplacé par l'AR du 22 mai 2019 "relatif à la planification d'urgence et la gestion de situations d'urgence à l'échelon communal et provincial et au rôle des bourgmestres et des gouverneurs [...]".

➡️ ejustice.just.fgov.be/cgi_loi/change…

[32/40] Le texte encadre l'établissement des "plans internes d'urgence", qui établissent, au niveau d'un site, les mesures pour :
✅ faire face, en interne, à une urgence et en limiter les csq,
✅ permettre aux tiers d'intervenir dès que les effets se produisent à l'extérieur.

[33/40] La préparation des plans internes d'urgence pour les 9 barrages-réservoirs gérés par la Région wallonne a été confiée dès 2010 au Centre régional de crise et au SPW (DGO2).
C'est ce que précise l'article, qui ajoute qu'alors ils étaient "en cours de finalisation" (p. 289)

[34/40] Il indique également que les résultats des études d’impact hydraulique seront intégrés dans les "plans généraux d’urgence et d’intervention" (PGUI) des provinces, sur lesquels peuvent notamment s'appuyer les services de secours.

[35/40] En juin 2019, en province de Liège, sur les 5 barrages que compte le territoire, 3 plans internes d'urgence sur 5 n'étaient pas encore finalisés.
rtbf.be/info/regions/l…

[36/40] Qu'en a-t-il été le 14 juillet dernier ?

➡️ Est-ce du plan interne d'urgence du barrage ou du PGUI qu'il s'agit quand @lalibrebe évoque le "protocole" appliqué pour évacuer Limbourg ?

lalibre.be/regions/liege/…

[36'/40]
➡️ Une telle carte de risque de propagation d'onde de front a-t-elle été utilisée, en plus de la carte de l'aléa d'inondation, pour prendre les décisions pour les communes en aval de Limbourg ?

https://twitter.com/reorens/status/1421853779956322311

[37/40] Et, le 14/07, en fin d'après-midi, en soirée, que s'est-il passé ?
La Meuse semble la seule à rapporter que ce jour-là, le gouverneur prend un second arrêté de police ./...
sudinfo.be/id406872/artic…

[38/40] ... "pour permettre aux bourgmestres de Verviers, Pepinster, Trooz, Chaudfontaine et Chênée d’évacuer les habitants des zones inondables avant que le barrage ne soit plein".
sudinfo.be/id406872/artic…

[39/40] Des appels téléphoniques, des emails ont été rapportés... Des véhicules équipés de haut-parleurs ordonnant d'évacuer Dolhain centre... à 19h30, bien que l'ordre ait été donné dans l'après-midi... Un ordre jugé trop tardif pour Verviers, déjà largement inondée...

Voir notamment ici :
➡️ lameuse-verviers.sudinfo.be/811681/article…
➡️ lalibre.be/regions/liege/…
➡️ vrt.be/vrtnws/nl/2021…

[40/40] Comme celle des lâchers de barrage, de leur rôle potentiel et/ou de celui de la Helle ou de la Soor, cette séquence comporte aussi ses zones d'ombre.

Les "vagues", elles, ne semblent, quoi qu'il en soit, pas relever du fantasme ou de l'hallucination collective.

FIN