C'était la semaine dernière.
Très tôt.
Dans un bois de Boulogne déserté par la foule.
Mon jogging dominical m'a amené à croiser la route de ce qui devait être un jeune homme. En tout cas plus jeune que moi.
Un Noir. Foncé de peau il m'a semblé. En tout cas plus foncé que moi.
Il était venu à vélo. Peut-être un vélib' ? À moins qu'était-ce le sien ? Il s'est posé sous le petit abri derrière la buvette, près des sacs poubelles qui battaient la mesure sous l'impulsion du vent. Et j'avançais. Alors il a tenté une note.
C'était peut-être un si. Ou un la je ne sais pas. En tout cas une note fragile, tout intimidée.
Il était dimanche matin et il était là, seul parmi les autres incarnés là par moi. Une flûte traversière en plein désert.
À mesure que j'avançais, mon esprit reculait.
Ce jeune homme, Noir, à vélo, à s'essayer à la flûte traversière dans un bois presque désert.
Une scène d'une effrayante banalité.
Pourtant il m'a semblé que c'était un miracle, qu'il y avait là à voir comme un poème occulté qui se dévoile.
Comme une moucheture d'or dans un trou noir.
La flûte enchantée était de retour au bois de Boulogne ce matin.
Le même jeune homme, le même vélo, des notes un peu plus assurées.
La féerie s'est invitée à ma journée de nouveau.
Pourquoi "inaudible"?
Parce que je crois qu'il existe une distinction entre opposition aux forces réactionnaires et progressisme et que le réflexe de la posture anti-reaction ne peut éluder la réflexion sur ce qu'est vraiment le progressisme.
Bien que le progressisme aussi soit par essence un geste politique qui s'oppose à la réaction, je ne pense pas qu'il soit juste de l'appréhender comme un attelage de fortune hétéroclite traversant le champ de l'économique, du culturel, du spirituel, de la condition humaine etc.