Étude RTE futurs énergétiques 2050 : les scénarios avec nucléaire sont ils forcément les moins couteux ?
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RTE a récemment publié son rapport Futurs énergétiques à 2050, il s'agit probablement de l'étude prospective la plus complète qui ait été réalisée sur le système électrique français, et je tiens à féliciter RTE pour la qualité de ce travail.
Bien qu'il ne se limite pas à la question du coût des différents scénarios — qui n'est par ailleurs pas la question la plus importante —, celle-ci, au cœur du débat public, sera l'objet de ce thread.
Depuis la publication de l'étude, de nombreux commentateurs concluent, sur la base des rapports de RTE, à la nécessité de construire de nouveaux EPR.
Leur analyse est notamment argumentée par le coût des scénarios N (relance du nucléaire) qui apparait inférieur à celui des scénarios M (100 % EnR) de 10 à 20 Mds€/an.
Le coût est pourtant loin d’être la seule variable à prendre en compte pour une décision nous engageant potentiellement jusqu'au 22e siècle (qu’en est-il par exemple du risque nucléaire non couvert par l’étude ?).
Par ailleurs, les seuls résultats de l'étude permettent difficilement de tirer une telle conclusion sur cette question. En effet, l’écart entre les différents scénarios est relativement faible et compris dans la marge d’incertitude.
Il est par contre possible de tirer la conclusion suivante à horizon 2050 : un système 100 % EnR sera du même ordre grandeur de coût qu’un système avec plus ou moins de nucléaire.
Ce résultat est significatif, car il s’oppose radicalement aux analyses de nombreux commentateurs, dont Jean-Marc Jancovici qui sous-entendait dans un article de 2017 [1] qu’un système 100 % EnR serait 2 à 20 fois plus couteux qu’un système 100 % nucléaire.
Pour autant, même dans la marge d’incertitude, le surcoût identifié par RTE sur les scénarios M par rapport aux scénarios N reste significatif. Il s’explique en grande partie par le taux d’actualisation.
RTE a fait le choix dans son scénario de référence de prendre le même pour les EnR et pour le nucléaire.
Or, il est central dans cette étude économique, par exemple, si RTE avait pris un taux de 7 % pour le nouveau nucléaire, et de 4 % pour les EnR, le coût du scénario M23 aurait été quasiment équivalent à ceux de N1, N2 et N3.
Les scénarios M0 et M1 auraient conservé un surcoût d'environ 10 Mds€/an, lié notamment à l'utilisation de technologies plus coûteuses, mais également mieux acceptées.
Utiliser un taux d'actualisation identique entre le nucléaire et les EnR est une hypothèse forte, car en décalage avec les réalités constatées pour les projets en cours.
➡️Les EnR présentent ainsi un coût du capital inférieur à 4 %. Pour les projets photovoltaïques en France en AO CRÉ, on est par exemple à 3,6 % en moyenne [2].
➡️ Pour le nucléaire on est plutôt entre 7 et 8 % (EPR d'Hinkley Point au Royaume-Uni) [4].
Cette hypothèse de RTE diffère également fortement de celles utilisées par l'IEA dans l'étude "Net Zero by 2050" [3] : 8 % pour le nouveau nucléaire, 3,7 à 4,5 % pour les EnR.
Pour que le coût du capital du nouveau nucléaire rejoigne celui des EnR, une intervention massive de l’État est nécessaire, bien plus massive que celle existante pour les filières éoliennes et photovoltaïques qui bénéficient d’un système de tarif d'achat.
En effet, EDF construit actuellement deux EPR au Royaume-Uni sur le site d’Hinley Point. Bien qu'ils bénéficient d’un complément de rémunération calqué sur celui des EnR (mais sur 35 ans au lieu de 15 à 20 ans pour les EnR)...
... un tarif équivalent à environ 120 €/MWh a été contractualisé pour le projet. Ce niveau particulièrement élevé au regard des autres énergies s’explique notamment par le taux de rentabilité visé par EDF, compris entre 7 et 8 % [4].
Pour descendre en dessous de 7 %, il faudrait donc aller plus loin que pour les EnR, en cumulant par exemple le complément de rémunération avec une subvention à l’investissement de l’État.
C'est ce qui semble actuellement envisagé pour les EPR2 pour lesquels cette subvention devrait couvrir au moins la moitié du coût du projet [5].
Pour 6 EPR2, cela correspondrait au minimum à 25 Mds€, abondés par l’État, et auxquels s’ajouterait le coût du complément de rémunération sur la durée totale du soutien.
C’est donc selon ces dernières conditions que les scénarios N pourraient être moins coûteux que les scénarios M.
Si à l’inverse, le coût du capital restait similaire à celui d'Hinkley Point — qui rappelons le bénéficie pourtant d'un complément de rémunération —, M23 serait au moins équivalent aux 3 scénarios N.
Quel impact de la reprise économique sur le mix électrique européen ?
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▶️Au 1er semestre 2021, la consommation d'électricité de l'UE rebondit de 74 TWh et retrouve quasiment son niveau antérieur à la crise COVID-19 (-8 TWh par rapport à celui-ci).
▶La production nucléaire rebondit légèrement (+ 16 TWh) par rapport à son point bas du S1 2020, mais peine à retrouver son niveau du S1 2019 (-29 TWh).