🐭 THREAD 🐭

« Marinette ?
— Oui, Maître Fu ?
— Il faudrait que tu leur parles du Molnupiravir, le candidat-traitement contre le COVID-19.
— Tout de suite ?
— Oui, Marinette. La vérité doit se faire jour.
— D'accord, vous pouvez compter sur moi, Maître Fu. J'y vais ! »

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Bonjour à tous !

Aujourd'hui, on va s'épancher sur le traitement qui suscite beaucoup d'espoirs dans la prise en charge du COVID-19 : le Molnupiravir.

Seront abordés et vulgarisés dans ce thread : sa composition, son mode d'action, son efficacité et sa tolérance !
Mais d'abord, permettez-moi de me présenter car j'étrenne ici une nouvelle transformation, qui m'octroie des capacités différentes.

Exit Ladybug, voici Multimouse ! Pour vous servir.
Passons maintenant aux choses sérieuses.

En guise d'introduction, nous allons, comme à chaque fois, étudier ce virus et ses armes : c'est le prérequis si on cherche à comprendre l'activité du Molnupiravir - sur lequel on se penchera donc dans un second temps !
Commençons tout doucement avec le matériel génétique de SARS-CoV-2, virus à l'origine de la maladie COVID-19.

Comme vous le savez peut-être déjà, il se présente sous la forme d'un ARN simple brin (donc, avec une seule hélice), que l'on dit « monocaténaire ».
Que trouve-t-on dans cet ARN viral ? Un enchaînement de 30 000 (ribo)nucléotides, c'est-à-dire de molécules comprenant toutes :

1⃣ Un sucre, le ribose (en opposition avec le désoxyribose présent sur le désoxyribonucléotide de l'ADN)
2⃣ Un groupement phosphate (il peut y avoir un, deux ou trois groupes, parfois plus, mais dans le cas du SARS-CoV-2, on n'en trouve qu'un)
3⃣ Une base azotée, qui confère son identité au ribonucléotide.
Le plus souvent, comme ici pour l'ARN de SARS-CoV-2, on en dénombre quatre : l'Adénine, la Guanine, la Cytosine et l'Uracile (qui remplace la Thymine du désyxoribonucléotide de l'ADN).
Ci-dessous, une illustration de la structure moléculaire d'un brin d'ARN classique.

On y retrouve les (ribo)nuclétodies, liés les uns aux autres (par une liaison phosphodiester).

(Via Wiki.)
Certains virus possèdent un ARN double brin (bicaténaire).
Dans ce cas-là, les bases azotées fonctionnent par paires complémentaires. Cela signifie qu'une base est toujours attirée par une autre, formant toutes deux un couple inséparable.
Et les complémentarités sont toujours les mêmes, immuables.

Pour l'ARN, Adénine s'associe avec Uracile, et Cytosine avec Guanine.

A - U d'un côté, C - G de l'autre.
Je récapitule : dans un ARN double brin, la Guanine du premier brin sera toujours liée à une Cytosine sur l'autre brin.

Idem pour l'Adénine et l'Uracile.
Je remercie @duxpacis de m'avoir préparé cette belle illustration.

(Au passage, je vous recommande sa belle série de threads sur l'expression des gènes (ci-dessous), qui renferme tout ce que vous avez besoin de savoir, et même au-delà !)

Bien entendu, on retrouve cette complémentarité de bases azotées chez les ADN double brin, au détail près que la Thymine y remplace l'Uracile.

A - T, G - C.

ATGC vous rappellera peut-être vaguement des cours de seconde... ou le film Bienvenue à Gattaca (Irène 🥰).
Si d'aucuns se demandent pourquoi je digresse sur les bases azotées complémentaires chez les ARN double brin, alors que l'ARN de SARS-CoV-2, lui, est simple brin, qu'ils se rassurent : tout ce que j'introduis ici leur servira à quelque chose plus tard dans le thread. Promis juré.
En attendant, on retient juste que A s'apparie avec U, et G avec C.

AU
GC

Compris ? Super.
Penchons-nous désormais sur le cycle de réplication du virus à l'intérieur de nos cellules, c'est-à-dire une fois que SARS-CoV-2 a libéré son génome dans le cytoplasme.
Si l'étape précédente, à savoir l'entrée du virus dans nos cellules, vous intéresse, lisez donc un peu le thread ci-dessous qui l'explique déjà. Quant à moi, j'avance !

Une fois dans le cytoplasme, l'ARN viral s'associe à un ribosome.
Le ribosome est un organite qui a pour fonction de lire et de traduire (ou convertir) nos ARNm en protéines. Véritables usines de fabrication, ces ribosomes peuvent se trouver par millions dans une seule cellule !
Ce coquin de virus n'en possède pas, c'est donc pourquoi il lui faut les nôtres.
En les utilisant, il fera donc traduire son ARN aux dépens de nos propres ARNm.

Voilà ce qui s'appelle détourner la machinerie cellulaire...
Comme vous l'aurez deviné, l'ARN du virus se comporte ici comme un ARN messager dans la mesure où il peut se faire directement traduire en protéine(s).

Lorsqu'un brin d'ARN peut être lu et traduit tel quel par les ribosomes, ce brin est dit de polarité positive
⬆️ (à bien retenir car vous en aurez besoin pour la suite)

Attention : lors de cette première étape, le ribosome ne traduira pas l'ARN viral in-extenso, mais seulement une partie, une portion qu'on appelle le gène ORF1ab.
Ce segment long de 20 000 et quelques nucléotides, soit environ les deux-tiers du génome viral, code pour un ensemble de 16 protéines dites « non-structurales », car on ne les trouve que dans la cellule, lors de la réplication.

Elles ne seront pas intégrées au produit fini.
* deux tiers
Ces 16 protéines non-structurales, auxquelles on attribue des noms génériques allant de NSP1 à NSP16 (NSP = Non-Structural Protein...), ne forment au départ qu'un seul et même bloc,
mais deux d'entre elles vont permettre leur dissociation : il s'agit de NSP3 (nommée aussi PLpro) et NSP5 (ou 3CL). Ce sont des protéases.

NSP3 et NSP5 vont tout d'abord s'auto-extraire de l'assemblage, puis s'en iront cliver les autres protéines,
NSP3 s'occupant de NSP1 et NSP2, tandis que NSP5 se chargera de toutes les autres.
Une fois dissociées, ces protéines non-structurales vont toutes assurer des fonctions précises sur lesquelles je ne compte pas m'étendre plus que de raison, mais laissez-moi tout de même vous en citer un petit nombre, histoire de vous montrer à quel point ce virus est diabolique.
Certaines, afin d'assurer que les prochaines traductions de l'ARN viral par les ribosomes ne soient pas dérangées, vont faire saucissonner tout ARNm qui ne porte pas de signature virale, ou carrément bloquer l'accès des ribosomes à nos ARNm.
Par conséquent, la cellule fabriquera moins de protéines...

Dans d'autres cas, ces NSP iront même encore plus loin en empêchant carrément nos ARNm de sortir du noyau de la cellule.
Ce faisant, elles inhibent la synthèse de protéines capables d'alerter le système immunitaire d'une infection en cours.

On produira alors moins d'interférons, et la réponse immunitaire contre ce virus va s'en ressentir...
Cette capacité à faire déjouer le système immunitaire n'est pas exclusive à ce virus : d'autres le peuvent. Mais SARS-CoV-2 le fait particulièrement bien.

D'autre part, (mais je vous épargnerai les détails), il va remodeler tout l'intérieur de la cellule à son avantage.
Mais je voudrais plutôt attirer votre attention sur les NSP qui vont s'assembler pour former ce qu'on appelle le Complexe Réplicase-Transcriptase (CRT).

Celui-ci sera directement impliqué dans la transcription et la réplication du génome viral.

jbc.org/article/S0021-…
NSP12 (RdRp) va jouer un rôle déterminant dans ce complexe, car il s'agit de l'ARN polymérase ARN-dépendante.

ARN polymérase ARN-dépendante = enzyme qui fabrique de l'ARN à partir d'un ARN.
C'est très simple.
Aidée par les autres NSP, cette ARN polymérase va donc synthétiser un nouveau brin d'ARN à partir du brin initial d'ARN, tout ça en respectant les paires A - U et C - G introduites plus haut !
Comme nous l'avons vu, l'ARN de SARS-CoV-2 est simple brin, et à polarité positive.

Son brin complémentaire synthétisé par le CRT - et plus directement par l'ARN polymérase - aura donc une polarité négative.
(Juste pour info : NSP13 sert à dérouler l'ARN pour faciliter sa lecture et la synthèse du brin complémentaire, puis à détacher les deux brins une fois le travail terminé, en cassant les liaisons hydrogène que nous montre plus haut l'illustration de @duxpacis)
Il faut savoir qu'avec ses 30 000 (ribo)nucléotides, le génome de SARS-CoV-2 est très long par rapport à la moyenne des autres virus - à titre d'exemple, celui du VIH n'en possède que le tiers.

Toutefois, l'ARN polymérase est bien adaptée à ce long génome, car elle possède une
une rapidité d'exécution extraordinaire !

Une vitesse qui a cependant un revers, dans la mesure où elle induit un certain nombre d'erreurs (erreur = remplacement accidentel d'une base azotée par une autre).
Heureusement (pour le virus !), son CRT s'appuie sur un mécanisme de relecture et de correction d'erreurs, dans lequel intervient surtout NSP14 (ExoN).

Mais parfois, certaines erreurs échappent malgré tout à leur vigilance, donnant lieu à la production d'un brin muté.
Pour le meilleur et pour le pire.

Une fois terminé, le brin négatif servira à son tour de modèle (ou matrice) au CRT pour la reproduction du brin positif initial dont le virus a besoin.
La réplication du génome viral par le CRT se fait donc en deux étapes, et il n'y a pas d'autre choix que de passer par le brin négatif.
Mais avant de fabriquer des brins positifs à la chaîne, le CRT (et plus particulièrement l'ARN polymérase) va d'abord se servir du brin négatif pour produire des ARN dits sous-génomiques : ce sont des portions d'ARN viral qui codent non seulement pour les protéines structurales
du virus, à savoir S (la fameuse Spike), N, M et E, mais aussi pour des protéines accessoires sur lesquelles je ne vais pas m'attarder ici.

Ces ARN sousgéomiqués étant fabriqués à partir d'un morceau du brin négatif, ils auront donc une polarité positive leur donnant l'accès
direct à la traduction par des ribosomes.

Tandis que les ARN sous-génomiques se feront traduire en protéines, le CRT s'occupera, lui, de synthétiser une kyrielle de brins d'ARN à polarité positive à partir de l'ARN à brin négatif.
Par la suite, les particules virales vont s'assembler au niveau de l'ERGIC, un compartiment intermédiaire entre le réticulum endoplasmique et l'appareil de Golgi.
Le réticulum endoplasmique est un compartiment cellulaire relié au noyau. Des ribosomes (en noir sur la seconde image) adhèrent à sa paroi.
Appareil de Golgi = ensemble de vésicules aplaties situé à proximité du réticulum endoplasmique.
Une fois le tout empaqueté, notre nouveau virus sera acheminé vers l'extérieur de la cellule par une vésicule de transport via un processus appelé l'exocytose.

Il pourra ensuite accomplir son propre cycle en infectant une nouvelle cellule.
Ci-dessous, un schéma résumant les étapes du cycle de réplication du virus. En espérant qu'il puisse vous aider si vous n'avez pas tout bien saisi !

medecinesciences.org/en/articles/me…
Voilà, à présent vous savez tout sur la réplication du virus !
Tout ou presque, car j'ai sciemment survolé quelques phases du cycle, surtout les dernières (les passages dans le RE et le Golgi), cela pour me borner aux renseignements qui vous seront d'une utilité immédiate.
J'ai aussi ignoré deux ou trois étapes qui mériteraient qu'on en parle, mais ce sera éventuellement pour une prochaine fois, si aucun twitto sérieux ne le fait avant.
Désormais, nous pouvons embrayer sur la seconde partie du thread : le Molnupiravir de tous les espoirs.

Qu'est-ce que le Molnupiravir ? Un antiviral développé par le laboratoire Merck sous forme de gélules à avaler, et initialement conçu pour traiter la grippe.
Sous sa forme commerciale, il s'agit d'un (ribo)nucléoside analogue.

Et là, j'imagine les réactions : « Depuis le début, elle nous parle de nucléoTides. C'est quoi, un nucléoSide ? Et analogue, qui plus est ? »
Je vais simplifier pour que ce soit clair.

NucléoSide = nucléoTide amputé du groupement phosphate dont j'ai parlé plus haut.
L'acquisition du groupement phosphate par le (ribo)nucléoSide, faisant de lui un (ribo)nucléoTide, passe par un mécanisme appelé la phosphorylation.
NucléoSide analogue = nucléoside de synthèse qui imite un nucléoside naturel, notamment au niveau de la base azotée. Je vais y revenir.
Examinons à présent la structure chimique de ce (ribo)nucléoside analogue qu'est le Molnupiravir.

Il y a trois sous-unités : le ribose (caractérisé par les deux OH), l'analogue d'une base azotée (dans le cas du Molnupiravir, cet analogue ressemble à un C... mais peut également
passer pour un U), et enfin, en lieu et place du groupement phosphate constitutif d'un (ribo)nucléoTide, se trouve le méthylpropanoate.
En l'état, le Molnupiravir n'est pas actif. Il doit d'abord être phosphorylé par nos cellules afin d'acquérir ce groupement phosphate qui le convertira en (ribo)nucléotide.
Cela prend un peu de temps.
Mais au terme du processus, voici enfin notre ribonucléotide tout feu tout flamme, arborant fièrement son groupement phosphate (bon, ici, il y a trois groupes phosphate).
Le Molnupiravir est désormais prêt à intervenir sur la réplication du virus, en bon antiviral qui se respecte.

Tout se passe au niveau de l'ARN polymérase que nous avons étudiée plus haut.
En effet, cette ARN polymérase synthétise des brins d'ARN à partir de ribonucléotides à trois groupes phosphate.
Toutefois, je précise qu'en polymérisant (ou en liant, si vous préférez) ces nucléotides à trois phosphates, l'ARN polymérase leur fera perdre deux groupes phosphate...

De sorte que les ribonucléotides de l'ARN de SARS-CoV-2 n'auront finalement qu'un seul groupe phosphate !
Revenons au Molnupiravir.

A présent qu'il détient les trois groupes phosphate, et parce qu'il ressemble aux ribonucléotides avec la base azotée C (ou U), il peut servir de substrat à l'ARN polymérase virale.
Il va donc va entrer en compétition avec les ribonucléotides naturels pour être incorporé à leur place dans le brin d'ARN en cours de synthèse. Parfois, comme ici, il en sortira vainqueur.
Dans ce cas de figure, les protéines non-structurales (NSP) chargées de la relecture et des corrections d'erreurs ne semblent pas le reconnaître pour un intrus.

Aussi, son intégration ne déclenche pas d'interruption de chaîne : la synthèse du brin d'ARN se poursuit...
Au final, ce sont de grandes quantités de Molnupiravir (M) qui vont s'insérer dans l'ARN viral, que ce soit pendant la synthèse du brin négatif, des brins positifs ou encore des ARN sous-génomiques (voir plus haut).
Comme je l'ai dit tout à l'heure, le Molnupiravir ressemble à un (ribo)nucléotide naturel qui porte la base azotée C... ou, parfois, U.

C'est celle alternance qui va introduire des mutations dans le génome du virus.
Exemple : nous voyons ci-dessous que le Molnupiravir, M, est incorporé à la place d'un C, puisqu'on l'associe à un G.

Mais plus tard, il est reconnu pour un U par la polymérase, qui l'associe donc à un A.
Conséquence : le nouveau brin cporte un A, dans une position où devait se trouver un G !
Et des mutations comme celle-ci, il va s'en produire à la chaîne.

L'action du Molnupiravir consiste à introduire toute une série de bugs dans le génome viral, au point qu'il ne puisse plus coder pour quelque chose de viable ou de fonctionnel.
Vous l'aurez compris, cette molécule ne bloque pas l'entrée du virus dans nos cellules, mais l'empêche de mener à bien son cycle de réplication en induisant une mutagénèse létale (ou erreur catastrophique).

On parle d'infection abortive.
Signalons au passage que le Remdesivir (notez le suffixe « vir » annonce un antiviral) présente à peu près le même mode d'action : comme le Molnupiravir, c'est un nucléoside analogue ciblant l'ARN polymérase du virus.
Quand on y pense, ce mode d'action lui confère déjà un meilleur rationnel que l'hydroxychloroquine - je le dis pour les charlatans dont le seul cheval de bataille est la mise en compétition de ces deux molécules, encore et toujours, en novembre 2021...
Toutefois, il convient de rappeler que :

1⃣ Le Remdesivir provoque une terminaison retardée de l'élongation de la chaîne d'ARN, au contraire du Molnupiravir qui, lui, ne déclenche pas d'interruption.

2⃣ On sait maintenant qu'il ne sert à rien.
3⃣ Perturber la réplication du virus, ça a surtout un intérêt dans les premiers stades de la maladie, pas après.

Or, la voie d'administration du Remdesivir (par intraveineuse) est un handicap considérable. On n'a pas les moyens de perfuser et de surveiller un grand nombre de
cas positifs dès l'infection.

Le Molnupiravir, lui, semble se distinguer si on en croit le communiqué fracassant du laboratoire Merck, en date du 1er octobre :

merck.com/news/merck-and…
Les résultats préliminaires sont ébouriffants : dans une étude de phase 3 sur 775 patients atteints d'une forme légère à modérée, et qui présentaient tous au moins un facteur de risque (le plus souvent une obésité, un âge supérieur à 60 ans ou un diabète),
ce traitement aurait réduit de moitié les hospitalisations et réduit à zéro les décès. D'autre part, et c'est à souligner, il n'y aurait pas de baisse d'efficacité quel que soit le variant.
L'essai a donc été arrêté prématurément, et une demande d'autorisation de mise sur le marché est actuellement sur la table de l'Agence Américaine du Médicament.
Du côté de l'Agence Européenne du Médicament (EMA), on a lancé un examen accéléré de ce traitement.

Quant au Royaume-Uni, il vient tout juste... de l'autoriser.

liberation.fr/societe/sante/…
Autant dire que les espoirs sont réels.

Malheureusement et au risque de passer pour une rabat-joie, je trouverais plus sage que l'on reste prudents : ce seul communiqué de presse dont nous disposons n'a pas valeur de preuve !
D'autant mieux que l'arrêt prématuré d'un essai pour efficacité, ça PEUT avantager le traitement.

Impossible d'y voir plus clair avant la publication des données, mais pour le moment, elles font l'objet d'un examen rigoureux par un comité indépendant.
Nul autre que lui ne peut y accéder, pas même une super-héroïne comme moi.

Il faudra donc rester dans l'expectative jusqu'à nouvel ordre (cependant, la France s'est montrée proactive en commandant 50 000 doses au cas où).
J'ao dit une fois (dans mon thread précédent, en fait !), j'ai dit une fois que la découverte d'un antiviral efficace contre SARS-CoV-2 serait une prouesse.

Je continue de le penser, notamment à cause de la question épineuse des effets indésirables.
Vous vous souvenez ? Qui s'attaque à un virus peut aussi s'attaquer à nos propres cellules !

D'ailleurs, certains ribonucléosides analogues tel le Balapiravir ont vu leurs essais stoppés en raison d'une toxicité majeure.

pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/22166557/
C'est donc un point sur lequel je voudrais m'étendre pour finir.

Mais d'abord, on va quand même se donner un peu d'espoir en soulignant que les nucléosides analogues ont parfois un certain succès, témoin le Ganciclovir, qui sert à traiter des infections à virus à ADN comme le
CytoMégaloVirus. Il n'y a pas d'explosion des cancers chez la population traitée.

Quid du Molnupiravir ?
Le risque mutagène fait couler beaucoup d'encre, et il est vrai qu'à ce stade, on ne peut rien conclure, dans un sens comme dans l'autre. Les certitudes manquent.
Toutefois, si le risque mutagène existe, il pourra prendre deux formes, c'est-à-dire l'une ou l'autre, voire les deux :

1⃣ Un risque mutagène pour le virus (comprendre : le risque de faire émerger un variant par création ou par sélection)

2⃣ Un risque mutagène pour l'homme
Nous allons aborder ces questions séparément.

En ce qui concerne le virus lui-même, on a vu que le Molnupiravir engendrait des mutations dans le génome viral, mais en fin de compte, c'est leur accumulation qui compromet la viabilité du virus.
Or, si on veut atteindre la mutagénèse létale, il faut bien sûr que le Molnupiravir se trouve en quantité suffisante dans nos cellules, prêt à être inséré dans l'ARN que fabrique le CRT - et plus particulièrement l'ARN polymérase.
Qu'adviendrait-il en cas de sous-dosage ?

Il y aurait toujours des mutations, mais peut-être plus assez pour obtenir un virus handicapé ou non-viable.
Cela augmenterait du coup le risque de produire un virus fonctionnel, possédant pourquoi pas un avantage sélectif sur les variants en circulation (que ce soit en terme d'infectiosité ou de résistance à l'immunité acquise par le vaccin et/ou une infection antérieure).
Eventuellement, le Molnupiravir pourra aussi sélectionner des variants qui lui sont insensibles. On peut tout imaginer. Une mutation au niveau du CRT, lui offrant par miracle une capacité à bien reconnaître le Molnupiravir pour un intrus et l'éliminer...
Une mutation de l'ARN polymérase diminuant son affinité pour le Molnupiravir...

Vous voyez que les possibilités sont multiples, mais il s'agit là de simples hypothèses.
Elles méritent cependant notre considération, et pas du dédain.
Quels sont les dangers pour nos propres cellules ?

Les mutations pourraient concerner l'ADN ou l'ARN.
Mais avant d'aborder la question, je vais m'octroyer l'immense privilège de vous faire une révélation qui va changer le cours de votre vie :
vous croyiez peut-être que l'ADN était seulement stocké dans le noyau de la cellule, n'est-ce pas ? Détrompez-vous ! On en trouve aussi à l'intérieur des mitochondries - qu'il faudra donc surveiller au même titre que l'ADN nucléaire.
La mitochondrie est un petit organite intracellulaire localisé dans le cytoplasme. On pense qu'elle provient d'une bactérie qui aurait été incorporée dans les cellules eucaryotes (qui possèdent un noyau) il y a environ 2 milliards d'années, via un phénomène appelé l'endosymbiose.
Les mitochondries peuvent varier en nombre suivant le type de cellule qui les abrite, mais aussi être fixes ou mobiles. Le plus souvent, elles ont une structure en forme de bâtonnet.
Je me permets d'ajouter que les membranes interne et externe se ressemblent en ce qu'elles sont composées de bicouches lipidiques, mais diffèrent de par la nature de leurs protéines. Du côté de la membrane externe, on trouve la porine
qui sait ménager des canaux permettant des échanges entre le cytoplasme et l'espace intermembranaire.

Quant à la membrane interne, 80% de ses constituants sont des protéines qui appartiennent notamment à la chaîne respiratoire.
Si on veut résumer d'une façon triviale le rôle des mitochondries, on dira qu'elles sont un peu les centrales énergétiques de la cellule.

Elles sont aussi, un peu, des cellules dans la cellule.
Quant à son génome, raison pour laquelle j'ai décidé de les introduire dans ce thread, il se trouve, comme vous avez pu le voir, dans la matrice, laquelle est entourée par la membrane interne.
L'ADN mitochondrial (ADNmt) compte deux brins mais diffère de celui du noyau pour plusieurs raisons, notamment :

1⃣ Parce qu'il est circulaire.
2⃣ Car il se transmet uniquement par la mère (en effet, seul le noyau du spermatozoïde entre dans l'ovule : pas ses mitochondries)

3⃣ Parce qu'il code pour un tout petit nombre de protéines.
Ainsi, les protéines qui composent la mitochondrie ne sont pas toutes fabriquées à partir de l'ADNmt. Beaucoup le sont à partir de l'ADN nucléaire (exemple : les polymérases mitochondriales).

L'ADNmt est donc petit. Il n'empêche. Si des anomalies surviennent dans ce génome,
cela peut altérer notre production d'énergie et déclencher des maladies musculaires.

D'où le besoin de surveiller non seulement les ADN et ARN nucléaires, mais aussi les ADN et ARN mitochondriaux si on veut mesurer la sécurité du Molnupiravir.
De là, plusieurs questions :

1⃣ Le Molnupiravir pourrait-il servir de substrat aux ADN polymérases (enzymes qui fabriquent de l'ADN) du noyau et de la mitochondrie ?

Une chose est sûre, si le Molnupiravir est utilisable par nos ADN polymérases, il pourra donc s'intégrer
à notre ADN et lui faire subir des mutations, avec tout ce que cela comporte de cancers possibles (sans parler du risque de malformations héréditaires).
Vous allez me dire : « Mais bon sang, comment veux-tu que l'ADN polymérase fabrique de l'ADN à partir d'un RIBOnucléotide destiné à s'incorporer dans un brin d'ARN ? Y a un loup quelque part ? »
Alors je vais y revenir plus tard, mais tranquillisez-vous, il n'est pas question de transcriptase inverse (ou rétrotranscriptase). Oubliez-moi ces sornettes.

2⃣ Le Molnupiravir pourrait-il servir de substrat aux ARN polymérases du noyau et de la mitochondrie ?
Ici, l'ADN n'est pas concerné, cependant, si le Molnupiravir sert de substrat à nos ARN polymérases, cela peut entraîner provisoirement la synthèse, via les ARNm traduits, de protéines mutées, donc potentiellement dysfonctionnelles voire tronquées
(qui finiront dégradées plus ou moins rapidement).

Autant de risques à considérer en gardant la tête froide, donc sans tomber dans l'hystérie, mais avec le plus grand sérieux tout de même.
3⃣ Le Molnupiravir peut-il entrer dans le noyau ou les mitochondries, c'est-à-dire là où se trouvent nos polymérases ?

S'agissant du noyau, sa membrane est perforée de pores dans lesquels se trouve un complexe moléculaire permettant les échanges entre le noyau et le cytoplasme
et toute molécule du milieu cytoplasmique dont le poids n'excède pas 50 kilodaltons peut théoriquement franchir ces pores nucléaires sans devoir être pris en charge par un passeur (les karyophérines).
* prise en charge
Or, un nucléotide pèse environ 330 daltons. S'il n'est pas dégradé avant, un passage dans le noyau reste une possibilité.
Petite précision pour les antivaxx : non, vous ne venez pas de découvrir un moyen pour l'ARNm vaccinal de pénétrer dans le noyau.

L'ARNm du vaccin Pfizer contient 3 821 nucléotides, ce qui correspond à peu près à 1 200 kilodaltons.
C'est bien trop gros pour entrer librement dans le noyau. Inutile de s'exciter.

Pour les mitochondries, c'est plus difficile mais envisageable.
Ceci dit, il reste à évaluer le degré d'affinité du Molnupiravir pour nos propres polymérases. En d'autres termes, peut-il être utilisé aussi facilement (voire plus) par nos polymérases (nucléaires ou mitochondriales) que par celle du virus ?
La littérature scientifique commence à fournir des éléments de réponse... parfois contradictoires.
D'après cette étude in vitro publiée en 01/2020, l'utilisation du Molnupiravir par l'ARN polymérase ADN-dépendante de la mitochondrie (POLMRT) est bel et bien possible... mais ne constitue pas le premier responsable de la cytotoxicité du Molnupiravir.

journals.asm.org/doi/10.1128/AA…
Et 14 jours de traitement n'ont pas provoqué d'altération significative de la fonction mitochondriale.
Ici, on ne retrouve pas de mutations dans les ARNm.

science.org/doi/10.1126/sc…
A suivre...

Revenons maintenant sur l'ADN polymérase. Pourquoi ai-je mentionné plus haut qu'elle pourrait se servir d'un RIBOnucléotide analogue tel que le Molnupiravir ?
Parce qu'au détour de la phosphorylation qui convertit le Molnupiravir en ribonucléotide analogue, il ne serait pas impossible qu'il devienne un désoxyribonucléotide, compatible avec l'ADN polymérase...
C'est ce que rapporte une étude in vitro sur cellules de mammifères :

ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/P…
Toutefois, une autre étude est venue éteindre l'incendie, annonçant qu'on ne retrouve pas ce risque in vivo chez les rongeurs.

ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/P…
Dans cette dernière étude, le Molnupiravir a été administré aux rongeurs sur un temps très court, alors que dans l'étude in vitro sur des cellules de mammifères, le traitement a duré 32 jours. On tient peut-être la raison de ces résultats différents...
Vous l'aurez compris, entre signaux d'alerte et « contre-études » rassurantes, je trouverais plus sage de ne pas se précipiter, et verrais d'un bon œil que l'on mène encore d'autres recherches avant d'élargir la prescription de ce traitement à toute la population,
voire de l'utiliser en préventif comme c'est envisagé (d'autant mieux qu'avec l'usage préventif de la molécule, se posera la question de savoir si ça laissera le temps au système immunitaire de reconnaître le virus ; dans le cas contraire, pas d'immunité solide,
donc risque de réinfection à court terme, et nécessité de reprendre ce traitement, peut-être à répétition : pour quels risques ? Est-ce tout à fait neutre ?).
Dans un premier temps, il me semblerait opportun de réserver son usage aux personnes chez qui le vaccin n'a pas eu d'efficacité, faute de système immunitaire compétent...
Celles chez qui le bénéfice du traitement (éviter une mort foudroyante et quasi certaine par le COVID-19) surpasse ses risques (possibilité encore non prouvée de faire un cancer plus tard, entre autres réjouissances).
Conclusion :

1⃣ L'espoir est permis, car nous tenons peut-être enfin un traitement étiologique efficace... mais ça reste à prouver par autre chose qu'un communiqué ! Sorry not sorry.
2⃣ Le risque de produire des variants, tout comme celui d'en sélectionner, ne doit pas être exagéré mais au moins considéré. C'est, je pense, un droit et un devoir.
3⃣ Compte tenu du risque mutagène pour l'homme et dans l'attente de nouvelles études, j'espère qu'on évitera d'en prescrire aux enfants comme aux femmes enceintes.

Et seuls les non-répondeurs au vaccin devraient pouvoir en bénéficier, au moins dans un premier temps...
4⃣ Touche chiffre quatre Quoi qu'il arrive, ce traitement ne viendra pas remplacer la vaccination, qui reste à ce jour la meilleure barrière contre les formes graves de la maladie.

Au mieux, il la complètera chez les personnes « immuno-incompétentes », et c'est déjà beaucoup.
Fin du thread !

J'espère que vous l'aurez apprécié dans l'ensemble.

En tout cas, j'ai fait de mon mieux pour le rendre accessible à tous.

Merci à mes courageux lecteurs !
Et s'il vous en faut encore, n'hésitez pas à lire mes threads précédents !

L'HYDROXYCHLOROQUINE : ÇA MARCHE OU PAS ?

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LE VACCIN A ARNM ET SES RISQUES FANTASMES.

DIDIER RAOULT VS KARINE LACOMBE : QUI A RAISON SUR LES VARIANTS ?

Voilà, je vous laisse en musique - rassurez-vous, c'est plus consensuel que la dernière fois...

Je l'ai fait, Maître Fu !
J'espère que vous êtes un peu fier de moi...
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More from @Locuste_

20 Oct
Bonjour,
Le charlatan Didier Raoult passe ce matin chez Morandini, et puisque @Le___Doc est absent, la coccinelle va le remplacer pour vous retranscrire un peu ce qui se dit dans cette émission. 🐞
10h47 : le grand Professeur de l'IHUM se fait attendre, Morandini et sans nouvelles et s'impatiente.

« Il aurait dû être là à 10h30. » 😭
10h48 : Morandini l'engueule, furieux de s'être fait planter.

Le charlatan rigole. En sortant de chez Hanouna hier soir il a dit oui sans vraiment comprendre qu'il serait invité ce matin chez Morandini...
Read 33 tweets
19 Oct
MARSEILLE, TON UNIVERS IMPITOYABLE ! 🎵 (saison 14, épisode 3).

Infirmier : Mais c'est surtout par les mains qu'on l'attrape.

Moi : Alors comment expliquez-vous les super-clusters ? Les contaminations à longues distances, sans contact direct ou indirect ?

1/
Infirmier : Oui, bon, ça arrive, mais le plus souvent c'est par les mains, quand même.

Moi : Alors comment expliquez-vous qu'on se contamine plus en intérieur qu'en extérieur ?

Infirmier (attention, réponse qui n'a rien à voir) : Bah, on a de la SHA partout.

2/
Moi, ironique : Oui, on a pu observer le succès du lavage de mains pour écrêter la première vague.

Infirmier : Oui mais à ce moment-là le virus était plus virulent, euh... contagieux !

3/
Read 7 tweets
19 Oct
La Lettonie va se reconfiner pendant près de quatre semaines.

Finalement, la situation n'était pas tenable...

bfmtv.com/international/…
Après avoir fortement lésiné sur les mesures barrières, notamment dans les écoles où ça se tapait des selfies sans masques en intérieur, la Lettonie devient donc le triste numéro un mondial de l'incidence.

baltictimes.com/latvia_records…
Avec un habitant sur deux non-vacciné, et un variant Delta on fire, on ne peut échapper à l'exponentielle si on relâche en même temps les mesures barrières.
Le virus finit par nous rattraper.
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18 Oct
Il faudrait parler de la Lettonie, où ça flambe actuellement.

L'épidémie y atteint des sommets encore inexplorés, jamais observés en France alors que nos vagues étaient jusqu'ici plus hautes que les leurs.
Le variant Delta se montre impitoyable envers des pays jusqu'alors relativement épargnés par la crise, causant des exponentielles dramatiques.

Et le pire, c'est qu'il n'a pas encore tout à fait la main sur le R-eff déjà préoccupant du virus : il lui reste encore de la marge...
Au niveau de la mortalité, ça s'élève doucement, mais il faut tenir compte du décalage de quelques semaines entre un test positif et le décès.
On risque donc de monter très haut, les positifs d'aujourd'hui étant les morts déplorés dans ~ 3-4 semaines...
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17 Oct
On ne va pas se mentir : remettre en question l'intérêt de cette 3ème dose s'apparente à sortir des clous.
C'est un avis impopulaire que celui de @fzores.
Mais je le partage justement pour cette question du bénéfice / risque, que seul un essai contrôlé randomisé peut trancher.
1/
Bien sûr que si la médecine était parfaite, si ce rappel ne présentait aucun risque, donc que des bénéfices, on serait moins regardants.
On ferait une injection pour se rassurer dès que le taux d'anticorps baisse.
Ce serait fantastique.
2/
Malheureusement pour nous, le risque zéro n'existe pas, et le reconnaître n'a rien d'infâmant, attendu qu'il en est de même pour tout vaccin ou médicament.
3/
Read 22 tweets
16 Oct
Une rare, mais gravissime complication de la rougeole : la panencéphalite subaiguë sclérosante (PESS).

Mortelle, cette maladie cérébrale évolutive se déclare des mois ou années après votre guérison apparente.

Il n'y a bien sûr aucun traitement.
Le vaccin ROR contre la rougeole est très efficace, et pour cause : il procure une immunité stérilisante.

C'est-à-dire qu'une fois vacciné, le virus ne peut plus vous infecter.

Cette immunité stérilisante est la condition sine qua non pour obtenir l'immunité collective !
Autre bonne nouvelle : le virus de la rougeole a ceci de particulier que des mutations sur sa protéine d'adhésion lui font perdre tout pouvoir infectieux. Il ne peut donc pas compter là-dessus pour échapper à l'immunité !
Le vaccin le met en PLS.
Read 5 tweets

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