Les enfants et la pandémie, c'est un peu comme une fable.
Une fable qui a débuté avec les masques et qui se poursuit avec la vaccination, effrayant encore aujourd'hui des milliers de personnes.
En tant qu'urgentiste pédiatrique, je vais vous causer de la réalité des choses /1
Tout commence par la peur.
La peur du masque d'une partie de la population, cette partie qui adore croire tout et n'importe quoi et qui, très tôt, explique que le masque va retenir les miasmes et détruire le système immunitaire des gens qui le portent. /2
Pire encore, le masque ferait baisser l'oxygénation et entraînerait une désaturation. Heureux sont les soignants, notamment au bloc, qui le portent depuis des années sans être mort par centaines. Mais une légende urbaine se fout un peu de la cohérence du réel. /3
Mais comment propager la peur au sein de la population de façon encore plus efficace pour cette minorité complotiste et bientôt antivax ?
Trouver une population que tout le monde veut protéger et sur laquelle l'erreur est impensable : les enfants. /4
Du coup, nous voici devant une immense polémique sur les conséquences sociales et médicales du masque chez l'enfant qui diminue leurs défenses immunitaires, qui détruit leur développement et décuple les symptômes anxio-dépressifs. /5
On voit même fleurir des vidéos de gens totalement tarés qui mesure la saturation au doigt avec n'importe quel appareil et dans n'importe quelles conditions de plusieurs dizaines d'enfants en criant comme des mabouls dès que le capteur capte mal. /6
On se retrouve donc avec des photos ou vidéos de gamins qui ont 82% de saturation mais qui sourient et sont tout roses pour l'occasion. Un « exploit » que seuls certains enfants cardiopathes pourraient accomplir sans sourciller en réalité. /7
Et puis vas-y que je te publie des articles sur des enfants qui ne savent plus sourire avec le masque, sur des enfants ultra-anxieux incapables de socialiser, sur des enfants qui sont de plus en plus faibles physiquement et mentalement. /8
La réalité, elle, est tout autre.
Aux urgences pédiatriques, je vois des dizaines (voir des centaines) d'enfant par semaine. Depuis le début de l'épidémie, je n'y constate aucune conséquence du masque et une différence évidente s'impose rapidement à mes yeux. /9
Plus l'enfant en face de moi a un parent qui insiste sur le masque, son inconfort et ce qu'il entraîne et plus l'enfant est nerveux, mal à l'aise et inconfortable.
Au contraire, un parent qui a bien expliqué l'intérêt du masque et son principe à l'enfant n'a aucun problème. /10
Ce qu'il se passe, de façon attendue et évidente, c'est que plus un parent est stressé sur le masque et la pandémie, sur tout ce qu'il lit et transmet, et plus l'enfant absorbe comme une éponge, et plus il va mal.
Les enfants sont des éponges émotionnelles, toujours. /11
Côté saturation aussi les choses sont loin d'être ce qui est rapporté ici ou là et strictement aucun des milliers d'enfants passés aux urgences depuis le début de la pandémie n'a désaturé sur un port de masque. Même les asthmatiques. Hé oui. /12
Cela veut-il dire pour autant que nous sommes joie de faire porter le masque aux enfants pour leur sécurité et surtout celle de leur entourage, bien sûr que non. Mais la santé publique et le virus se foutent bien de nos aspirations émotionnelles. /13
Avec l'arrivée de la vaccination, on voit ressurgir les mêmes angoisses, les mêmes idioties, avec des enfants qui seraient des cobayes, qui auront de terribles conséquences, qui n'ont aucun intérêt à se vacciner. Nous serions des monstres. /14
Pourtant, la vaccination des enfants contre la CoVid est sûr et aucun signal d'alarme n'a retenti sur les millions d'enfants vaccinés de par le monde. Aucun.
Mais ceux qui aiment propager la peur continue et sortent encore d'autres lapins de leurs chapeaux pour vous effrayer. /15
La réalité, toute crue, et que je vois tous les jours aux urgences, c'est que les enfants n'ont pas peur du vaccin ou du masque, ils ont les peurs de leurs parents, comme un second virus peut-être plus terrible que le premier. /16
C'est toujours la même histoire aux urgences, les adultes projettent leur peur sur leurs enfants, projettent des problèmes qui les rongent sur les gamins et en font, de facto, le problème des gosses. /17
Prenons un exemple pour comprendre.
Le thermomètre rectal est le gold standard pour la fièvre chez l'enfant et, notamment, le bébé. Mais on voit régulièrement fleurir des commentaires outrées sur cette technique. Vous savez pourquoi ? /18
Parce que ce serait un geste invasif assimilé à un viol, à quelque chose de dégueulasse fait à l'enfant.
C'est ridicule et pourtant c'est archi-révélateur d'une problématique d'adulte que l'on plaque sur un bébé qui n'a rien à voir. /19
Le masque, le vaccin, tout le reste, c'est pareil.
Et je vais même aller plus loin encore en disant que plus l'intérêt du masque et son port sont expliqués de façon ludique à l'enfant, plus celui-ci est fier et s'en fout de le porter. /20
Derrière, faut aussi parler des autres conséquences.
Comme ces enfants qui ne sourirait plus avec le masque. Pourtant, croyez-le ou pas, j'en ai fait sourire des tonnes des bébés avec mon masque aux urgences, parce que le visage ne se limite pas à la bouche ! Heureusement ! /21
Et puis, masques et les mesures barrières, et aujourd'hui la vaccination, tout cela est fait pour empêcher au mieux le virus de se propager, avec les limites qu'on connaît déjà à ces seules armes que nous avons. Cela a aussi pour but d'éviter confinement et fermeture d'écoles /22
Car ça par contre, les conséquences sont plus catastrophiques. La perte de lien social, la perte d'éducation, la perte de moyens pour s'échapper du domicile, voilà des choses qui font des ravages en vrai. /23
Pendant le premier confinement, le vrai, quels ravages sur la santé mentale et psychologique des enfants et des adolescents. Dépression, Idées suicidaires, Anorexie, Agressivité… mais cette flambée était autant une conséquence du confinement que le révélateur d'autre chose. /24
Tous ces adolescents étaient prisonniers chez eux, avec des violences psychiques ou verbales, avec un monde virtuel qui les maltraite et leur renvoie une image erroné d'eux-mêmes et du réel, avec une impossibilité d'échapper à leur quotidien. /25
C'était le révélateur cruel du malaise de notre société, de parents maltraitants, d'adolescents mal dans leur peau, harcelés, réduit à une image corporel issus des médias, enfermés dans un monde atroce qui se réduisait avec le confinement /26
Révélateur que nous avions caché une société malade et des familles dysfonctionnelles sous le tapis et qu'une seule pandémie terrible a fait sortir du placard, exposant la vulnérabilité des enfants/adolescents à notre époque toxique. /27
Tout ce que certains désinformateurs professionnels vous répètent à longueur de temps en jouant sur votre empathie sur des populations fragiles et particulières, comme les enfants ou les femmes enceintes, tout est faux ou déformés pour vous manipuler. /28
Non, le masque ne va pas rendre votre enfant autiste ou le vaccin ne va pas transformer votre gamin en mutant.
Par contre, le fait de laisser son enfant sans protection aucune dans une épidémie aux conséquences certaines, pour l'enfant ou son entourage, là, c'est un danger. /29
N'oubliez jamais que votre enfant vous regarde et vous copie, qu'il réplique vos peurs et vos angoisses.
Et qu'un enfant qui va bien, c'est aussi, et avant tout, un parent qui va bien. /30
Si je vous dis tout ça, c'est aussi pour une bonne raison. C'est parce nous n'avons pas attendu cette pandémie en pédiatrie pour avoir des gens perfides et délirants qui inventent tout et n'importe quoi contre la vaccination. /31
C'était d'ailleurs devenu un tel problème que l'on a du imposer une vaccination obligatoire aux enfants...
Les désinformateurs sont les mêmes, leurs techniques jouant sur l'émotion aussi. C'est juste qu'ils ont maintenant un plus grand terrain de jeu ! /32
Sauf que pour nous, soignants en pédiatrie, l'enfant n'est pas un adulte en miniature, c'est un patient à part entière qui mérite qu'on le traite avec attention et intelligence et non comme un épouvantail sociétal.
Tenez-vous le pour dit. /33
P.S : pour les antivax et autres complotistes qui pensent que le masque va tuer les enfants par paquet de mille un jour (on sait pas quand), pas la peine de venir commenter hein, je bloque direct. Vous fatiguez pas.
Hier, je finissais à 00h. Comme d'habitude.
Hier, une garde horrible, encore. Le nombre d'enfants qui dépassent largement nos capacités de prise en charge, des enfants graves, des parents épuisés et énervés, des soignants lessives.
Hier encore, on s'est fait insulter d'incompétents, notre prise en charge qualifié de lamentable avec le temps d'attente avec certains et certaines qui pensent que les urgences pédiatriques sont le supermarché du médical où l'on vient faire l'examen qu'on veut.
Hier, je finissais à 00h.
Mais un bébé est allé très mal. Ma collègue qui était là pendant 24h a donc tout laissé tomber en bas aux urgences pour partir réanimer ce bébé en haut. Elle a tout fait pour le maintenir en vie avec les équipes pendant des heures.
Les antivaxx en pédiatrie, c'est pas nouveau, et ça date pas que du Covid, c'est juste plus voyant.
J'vous raconte ⤵
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Hier, pendant ma garde, un enfant doit être hospitalisé et la règle c'est parent vacciné ou avec PCR négative.
Normal hein, vous êtes dans un hôpital, donc on va quand même mettre toutes les chances de notre côté pour pas infecter les autres ! /2
Réaction irritée de la mère : « Je ne suis pas vaccinée, et ça veut dire que je vais devoir payer mon test pour aller avec mon fils hospitalisé ! C'est une honte ! »
… C'est une honte ? Attends, bouge pas, je vais te dire ce que c'est la honte. /3
Les urgences pédiatriques, c'est difficile d'y croire encore en hiver. Non vraiment, j'aime mon travail, j'aime ce qu'il implique et je sais en quoi il importe mais physiquement et mentalement, là, c'est dur de passer des jours avec des gens qui attendent autant...
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Hier, je suis arrivé à 8h et c'était un recors... 9h d'attente ! Pour des enfants ! Et le visage des internes, vidé, lessivé, tiré. Les infirmières et les auxiliaires aussi.
9h d'attente quoi. Parce qu'il y avait toujours 40 patients (!!) en permanence aux urgences
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Alors que nous sommes que 2 médecins par garde (1 de 24h, 1 de 16h) avec 2 internes. Des places au compte-gouttes, des paramed trop peu nombreux, et surtout un immense problème qui n'en finira pas demain...
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